«Manque de mécanismes de régulation, iniquité foncière, incohérence de l'action publique, un urbanisme dérogatoire»… Le constat est sans retour : la gouvernance du foncier au Maroc est encore entachée par une déficience réglementaire et les géomètres-topographes, professionnels de premier rang de ce secteur, ne se privent pas pour le dénoncer. Samedi à Mohammedia, l'Ordre national des ingénieurs géomètres-topographes (ONIGT) a, en effet, consacré sa journée nationale à la délicate question des enjeux et des défis liés à la bonne gouvernance du foncier au Maroc. Cette grand-messe, organisée sous l'égide du ministère de l'agriculture et de la pêche maritime, a été marquée par la présence de pas moins de 1.007 géomètres-topographes inscrits à l'Ordre national du corps de métier, de représentants de la fédération francophone des géomètres, des Unions arabe et méditerranéenne des géomètres, et du gouvernement en la personne de Idriss Azami Al Idrissi, ministre délégué chargé du budget. Dans son allocution, ce dernier a répondu, à raison et sur un ton consensuel, aux reproches des géomètres en déclarant que le gouvernement est déterminé à assainir le domaine de la conservation foncière et à remédier à toutes les lenteurs et les anomalies qui entachent encore la procédure de l'expropriation. «Le fait d'asseoir définitivement le patrimoine foncier du pays permettra inéluctablement d'en faire une plus-value à intégrer dans le circuit économique», a déclaré M. Azami. D'ailleurs, de part le portefeuille qu'il assume, le ministre a précisé que «les revenus générés de la conservation foncière sont aujourd'hui sur la liste du top 10 des recettes de l'Etat». L'intérêt du foncier pour l'économie et le rôle des géomètres y afférant ne s'arrêtent pas là pour autant. M. Azami va plus loin en affirmant que «le non assainissement du domaine foncier dans le pays a un impact négatif direct sur les investissements: plusieurs projets structurants risquent de ne pas aboutir ou enregistrer des retards dans leur réalisation en raison des contentieux liés au foncier». Dans une tentative louable pour y remédier, la direction des domaines de l'Etat est déjà à pied d'œuvre pour la finalisation d'une étude coordonnée entre les différents partenaires publics et privés sur le système d'information du domaine privé de l'Etat. Ce système devrait, à terme, doter la direction d'un dispositif moderne permettant de disposer d'une connaissance fine du patrimoine foncier (sa disponibilité, son adéquation, son coût…..) pour l'accompagnement des stratégies sectorielles, des politiques d'aménagement territorial et des projets d'investissement. La question de la gouvernance foncière a été également reprise par le président du conseil national de l'ONIGT, Mohamed Chrourou. Pour lui, «une bonne gouvernance du domaine foncier national, avec comme fondements le respect des règles de technicité et de droit, la sécurité et la transparence, permet inéluctablement d'aider au développement à travers la maîtrise des grands projets structurants». Et ce sont justement les géomètres-topographes qui s'avèrent être des chevilles ouvrières lorsqu'on évoque ces grands projets structurants : barrages, réseau routier, voies ferrées, ensembles immobiliers, réseaux d'irrigation… En bon politicien, M. Azami a trouvé le mot de la fin pour résumer le débat de cette journée nationale des géomètres-topographes : premièrement, sa promesse de consolider le partenariat et la collaboration public-privé dans la gestion du foncier. Et secundo, régler urgemment les contentieux liés au foncier via une politique de conservation foncière judicieuse. Cette démarche permettra à la fois d'élargir l'assiette foncière et de barrer la route à toutes les formes de spéculation qui sévissent toujours dans ce domaine.