Psychiatre, psychanalyste et écrivain, Rita El Khayat aborde le sujet de l'homosexualité avec une approche scientifique, privilégiant la recherche en ce sens et mettant l'accent sur le côté douloureux du phénomène. Entretien. ALM : Comment expliquez-vous que beaucoup de tabous ont été brisés par les homosexuels au Maroc, de telle sorte que l'on s'affiche plus librement ? Rita El Khayat : Je pense que c'est normal car ils se sont brisés au même titre que d'autres tabous. C'est la démocratisation qui tend à ce que des minorités essayent de se faire reconnaître en tant que tel. C'est la liberté dans toutes ses dimensions, notamment celle de l'expression qui veut que tout un chacun puisse s'exprimer librement, qu'il soit homosexuel ou autre. Quel commentaire faites-vous du fait que de l'autre côté, des tabous persistent et, officiellement, le phénomène est occulté? Tout simplement parce que nous sommes un pays musulman. L'Islam interdit l'homosexualité, tout comme les autres religions monothéistes le font. Le phénomène est interdit et aucune reconnaissance en tant que tel n'est possible car cela revient à transgresser les préceptes de la religion. Aucune compatibilité ne pourrait s'établir avec l'Islam. Du moment que la liberté prend des dimensions de plus en plus énormes, ne se dirige-t-on pas vers un scénario à l'occidentale, avec ses diverses manifestations tels les « gayprides » ? C'est impensable car quel que soit le degré de liberté, le Maroc a ses valeurs inhérentes à l'Islam et comme je l'ai dit, il ne pourrait avoir de reconnaissance dans ce sens, à l'image du récent mariage auquel a procédé le maire de la ville française Bègles, Noel Mamère, unissant deux homosexuels. Agir en ce sens revient à contrevenir l'Islam et j'estime qu'une telle évolution n'aura jamais droit de cité au Maroc. Quelle explication donnez-vous à l'homosexualité ? L'homosexualité est une perversion sexuelle, c'est une pathologie, une maladie. Dans le domaine de la psychanalyse, il existe des thérapies appropriées quoique les résultats ne sont pas toujours probants. Mais à travers le monde, le phénomène a pris une ampleur telle que les homosexuels sont devenus une entité qui dispose d'une puissance phénoménale, à telle enseigne que cela engage activement le système scientifique et politique. (…) Actuellement, des professeurs américains suggèrent l'existence d'un gène homosexuel. Si cette suggestion se confirme, le problème serait autre. Mais jusqu'à preuve du contraire, le problème, douloureux en soi, relève de la psychologie. Comment cerner alors l'homosexualité, quelles en seraient les causes ? C'est avant tout un problème d'éducation, de la relation avec la mère aussi. Nous avons également constaté un phénomène chez les enfants qui ont été victimes de viols. Très souvent, les enfants victimes de telles atrocités ont fini par effectuer une conversion vers l'homosexualité. Dans le même contexte psychologique, quel regard porte la psychanalyse sur l'homosexualité ? Il faut souligner qu'auparavant, il y avait deux écoles de psychanalyse, mais qui ne partagent cependant pas la même vision des choses, l'une étant en contrariété avec l'autre. La première estime que le sujet homosexuel est quelqu'un qui doit être rééduqué à l'hétérosexualité. L'autre précise que l'homosexualité permet au sujet de vivre sa sexualité sans avoir à «se déchirer». Est-ce que les homosexuels marocains vont jusqu'à consulter des psychanalystes ? Evidemment et tous les psychanalystes vous le diront, il y a des Marocains qui recouvrent à un cabinet de psychanalyse pour consulter le médecin, mais généralement, l'initiative émane de la famille du sujet, notamment des jeunes sujets dont les parents ont remarqué un ou une série de comportements plus ou moins inhabituels. Vous est-il arrivé d'en recevoir dans votre cabinet ? Effectivement, je me souviens d'un jeune homme que je traitais mais avec qui, malheureusement, rien n'a été possible. Tous les efforts se sont soldés par des échecs. Même les moyens utilisés par la famille et qui sont parfois brutaux n'ont donné aucun résultat. Je me souviens également avoir reçu un enfant de 10 ans. Sa famille s'inquiétait à le voir jouer avec des poupées et se plaire dans les joujoux pour filles. Je lui ai demandé de dessiner un homme et une femme, mais ses deux dessins se ressemblaient tellement qu'il n'y avait pas de différences entre les deux dessins. Il faisait presque une confusion entre les deux sexes. Pour ce cas également, tous les efforts étaient vains. A 20 ans, il y a eu explosion de son homosexualité.