ALM : Quels sont les principaux chantiers en direction de la communauté des MRE pour l'année 2013 ? Abdellatif Maâzouz : 2013 est l'année de concrétisation des projets inscrits dans le cadre des principaux axes de notre politique à moyen terme au service de nos concitoyens de l'étranger se déclinant autour de six axes prioritaires, tels que déclinés dans le plan d'action de l'actuel gouvernement. Parmi les résultats enregistrés, le premier chantier est l'accentuation de la communication de proximité avec la communauté et l'intensification des entretiens avec les autorités des pays d'accueil à travers des visites ciblées. D'un autre côté, ces visites servent de cadre à la concertation avec le tissu associatif et les compétences MRE pour raffermir leurs liens avec le Maroc, optimiser leur contribution à son développement et les mobiliser pour la défense de ses causes. Second chantier, le lancement de Maghribcom sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le 31 janvier 2013 à Casablanca. Maghribcom, plateforme virtuelle dédiée aux compétences marocaines du monde, est une passerelle interactive mettant en relation les acteurs institutionnels, économiques et sociaux du Maroc avec l'expertise, le savoir et le savoir-faire des citoyens marocains de l'étranger. La refonte de MDM Invest scellée le 27 février 2013 par la convention relative à la reconduction, sous de nouvelles conditions, de ce fonds institué en 2009 pour la promotion et l'accompagnement des investissements des marocains résidant à l'étranger représente le troisième chantier de cette année. Le renforcement de la coordination avec la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l'étranger, amorcé par la convention signée en novembre 2012, est aussi un grand chantier de l'année. La seconde moitié de 2013 verra la concrétisation des autres engagements pris dans le cadre de l'exercice budgétaire en cours sur les plans social, éducatif, culturel, économique, juridique et administratif à travers une démarche visant à instaurer la gouvernance et à assurer la meilleure convergence possible des politiques des différents acteurs publics et privés interlocuteurs des MRE. Précisément pour le fonds MDM de 100 MDH, géré par la CCG, quels sont les outils mis en place pour le vulgariser et quelles sont les procédures qui permettront à un investisseur marocain à l'étranger de bénéficier rapidement de ce fonds ? Ce fonds permet aux MRE souhaitant créer ou étendre un projet de bénéficier d'une subvention de 10% du coût du projet avec un apport personnel d'au moins 25%, le reste étant en crédit bancaire. De 2009 à 2011, ce mécanisme a permis la réalisation de quelque 21 projets totalisant plus de 140 MDH d'investissements et la création de plus de 270 emplois directs. Bien qu'ils soient en deçà de nos ambitions, ces chiffres montrent qu'il existe une niche d'investisseurs à explorer moyennant quelques ajustements du mécanisme. La version actualisée de MDM Invest apporte les ajustements souhaités, notamment en ouvrant aux MRE la possibilité de s'associer à des partenaires non MRE, marocains ou étrangers, en permettant aux MRE rentrés définitivement au Maroc depuis un an maximum de bénéficier du mécanisme et en considérant les prélèvements sur comptes en devises ou les transferts effectués depuis moins d'une année sur un compte en dirhams convertibles tenu au Maroc comme des versements en devises. Quelle est votre démarche avec les différentes associations de MRE sachant qu'elles se plaignent très souvent de ne pas être associées aux différentes décisions même si dans les débats elles le sont d'une façon ou d'une autre? Les associations de nos concitoyens à l'étranger constituent des acteurs déterminants pour la mise en œuvre de nos actions socioculturelles. Leur implantation géographique leur assure la proximité du public ciblé et la connaissance du terrain. Elles constituent de ce fait un relais appréciable pour toute action au service des Marocains de l'étranger. Du fait de leur double référence, elles détiennent un avantage comparatif qui leur permet de prendre le meilleur des cultures, des pratiques et des savoirs autour d'elles et d'en faire usage pour l'intérêt bien compris et du Maroc et des pays de résidence. Les expériences réussies et les bonnes pratiques dans le domaine associatif sont nombreuses. Actuellement, ce tissu très varié et développé à travers pratiquement tous les pays de résidence compte plus de 2.500 associations, de tailles et de fortunes diverses, qui connaissent parfois plus de hauts que de bas, même si le bilan de la plupart d'entre elles reste globalement positif. C'est ainsi que, dans le souci de capitaliser les bonnes expériences de ces associations et de renforcer leur efficience, notre ministère a élaboré un programme d'amélioration des capacités à leur intention. L'approche innovante préconisée par notre ministère dans le cadre de ce programme est basée sur la formation-action (learning by doing). En clair, l'association bénéficiaire est accompagnée de près par l'opérateur d'appui, dans la définition, la mise en œuvre et le suivi du projet ainsi que dans la mobilisation des partenaires techniques et financiers. Ce programme se déroule actuellement dans plusieurs pays européens et concerne plusieurs centaines d'associations bénéficiaires. Il confirme notre volonté de rehausser le niveau de nos associations et trouve un écho favorable de la part des autorités locales des pays de résidence qui expriment, de plus en plus, leur désir d'être associées à ce chantier structurant. La preuve en est le soutien apporté par de nombreuses villes et régions aux projets de ces associations, notamment ceux d'ordre culturel et social qui visent à assurer une intégration optimale des jeunes générations issues de la migration dans les sociétés de ces pays. Les représentants des associations de MRE se positionnent comme de véritables ambassadeurs dans leurs pays de résidence. Quelles sont les actions mises en place pour favoriser le lobbying positif qui défendrait les causes nationales ? Il ne fait pas de doute que les 5millions de Marocains établis à travers le monde sont autant de diplomates disposés à expliquer, à argumenter, à convaincre leurs vis-à-vis des pays de résidence de la justesse de notre cause. Leur atout principal est un tissu associatif jeune, plein d'allant, qui couvre presque la totalité du territoire et qui est prêt à assumer son devoir envers son pays d'origine. Cependant, ces associations sont souvent à court de munition face aux stratégies adoptées par les adversaires du Maroc qui, chaque fois qu'elles sont acculées, changent de terrain et trouvent le moyen de s'attirer la sympathie d'une opinion publique insuffisamment prévenue de leurs procédés déloyaux. Il est de notre devoir, en tant que gouvernement, de bien préparer nos concitoyens à l'étranger à faire face à cette offensive par la mise en place d'un programme de formation, d'une instance de coordination et surtout d'un appui logistique conséquent, sous forme de supports de communication et de sensibilisation percutants. Je pense qu'il est en notre pouvoir de leur fournir l'outillage nécessaire à cette entreprise patriotique, à commencer par l'information exacte et actualisée. Parfois de jeunes Marocains résidant à l'étranger m'interpellent et me disent qu'ils veulent bien défendre la cause nationale mais ne savent pas comment s'y prendre et par quoi commencer… Concernant ce dernier point, les Marocains de l'étranger doivent s'impliquer davantage dans l'action politique et sociale des pays de résidence. Du niveau local jusqu'au national, et même international, s'ils veulent faire entendre leur voix en tant que communauté défendant ses droits et les intérêts de son pays d'origine, ils doivent revendiquer la participation citoyenne là où ils vivent et l'exercer pleinement, au même titre qu'ils paient leurs impôts et contribuent à la prospérité et au rayonnement de leurs pays de résidence. La problématique sur la diminution de 40% des allocations des MRE en Hollande a créé bien des remous auprès de la population touchée par cette disposition. Quelles sont les négociations entreprises par le ministère pour trouver une solution convenable qui ne lèsera pas les intérêts des Marocains installés en Hollande? Rappelons que depuis le 1er juillet 2012, le gouvernement néerlandais a mis en application le principe du pays de résidence pour le paiement des allocations sociales. Le principe du pays de résidence a remplacé celui du pays de travail qui été utilisé jusqu'à présent. Le montant des allocations familiales et celles pour les veuves et les orphelins est désormais indexé sur le coût de la vie dans le pays de résidence du bénéficiaire, généralement moins élevé qu'aux Pays-Bas. En 2012, 1.058 veuves et 4.500 enfants marocains sont concernés par la mesure de la baisse des allocations familiales de 40% décidée par le gouvernement des Pays-Bas. Au cours de ma récente visite de travail aux Pays-Bas, j'ai rencontré le ministre des affaires étrangères et le ministre des affaires sociales et de l'emploi néerlandais auxquels, tout en soulignant l'excellence de nos relations bilatérales, j'ai fermement rappelé que la décision unilatérale de baisser les revenus sociaux des MRE de Hollande installés au Maroc est contraire aux usages et pratiques en matière d'accords internationaux. Par ailleurs, le gouvernement marocain reste ouvert au dialogue et est prêt à ouvrir des négociations afin de trouver des solutions optimales et satisfaisantes prenant en compte la difficile situation sociale des populations concernées. C'est dans cet esprit que les négociations entre les parties concernées, marocaine et néerlandaise, ont repris au début du mois de mai. La diaspora marocaine parsemée à travers le monde renvoie régulièrement des success stories mais comment en faire profiter le Royaume pour valoriser justement cette diaspora qui ne demande qu'à représenter officiellement sa patrie? Le Maroc dispose, en la personne de ses compétences émigrées, d'un potentiel humain inestimable. Ce capital, sans cesse renouvelé et enrichi, est générateur de plus-values multiples, aux effets induits innombrables, tant au niveau de l'économique que du social, du mode de vie et de la culture, aussi bien à travers les transferts de l'expertise et de la technologie que de la dissémination des bonnes pratiques et de la bonne gouvernance. Si le Maroc est classé au 3ème rang mondial avec ses 17 % en termes de taux d'émigration des compétences qualifiées, il est certain qu'une politique efficace de mobilisation des compétences peut ralentir cette évasion et la rendre plus profitable au développement du Maroc. Notre approche en la matière est de valoriser le savoir-faire de ces compétences et de leurs expériences professionnelles ainsi que l'optimisation de leur rôle dans la dynamique de développement du Maroc. Le programme que nous menons actuellement pour mobiliser nos compétences expatriées consiste à faire appel aux personnes possédant de l'expertise, de l'expérience, du savoir-faire, du capital à investir, etc. et qui sont prêtes à les mettre à contribution en faveur du développement du Maroc, de manière ponctuelle ou pérenne. C'est dans ce cadre que nous avons lancé la plateforme Maghribcom. En clair, l'objectif de Maghribcom est de servir de tremplin pour établir des partenariats gagnant-gagnant entre les opérateurs économiques, les universités et les institutions de recherche au Maroc et les compétences marocaines résidant, de manière temporaire ou permanente, à l'étranger. Ce portail est le corollaire d'une politique de mobilisation des compétences marocaines de l'étranger basée sur la mise en place d'un cadre formel pour l'identification de ces compétences, leur mise en réseaux organisés et la canalisation de leur contribution pour le développement du Maroc. L'objectif final de cette politique est l'établissement de partenariats favorisant l'émergence d'une nouvelle génération de porteurs de savoir-faire, d'expertise et de projets d'investissement et de développement durable.