Le secrétaire général du Syndicat national de la santé publique, Ali Lotfi, tire la sonnette d'alarme. Il affirme que la décision d'augmenter les tarifs des soins dans les hôpitaux publics est inacceptable et scandaleuse à tout point de vue. Que pensez-vous de la décision d'augmentation de la tarification des soins dans les hôpitaux publics ? Ali Lotfi : Je tiens à préciser que c'est une décision prise par deux ministres de l'actuel gouvernement: le ministre de la Santé, Mohamed Cheikh Biadillah et le ministre des Finances, Fathallah Oualalou. Inutile de vous dire que c'est une décision totalement impopulaire, qui aggrave la pauvreté dans le pays et qui est même en contradiction flagrante avec les différentes interventions du Premier ministre. En d'autres termes, l'Etat est seul responsable des conséquences que pourrait avoir cette décision. Justement, comment les patients réagissent en voyant la facture des soins ? Nos bureaux syndicaux locaux nous assurent régulièrement qu'il y a énormément de mécontents, un peu partout au Maroc. Nous sommes en contact direct avec les populations les plus démunies. Je peux vous assurer qu'elles sont financièrement incapables de payer les soins. En signe de protestation, des manifestations ont même éclaté dans les CHU de Casablanca et Rabat. Comment le ministère de la Santé, autorité de tutelle, réagit à ces manifestations de colère ? Malgré l'indignation totale des Marocains, le ministère de tutelle fait la sourde oreille. Il observe un silence incompréhensible. C'est la raison pour laquelle, il faut que le Premier ministre intervienne personnellement et mette un terme à ces dérapages. Pourquoi à votre avis, les ministères de la Santé et des Finances ont décidé ces hausses des tarifs ? Ils ont une justification que je considère comme irrecevable. Ils estiment que la hausse des tarifs est la seule manière de combler les besoins en financement de matériel biomédical et en médicaments. Nous sommes intraitables à ce sujet. Les besoins des hôpitaux publics ne peuvent être satisfaits que par l'instauration d'une gestion saine des établissements hospitaliers. Qu'avez-vous à reprocher à la gestion actuelle ? Cette gestion est catastrophique. C'est l'anarchie totale et la défaillance sur tous les plans. Comment voulez-vous que je qualifie une direction qui impose aux indigents de payer 50% des prix de soins? Le Premier ministre a annoncé que le code de couverture médicale de base réserve une gratuité totale aux indigents. A cet effet, les économiquement-démunis auront en leur possession une carte spéciale qui leur permettra de bénéficier gratuitement des soins, sans être contraints de ramener, à chaque fois, un certificat d'indigence. Quelle est la situation dans le CHU de Rabat, dont le Conseil d'administration s'est tenu la semaine dernière ? Le directeur du CHU de Rabat, Wajih Maâzouzi, a pris, de manière unilatérale, la décision de faire payer les indigents. Malgré l'opposition du Conseil d'administration, présidé par le ministre de la Santé, le directeur du CHU refuse toujours de suspendre sa décision. Pire. Le Premier ministre, lui-même, lui a envoyé des lettres pour arrêter de se faire payer des démunis. En vain. En fait, Wajih Maâzouzi crie à qui veut l'entendre qu'il n'a de compte à rendre ni au ministre de la Santé, ni au Premier ministre. Il se dit protégé par une personne beaucoup plus haut placée. Quelle décision comptez-vous prendre pour faire entendre votre voix ? Dans l'immédiat, nous allons constituer une commission sur des services hospitaliers marocains. Cette commission sera constituée des ONGs, des médias, des syndicats et des associations, surtout celles des malades comme les diabètes et les insuffisants rénales. Nous voulons également concrétiser une idée qui date de longtemps, à savoir, la mise en place d'une charte de la santé publique.