La Chambre criminelle de Rabat a condamné, mardi, à 30 ans de prison ferme l'ancien athlète marocain Hicham Bouaouiche. Il a été jugé pour le meurtre d'un gendarme français. L'athlète a toujours clamé son innocence, en dépit de preuves accablantes. Récit de la soirée où Hicham a eu la mauvaise idée de voler des ordinateurs. Hicham Bouaouiche ne pourra plus courir. Ses jambes l'avaient trahi une nuit glaciale du 22 décembre 2000. Le finaliste de la course du 3.000m steeple aux jeux olympiques d'Atlanta en 1996 n'avait pas réussi à enjamber un mur et encore moins à semer le gendarme qui était à ses trousses. Il faut dire que Hicham avait outrageusement bu et fumé avant que l'idée d'un vol ne lui trotte à la tête. Invité chez une Algérienne nommée Dada Halima, il a demandé à ses copains Belhaj et Hicham El Amrichi de voler une agence des assurances Axa qui se trouvait à 300 mètres de la maison de Dada Halima à Pont-Saint-Esprit, dans le sud de la France. Hicham El Amrichi s'est immédiatement rétracté, refusant l'idée de sortir à 3 h du matin pour voler les locaux d'une assurance. L'athlète, qui connaît bien son compatriote, a utilisé alors un argument infaillible: «Tu prouves encore une fois que tu n'es pas un homme». Furieux, El Amrichi a revêtu un lourd blouson et s'est posté devant la porte pour indiquer à l'assistance qu'il était bel et bien un homme. Les trois hommes sont sortis, déterminés à dérober du matériel dans l'agence. Pour faciliter son transport jusqu'à la maison, ils ont volé une voiture. Forcer la porte d'entrée de l'agence Axa a été un jeu d'enfant. Les trois gaillards se sont rués ensuite sur les ordinateurs. L'athlète marocain et El Amrichi acheminaient le matériel au véhicule, alors que Belhaj s'occupait de couper des fils des ordinateurs. Tout se déroulait selon le plan du trio, jusqu'à ce que le sergent Laurent Soler apparaisse. Un pur hasard ! Il venait de terminer son service et rentrait chez lui. Il a balisé d'un coup d'œil le décor et a très vite réalisé les dessous de la présence d'une voiture à côté d'une agence dont la porte était ouverte. Le sergent Solar s'est dirigé vers les deux Marocains qui cherchaient à se réfugier derrière la voiture. Quand il les a interpellés, Hicham Bouaouiche a pris ses jambes à son cou. Le sergent Solar, un sportif émérite, l'a suivi. La rue qu'a empruntée Hicham pour s'enfuir était semée d'embûches. On aurait dit une course steeple plus vraie que nature. L'athlète a escaladé sans peine une succession de grillages, avant de se retrouver en face d'un mur d'une hauteur de 2 m. A bout de souffle et désappointé de voir un gendarme coller à un finaliste d'une course olympique, Hicham a maudit le ciel avant de découvrir une échelle. Il l'a appuyée, dans la précipitation, contre le mur. Au moment où il pensait qu'il allait définitivement prendre le large, il a senti une main cramponnée à sa cheville. C'était le sergent Soler ! Il a tiré de toutes ses forces, et Hicham l'a entraîné dans sa chute par terre. Le gendarme pensait maîtriser le fuyard, quand ce dernier a sorti un fusil de chasse à canon scié et a tiré à bout portant sur la tête de son suiveur. L'athlète marocain a toujours vigoureusement nié cette version des faits. Mais les preuves contre lesquelles il se bat sont accablantes. Dada Halima, Belhaj et Hicham El Amrichi ont témoigné contre lui. Ce dernier a même confié aux enquêteurs que l'inculpé lui avait déclaré que le meurtre du gendarme français ne constituait pas un péché : «c'est un chrétien». Et puis, il y a le test par l'ADN. Les cheveux retrouvés dans une cagoule près de la victime présentent les mêmes caractéristiques que les traces de salives, prélevées sur la brosse à dents de l'inculpé. Hicham Bouaouiche a déclaré que tout le monde se servait de sa brosse à dents. Ses déclarations ont été enregistrées au Maroc où il a été arrêté par la police en juillet 2001, au moment où il tentait de rentrer dans son pays après plus de sept mois de cavale en France. Un autre prélèvement de salive a été effectué directement, cette fois-ci, sur la bouche de l'intéressé. Résultat de la deuxième expertise ? Toujours positif. D'autres preuves existent : la boue trouvée sur les souliers de l'athlète est de la même composition que celle de la rue où a été tuée Laurent Soler. La Chambre criminelle près la Cour d'appel de Rabat a jugé suffisantes ces preuves pour condamner l'ancien athlète à 30 ans de prison ferme et à verser une amende de 600.000 dirhams au titre de dommages et intérêts à la famille de la victime. Et justement, la mère de Laurent Soler était présente au tribunal de Rabat. Selon Abdellatif Wahbi, avocat de partie civile, elle a déclaré, suite à la condamnation : «la Justice marocaine ne me rendra pas mon fils, mais elle m'a soulagé du poids de voir son meurtrier remis en liberté. Et pour cela, je ne la remercierai jamais assez».