L'argile, depuis des siècles, est une matière qui a interpellé plus d'un. Nombreux sont en effet ceux qui ne voyaient en elle qu'une matière stérile et peu productive. Seuls les potiers qui maîtrisent les secrets de la terre, de l'eau, de l'air et du feu ont su l'écouter, la comprendre donnant alors naissance à toute la beauté, la fécondité, la force de son être. Ils mettent leur savoir-faire au service de la société. De leurs mains agiles, ils créent des chef-d'oeuvres de beauté, des créations qui ont fait le tour du monde et ont charmé plus d'un. Ainsi chaque plat, pot ou cruche contient une histoire qui se lit entre les lignes, une odeur particulière qui sollicite l'imagination de chacun pour voyager et se retrouver un court instant au côté de celui ou de celle qui a patiemment donné vie à la matière brute. L'histoire de la poterie marocaine fait écho aux événements majeurs de l'histoire du pays. La dualité entre l'héritage berbère, d'une part, et l'influence hispano-mauresque, d'autre part, se retrouve dans les techniques employées tout comme dans les motifs et les décors qui ornent les pièces d'argile. Depuis le 19ème siècle, de nombreux artisans ont perpétué cet artisanat ancestral en lui insufflant une dimension nouvelle, propulsant ainsi la poterie marocaine au tout premier rang mondial. C'est un art que l'on trouve un peu partout au Maroc, même si trois villes sont considérées comme les principaux pôles de production de poterie : Fès ,Safi et Salé en l'occurrence. La première, capitale spirituelle du Royaume, est connue depuis plusieurs siècles par cet artisanat. A Fès, la poterie est une affaire de famille puisque l'apprentissage de confection de poterie se fait de père en fils. Le transfert est si bien effectué d'une génération à l'autre qu'il est possible de noter des ressemblances entre les produits d'une même grande famille, que ce soit au niveau des proportions ou des motifs. La production de poterie et céramique de la région de Safi est plus populaire, moins minutieuse et plus grande en quantité qu'à Fès. C'est également ce type de céramique qui est utilisée pour représenter l'artisanat marocain et c'est sûrement parce qu'elle est plus proche de la conception moderne de beauté esthétique. Pour ce qui est de Salé, les produits d'art de cette région sont beaucoup plus ternes et proviennent d'une influence complètement diverse des produits communs aux deux autres régions. La céramique est moins classique et moins virtuose mais tout aussi originale, elle était surtout en demande dans les années 70. Au Maroc on distingue deux familles de poterie :la poterie rurale qui puise ses motifs décoratifs dans un répertoire très ancien de signes et de représentations figuratives très schématisées, et la poterie citadine qui est essentiellement marquée par l'art islamique et où les techniques d'ornementation trouvent leurs éléments de décor dans l'épigraphie arabe et les motifs floraux et géométriques. Cette dernière, aux modèles fastueux, est, dans une large part, fabriquée à Fès, Safi et Salé. Pour ce qui est du style rural, deux poteries, du nord et du sud du pays, se la partagent. Toutes deux utilitaires, la poterie du Nord est largement pratiquée par les femmes. Elle est modelée et décorée de motifs géométriques qui évoquent ceux des textiles, des tatouages et des bijoux berbères : les ethnologues parlent d'un langage graphique. Les femmes fabriquent ces poteries pour les besoins du ménage. Cela fait partie de leurs tâches domestiques et répond à des besoins de stockage de l'eau et des denrées alimentaires, de cuisine, de décor de l'habitat. Généralement la fabrication se fait une fois par an et a lieu au début du printemps et au début de l'été. Pour sa part, la poterie rurale du Sud est essentiellement faite par les hommes. Ces deux poteries, citadine et rurale, puisent en outre dans différents courants artistiques. L'art islamique (combinaison d'écriture arabe, motifs floraux, dessins géométriques) domine la poterie citadine (Fès, Safi, Salé). En ce qui concerne les poteries rurales du Nord et du Sud, c'est la sobriété typique de l'art berbère qui prédomine. Mais les deux styles co-existent pour le plus grand plaisir des amoureux de cet art pour qui une poterie, bol, jarre, plat ou tajine, qui sort des mains d'un potier de Fès, de Safi ou Salé, et qui a été amoureusement peinte et décorée par le pinceau d'un autre artisan, n'a pas de prix.