Pour avoir déjà piloté de puissants bolides, dont une F1 de 700 chevaux, votre humble serviteur peut modestement se prétendre apaisé ou rassasié des fortes sensations de conduite et autres velléités d'enfoncer l'accélérateur jusqu'à ce que l'aiguille du compteur de vitesse ne progresse plus… Pourtant, au volant d'un coupé comme le XKR-S, se réveillent les vieux démons qui sommeillent en nous et qui viennent nous rappeler que nous faisons le plus beau métier du monde : celui de journaliste automobile et donc à l'occasion, pilote-essayeur d'un jour. Telle a été notre expérience –et quelle expérience !– sur le circuit de l'Algarve (Portugal) avec «la voiture sportive de série la plus rapide et la plus puissante jamais construite par Jaguar», dixit le constructeur de Coventry. Avant l'ivresse, admirons le flacon… I Un look «soft-tuning» Faut-il le rappeler, le lancement de cette nouvelle version du coupé Jaguar s'accompagne d'une légère mise à jour esthétique, principalement axée sur sa face avant. Le XKR-S adopte ainsi des blocs de phares affinés et ornés de diodes, tandis que la calandre s'entoure de chrome et reçoit une grille noire, mais conserve sa forme ovoïde. À lui seul, ce dernier détail est un joli clin d'œil passéiste à l'immortelle Type E. Mais pour tout le reste de la carrosserie, le XKR-S a droit à son propre accastillage. À commencer par cette belle teinte azurée, baptisée «French Racing Blue», qui lui est spécifique au même titre d'ailleurs que ses belles roues de 20 pouces (Vulcan) en alliage léger forgé et noirci, qui laissent bien visibles de grands disques ventilés et des étriers de freins rouge. Mais encore ? Deux écopes double sur les côtés du bouclier avant, des prises d'air sur le capot, une jupe avant en fibre de carbone, soit le même matériau qui compose l'aileron et le diffuseur qui sont destinés à stabiliser l'arrière du véhicule lorsqu'il évolue à grande vitesse. Bref, un kit aérodynamique aussi impressionnant qu'efficace, comme le soulignent les ingénieurs de la marque, précisant qu'il a permis de réduire la portance de 26%. I Cocon de prestige On l'aura bien compris : cette Jag' opère à un très haut niveau, proche de celui de la compétition. En atteste aussi le traitement somptueusement affligé à son habitacle. Proposés de série sur le XKR-S, les nouveaux sièges avant dits «Performance» plongent littéralement les occupants dans l'univers du sport automobile. Mais non sans le raffinement et le confort connus à une Jaguar. Ainsi, outre les 16 réglages associés à l'assise, au dossier ainsi qu'aux supports lombaires et aux rembourrages, ces sièges baquets disposent de fonctions de chauffage et de mémorisation. Et pour flatter l'ego du conducteur, ils s'agrémentent de surpiqûres contrastantes avec la sellerie, comme ce fut le cas de notre modèle d'essai : Un XKR-S «French Racing Blue», habillé d'un cuir (pleine fleur) noir à coutures bleues. Pour le reste, les inserts en carbone sur la planche de bord, les palettes derrière le volant ou encore l'inscription RS sur les repose-tête, sont autant de détails qui parachèvent le travail de séduction à l'intérieur de cette GT. La touche high-tech n'est pas en reste avec, entre autre, une installation audio signée Bowers & Wilkins de 1200 W et un écran tactile de 7 pouces, lequel affiche également les images de la nouvelle caméra de recul. Et puis, comme les dernières Jaguar, le démarrage se fait par bouton entraînant la remontée du Jaguar Drive Selector, sélecteur de vitesses qui se loge naturellement dans la paume de la main du conducteur… Le pilotage peut alors commencer. I Un V8 de feu Dès les premières instants du démarrage, ce sont d'abord nos oreilles qui apprécient le délicieux glou-glou du moteur d'enfer. Il s'agit du bien connu V8 de 5.0 litres de cylindrée, mais qui a été revisité par les ingénieurs motoristes de Coventry, qui ont modifié sa cartographie d'alimentation, revu son système d'injection directe et fait bénéficier d'un échappement actif. Ce dernier a non seulement joué sur la sonorité du V8 en lui offrant un feulement à la fois sexy et policé, mais aussi et surtout permis de porter sa puissance et son couple à respectivement 550 ch et 680 Nm. Des valeurs élevées, qui plus est, sont disponibles «anytime» comme le suggère mon passager Justin Weaving (*) et le fait de les libérer nous donnent l'impression d'accélérer la rotation de la terre, surtout lorsqu'on a devant nous la (triple) voie royale, libre et dégagée de l'autoroute de l'Algarve. Mais point de prudence ! D'abord parce que nous ne faisons jamais l'apologie de la vitesse. Ensuite, parce que la police portugaise est intransigeante. Puis surtout, parce que nos 250 km de notre itinéraire d'essai nous mènent directement au Circuit de l'Algarve. I Moment de vérité et de bonheur Un magnifique terrain de jeu pour ce félin ou jaguar, à proprement parler. Car, sans vraiment cravacher cette horde de pur-sang anglais, on est facilement propulsé à plus de 180 km/h, voire à des vitesses inavouables. Mais, disons que sur un circuit fermé, tout est permis ou presque. Voilà pourquoi nous avons poussé ce bolide à ses retranchements. Plus professionnels au volant que nous autres journalistes qui savent surtout manier la plume, les pilotes aguerris de Jaguar présents ce jour-là sur le circuit nous ont bien mis dans le bain. Une demi-douzaine de tours de reconnaissance pour bien cerner le tracé et quelques conseils pour bien appréhender le véhicule… Cette fois, c'est le vrai pilotage qui commence ! On commence par faire tourner la molette de D à S, puis jouer des palettes et de l'accélérateur pour aller chercher la zone rouge graduée entre 6.000 et 8.000 tours/min. Fort d'un châssis surbaissé et d'un amortissement précis, l'ensemble reste posé sur des rails. Mais, l'adrénaline monte à mesure que les courbes s'enchaînent et le plaisir augmente à chaque fois que l'on fait vrombir le «vee-eight». Sans trop frotter la gomme, les suspensions digèrent bien les saccades de la caisse, occasionnées par l'allure folle de l'engin. C'est à ce moment bien précis que l'on est partagés entre l'émotion des fortes sensations et les lois de la physique qui ne pardonnent pas. Cela ne nous a pas empêchés de libérer nos pulsions au sortir de la dernière courbe. N'y allons pas par quatre chemin : ligne droite, accélération à fond, maîtrise du volant et c'est la route vers le nirvana. 250, 270, 280, puis 295 km/h ! Le XKR-S pompe un peu, mais parvient à freiner à temps. Sous le casque, on transpire… de bonheur et de retour au stand on affiche un sourire jusqu'aux oreilles. Seule frustration, ce coupé d'exception qui ne sera disponible au Maroc que sur commande spéciale, mais ne devrait probablement pas dépasser les 2 millions de dirhams. Accessible pour certains, prohibitifs pour beaucoup d'autres. C'est selon… Mais à coup sûr, ce coupé fera date dans l'histoire du félin.