La petite ville blanche se présente comme un espace d'exposition permanent. Outre sa beauté et son charme naturel, Assilah se distingue par ses peintures murales, réalisées, chaque été, par des artistes-peintres marocains et étrangers. «La ville compte plus d'une quarantaine d'artistes-peintres ayant une formation académique, ainsi que ceux dits autodidactes ou naïfs. Elle abrite aussi un nombre important d'ateliers et d'espaces d'exposition. Ce qui a permis à Assilah de renforcer encore plus sa vocation artistique», explique l'artiste- peintre et graveur zaïlachi, Hakim Ghaïlane. Cet artiste poursuit que le manque d'espaces sportifs et de divertissement dont souffre la ville d'Assilah a poussé les élèves et les enfants de sa génération à s'adonner à la lecture et au dessin. «Nous avions tous, même les anciens artistes-peintres- qui nous ont précédés dans le domaine, comme prof de dessin Amina Atencio. Celle-ci nous donnait aussi, de temps en temps et pendant les heures creuses des cours d'histoire de l'art plastique. Nous étions également parmi la première génération d'enfants ayant fréquenté les ateliers de peinture organisés, chaque année à l'occasion du Moussem culturel d'Assilah», raconte Hakim Ghaïlane, faisant remarquer que «nous avons ainsi vu se développer en nous l'amour pour la peinture. La plupart d'entre nous a choisi par la suite d'y faire carrière». Parmi les anciens artistes-peintres zaïlachis figurent Amina Atencio, les regrettés Abdelilah Bououd, Abderrahman Mellouk et Brahim Jbari, ainsi que la famille Mesnani au sein de laquelle la peinture se transmettait de père en fils. Le grand artiste plasticien, Mohamed Melehi, qui fait partie de cette ancienne génération, a réussi, à la fin des années 70 et avec l'actuel secrétaire général de la Fondation du Forum d'Assilah, Mohamed Benaïssa, à créer le célèbre moussem de la ville. A son tour, l'artiste-peintre zaïlachi Khalil El Ghrib – qui jouit d'une longue carrière artistique- est considéré parmi les rares artistes au monde qui ne signent pas leurs œuvres et ne vendent pas leurs travaux, mais ils les offrent. Ses œuvres ne durent pas longtemps parce qu'elles sont généralement faites, entre autres, de ficelles, de cartons, de petits cailloux et de clous rouillés. Certes, la création des ateliers de peinture pour enfants qui fait partie, depuis 1978, des principales activités du Moussem d'Assilah a beaucoup contribué à l'émergence d'une autre vague de jeunes artistes-peintres dont Younès El Kherraz, Abdelkader Melehi, Mohamed Anzaoui, Hakim Ghaïlane, Mouad Jebari, Anass Bounani, Wafaa El Houdaïbi, Narjiss Jbari et Badr Saoud Hassani. La majorité de ces artistes a participé, ensemble, et à ses débuts, à des expositions collectives au Maroc et à l'étranger. Ils se disent qu'ils se sont liés d'une solide amitié et continuent ainsi de se voir. «Même après mes années d'étude à l'Institut national des beaux-arts de Tétouan, je me suis mis, avec sept autres jeunes artistes zaïlachis, à fréquenter, entre 1989 et 1996, l'ancien atelier du Palais de la culture d'Assilah. Nous avons arrêté de le faire après la fermeture de cet établissement en raison du lancement des travaux de rénovation de ses bâtiments. Nous avons, certainement, tous, continué à mener notre carrière artistique. Personnellement, j'ai entre-temps réussi à créer mon atelier-galerie qui porte, depuis, mon nom», précise Hakim Ghaïlane. Selon Mohamed Anzaoui, autre artiste-peintre, qui, lui aussi, a fréquenté pendant son enfance les ateliers de peinture pour enfants, «l'apparition de nouvelles technologies d'information n'a pas favorisé l'émergence d'une nouvelle vague d'artistes, qui devraient prendre la relève. Surtout que les plus jeunes artistes de ma génération ont plus de 40 ans». Il faut préciser que des artistes-peintres résidant à Assilah rêvent toujours d'y créer un projet de centre de beaux-arts pour enfants. Selon eux, ce projet ne semble pas susciter l'intérêt des élus locaux et des responsables pour les encourager à contribuer à sa réalisation. «Nous saluons l'initiative de la Fondation du Forum d'Assilah qui, en plus des ateliers pour enfants d'été, organise, depuis trois ans et au cours de toute l'année, un atelier pour apprendre aux petits les techniques élémentaires de l'art plastique», dit Mohamed Anzaoui. Par ailleurs, le Palais de la culture d'Assilah abrite aussi bien des ateliers de peinture et de gravure qu'un espace d'exposition des œuvres d'art. Et en plus des galeries privées, la ville compte une autre, plus grande et sise au Centre Hassan II des rencontres internationales d'Assilah, qui est l'un des lieux les plus visités en été. La bibliothèque Prince Bandar Bin Sultan et la tour Al-Kamra à Assilah constituent deux autres lieux d'exposition des œuvres d'art en particulier en été. «Ce dynamisme que connaissent les arts plastiques à Assilah a poussé d'aucuns à vendre leurs toiles dans les bazars et les magasins. Ce qui amoindrit en particulier la valeur du tableau artistique présenté dans ces lieux de commerce et porte en général préjudice à l'image de l'art. Malheureusement, quelques uns qui font ces mauvaises pratiques s'adonnent au piratage. On peut découvrir dans leurs travaux certains motifs par lesquels se distinguent mes amis artistes voire moi-même. Ils copient aussi les peintures murales réalisées à Assilah !», déplore Mohamed Anzaoui.