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Sharon détruit les chances de paix
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 05 - 04 - 2002

Entretien. Gabriel Banon, ancien conseiller économique du président Yassser Arafat connaît bien le problème du Proche-Orient. Scandalisé par ce qui se passe ces jours-ci, il répond à nos questions sans se départir de son objectivité.
Aujourdui Le Maroc: Pensez-vous que les Israéliens ont obtenu plus de sécurité avec Ariel Sharon?
Gabriel Banon : Les Israéliens avaient élu Sharon sur le thème de la sécurité. On peut dire aujourd'hui qu'ils ont un résultat diamétralement opposé à leurs espérances. Plus d'attentats, plus de morts, plus de violence, voilà le bilan dramatique du règne Sharon.
Le projet de liquidation de l'Autorité palestinienne d'Ariel Sharon est-il compatible avec les intérêts supérieurs de l'Etat d'Israël ?
Il faut dire avant tout que la liquidation de l'Autorité palestinienne est une utopie «sharonesque» et en plus une stratégie suicidaire. Comme je l'ai écrit, il y a quelque temps, Sharon est en train en réalité de détruire l'Etat d'Israël par sa politique irresponsable.
Ne pensez-vous pas que «l'isolation» du Président Arafat est plus l'expression d'un délire plus personnel de Sharon que d'une stratégie cherchant à créer les conditions de la Paix ?
Sharon poursuit Arafat d'une vindicte personnelle. Qu'il n'aime pas Arafat, c'est son droit le plus strict, mais qu'il fasse de sa haine personnelle le fondement d'une politique d'Etat est criminel. On ne dirige pas un pays en fonction de ses antipathies personnelles, mais uniquement en fonctions des intérêts supérieurs de la Nation. Et là, on peut dire que Sharon est complètement discrédité.
Pourquoi les attaques de Tsahal ne touchent que l'Autorité palestinienne, ses cadres, ses élites, sa classe politique et ne touchent jamais les éléments les plus radicaux et les plus extrémistes palestiniens, sachant que ce sont ces mouvements même que l'on demande à Arafat de neutraliser sans lui garantire le libre exercice de son autorité ?
Vous soulignez là toute l'ambiguïté de la stratégie poursuivie par Sharon. Ariel Sharon recherche avant tout à affaiblir Arafat et à discréditer l'Autorité palestinienne. Pour un élu d'un Etat démocratique, il est inacceptable et révoltant qu'il fasse fi du suffrage universel qui a porté Yasser Arafat à la présidence de l'Autorité Palestinienne. Il ne faut pas hésiter à souligner que les mouvements radicaux palestiniens agissent pratiquement en alliés objectifs de Sharon à qui ils apportent les prétextes nécessaires pour saboter toutes les tentatives de négociations.
Ne considérez-vous pas Monsieur Banon que Bush, en s'alignant sur la position de Sharon a disqualifié les Etats-Unis en tant que parrain du processus de paix ?
Dès l'élection du Président Bush, j'avais relevé, alors, que le conflit israélo-palestinien n'était pas dans les priorités de la nouvelle administration américaine. Les évènements dramatiques du 11 septembre, et le périple de Dick Cheney dans les pays arabes ont amené Washington à revoir ses priorités et à s'impliquer un peu plus au Moyen-Orient. Dans l'intérêt de la Paix on doit se garder de considérer que l'Amérique est disqualifiée. On doit au contraire redoubler d'efforts pour faire apprécier plus équitablement et plus justement la situation par l'administration américaine car seul Washington est capable d'imposer l'approche nécessaire aux deux parties pour une reprise des négociations. Le sommet arabe de Beyrouth avec la proposition saoudienne ouvre la porte à une espérance de paix. Par le principe d'une négociation globale avec le monde arabe, Israël a là l'opportunité d'accéder à une paix globale en sortant d'un tête-à-tête stérile à ce jour.
De quelle indigence politique se réclame les Européens, malgré leur puissance économique, pour être si fragiles face au conflit qui embrase la Méditerranée orientale ?
Il faut souligner que l'Europe politique n'existe pas ou pas encore, et les Européens ne parlent pas encore d'une même voix d'où leur impuissance à jouer un véritable rôle dans ce conflit. Des déclarations d'intentions on n'en manque pas. Mais il faut être réaliste et pragmatique. La solution est à Washington et nulle part ailleurs.


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