Datant d'août 2003, le procès-verbal de Noureddine Nafiaâ, alias «Abou Maâd», condamné à 20 ans de prison pour son implication dans les attentats de Casablanca, est une mine de renseignements sur le Groupe islamique des combattants marocains (GICM). Dans sa déposition, Nafiaâ relate l'itinéraire de son aventure intégriste et raconte sa rencontre en Afghanistan avec Oussama Ben Laden et Ayman Azzawahiri. Ces révélations éclairent d'un nouveau jour les réseaux terroristes liés à Al Qaïda. Et dire que c'est la plus petite pièce du puzzle. Une information, rapportée dans l'édition du week-end d'ALM, a fait le tour du monde. Il s'agit d'une révélation relative à l'existence d'une cellule dormante du GICM au Canada. Les médias canadiens s'y sont intéressés dans des proportions démesurées. Radio Canada, radio Montréal, les chaînes de télévision, la presse écrite ont tous titrés sur Adil Cherkaoui, cité par Noureddine Nafiaâ comme membre d'une cellule du GICM au Canada, dans le procès-verbal, établi le 8 août 2003 par la police judiciaire de Casablanca. A partir du Canada, la famille de Adil Cherkaoui a réagi dans un communiqué pour rejeter les «allégations au sujet de M. Cherkaoui». Pourtant, les révélations de Nourredine N'fiâ, condamné à 20 ans de réclusion criminelle, comportent des éléments qui éclairent sur la naissance du GICM et attestent que des membres de ce groupe sont aussi bien impliqués dans les attentats de Casablanca que ceux de Madrid. Par où commencer ? Par la rencontre en 1993 en Afghanistan de Noureddine N'fiâ avec Mohamed Guerbouzi, considéré aujourd'hui comme le chef du GICM. En compagnie des Marocains Mohamed Guerbouzi, Younès Chkouri, Karim Outah et Karim Salim, Noureddine N'fiâ a suivi un formation militaire dans des camps en Afghanistan. Il a appris le maniement des armes et explosifs. Mohamed Guerbouzi a pris dès cette date-là la charge «du territoire européen, et ce par la collecte de l'argent au bénéfice du GICM et le recrutement de nouveaux membres.» En plus de la formation militaire, Noureddine Nafiaâ a suivi des cours en fiqh. Cette double formation l'a habilité à occuper le poste d'émir du GICM. Cela s'est passé en août 1998 en Syrie. La proposition de l'élever au rang d'émir est venue de Mohamed Guerbouzi et Karim Outah. Tout va s'accélérer très vite à partir de cette date-là. En février 1999, Noureddine N'fiâ rencontre les membres influents du GICM, établis en Grande-Bretagne.C'est dans ce pays que réside Mohamed Guerbouzi qui a envoyé son gendre, nommé Yahia Al Britani, pour initier Noureddine Nafiaâ à l'informatique. Il lui a offert un ordinateur portable de marque Toshiba. Avec ce portable, Noureddine Nafiaâ pouvait se connecter à Internet et communiquer avec les membres du GICM «installés en France, en Angleterre, au Canada et au Pakistan». Peu de temps après son intronisation, l'intéressé abdique son poste d'émir au profit de Taeb Bentizi. Ce qui ne l'a pas empêché de demeurer une pièce maîtresse dans l'organisation du GICM. Il est au cœur de toutes les rencontres importantes. A ce sujet, Noureddine N'fiâ rencontre un Marocain, qui se trouve actuellement derrière les barreaux, suite à son implication dans les attentats de Casablanca : Salaheddine Benyaïche. «Ce dernier entretenait d'excellents rapports avec Mohamed Guerbouzi, eu égard aux nombreuses visites qu'il effectuait en Angleterre et à ses dispositions à servir le GICM en lui fournissant argent et documents falsifiés». Salaheddine Benyaïche est un spécialiste dans la falsification des passeports. Son frère Abdellah Benyaïche, qui a suivi une formation militaire en Afghanistan, mettait également à la disposition des membres du GICM de faux passeports. A cet égard, Noureddine Nafiaâ fait état de nombreux déplacements sous de multiples identités. La liste des pays visités est impressionnante : Turquie, Syrie, Italie, Danemark, Pakistan, Iran, Suède, Iles Faroe, Espagne, Belgique, Arabie Saoudite, l'Azerbaïdjan et bien entendu l'Afghanistan. C'est dans ce dernier pays qu'il a rencontré, en 2001, Oussama Ben Laden et son bras droit Aïman Al Dawahiri. En plus de Noureddine N'fiâ, Taeb Bentizi, Mohamed Guerbouzi, Karim Outah, Younès Chkouri et Abdelaziz Al Basari ont assisté à la rencontre avec le chef d'Al Qaïda. Noureddine N'fiâ a également rédigé en Afghanistan la charte doctrinale du GICM. Constituée de 33 pages, cette charte détaille l'organigramme du GICM comme suit : émir, vice-émir, le conseil consultatif, le conseil exécutif et les commissions. L'émir du GICM est Taeb Bentizi, le vice émir est Mohamed Guerbouzi. Côté financement, les Saoudiens ont aidé les «moudjhadines» qui ont fui l'Afghanistan suite aux frappes américaines. Noureddine Nafiaâ leur a envoyé la liste des familles marocaines susceptibles de bénéficier de financements. Il leur a adressé cette liste par courrier à cette adresse : [email protected]. Des sommes allant de 15 650 dollars US à 20 000 dollars transitaient par les cellules du GICM en Europe, avant d'être acheminées vers le Maroc. Parmi ces cellules, cinq sont particulièrement actives. Celle de la France, constituée de Mostapha Baouchi, Bachir Goumid, Idriss le Français, Soufiane le Français et Mourad le Français. Toutes ces personnes ont été interpellées par la DST française dans une opération menée la nuit du 9 au 10 avril en banlieue parisienne. La cellule du GICM en Belgique, est constituée d'Abdelkader Hakimi, chef, ainsi qu'Abdellah, surnommé Chihab, Khalid Bouloud, Ahmed Zemmouri, Noufal et Abderrahim. Les cellules d'Italie et d'Angleterre ont été formées par un seul homme : Mohamed Guerbouzi. En Italie, il a recruté Abdelkader, Abou Al Baraa, Mohamed Rawyane et Abou Mouslim. En ce qui concerne la cellule du GICM en Angleterre, elle a été fondée par Mohamed Guerbouzi et ses membres sont les plus nombreux : douze. Celle du Canada est constituée en revanche seulement de deux membres : Adil Cherkaoui et Abdessalam Al Kindi. C'est l'élément le plus mince du puzzle du GICM.