ALM : Pouvez-vous nous parler de votre dernière participation aux côtés de grands artistes à Prague et à Marseille ? Samira Kadiri : C'était une belle expérience qui a beaucoup marqué ma carrière artistique. J'étais choisie par le directeur de l'ensemble musical Télémaque, Raoul Lay, pour participer, le 9 octobre dernier, à un spectacle musical sous sa direction et programmé aux dernières Rencontres d'Averroès de Marseille. J'y ai partagé avec le contre-ténor Alain Aubin le personnage de la gitane Candela de l'œuvre «El Amor brujo» (L'amour sourcier) du compositeur espagnol Manuel de Falla. Nous étions accompagnés par les deux ensembles Arabesque et Télémaque. Les musiciens des deux ensembles représentant les deux rives ont fasciné le public par leur interprétation. J'étais aussi proposée par le grand luthiste marocain Driss Maloumi pour chanter Shéhrazade au spectacle musical «Nouba» à la salle d'Opéra Rodolfinum à Prague. J'ai participé, le 31 octobre dernier, à ce concert avec la soliste Gimena Ortega et le trio Driss Maloumi, accompagnés par l'Orchestre philarmonique et sous la direction du mæstro franco-polonais Michel Swierczewski. Ne trouvez-vous pas que le chant lyrique est peu connu du public marocain ? Malheureusement, le chant lyrique est considéré par la plupart comme un art importé, réservé à la classe des élites. Alors que nous interprétons les poèmes de grands poètes arabes. Personnellement, j'ai rencontré un grand acceuil aux soirées que j'ai donné au théâtre Mohammed V à Rabat et au complexe Sidi Belyout à Casablanca. Mais le problème que nous avons souvent rencontré c'est que la majorité des salles ne possédent pas un piano à queue. Nous souffrons toujours d'un manque de références marocaines dans ce domaine, bien que le Maroc compte de belles voix telles Safia Tijani et Ilham Loulidi. C'est ce qui vous a poussé à changer de style et à vous lancer dans le chant d'autres répertoires, notamment arabo-andalous ? Je suis fière de cette première expérience et je suis confiante en l'avenir du chant lyrique. Et mon interprétation au répertoire méditerranéen m'a permis de poursuivre ma carrière artistique en tant que chanteuse traditionnelle et lyrique. Ce vaste répertoire continue de me fasciner et de m'encourager à une recherche musicologique. Et que je chante des répertoires arabo-andalous, sépharades, las Cantigas del rey Alfonso el Sabio ou les Troubadours, je demeure une voix méditerranéenne. Pourquoi avez-vous pratiqué le chant alors que vous avez une formation théâtrale ? J'ai grandi au sein d'une famille de Chorfa de la Zaouiya Kadiria Charkaouiya. Mon père était un mélomane et avait de grands dons pour l'imitation. J'ai commencé à chanter Fayrouz à l'âge de neuf ans. C'est pourquoi, j'ai choisi de m'inscrire à l'Institut supérieur d'art dramatique et de l'animation culturelle ISADAC. Ce qui m'a permis d'affiner ma passion grâce aux cours de chant, d'expression corporelle, de musique et d'histoire de l'art. J'ai eu la chance d'avoir comme professeur Safia Tijani, première soprano marocaine, qui m'a appris les techniques de chant et d'interprétation. J'étais par la suite encadrée par Mezzo-Soprano Ilham Loulidi. Comment êtes-vous parvenu à construire une carrière de chanteuse traditionnelle et lyrique ? Après l'ISADAC, j'étais affectée comme fonctionnaire à la délégation de la Culture à Tétouan. Mais je continuais à assouvrir ma passion et à poursuivre des masters- class de chant au Maroc et à l'étranger. J'ai fréquenté aussi le conservatoire de Tétouan pour apprendre le piano, le solfège et l'harmonie. J'y ai rencontré le compositeur marocain Mustapha Rahmani et avec qui j'ai débuté ma carrière de soprano et continué à travailler. Nous avons participé ensemble dans de grands événements aux niveaux national et international où nous avons rencontré de grands succès. J'ai aussi interprété des œuvres du grand compositeur marocain Nabil Ben Abdejlil. J'ai fondé l'ensemble arabesque au sein duquel je perpétue à pratiquer cet art. Quels sont vos projets ? Je suis en train de me préparer pour enregistrer le deuxième tome d'Andaloussiat qui sortira au mois de février prochain. Je suis aussi en train d'étudier avec le compositeur espagnol David Calves un projet d'album de musique contemporaine englobant les trois cultures monothéistes.