Ayant diffusé des images d'une prise d'assaut d'une maison palestinienne par l'armée israélienne, la deuxième chaîne israélienne a rompu le «pacte» stipulant le contrôle de toute scène filmée par la censure. Une crise est née. L'action s'est passée le vendredi 15 mars. Des soldats israéliens prennent d'assaut une maison palestinienne du camp des réfugiés d'Al-Aïda en Cisjordanie. Une manœuvre que la deuxième chaîne israélienne a accompagnée, comme c'est souvent le cas. Mais cette fois, le passage obligé par les services de censure, relevant de Tsahal, n'a pas eu lieu. Les images filmées font le soir-même irruption dans les salons israéliens et passent dans leur intégralité. Retransmises le lendemain et commentées en début de cette semaine par les différents journaux israéliens, elles choquent plus d'un et mettent fin à un accord tacite conclu entre l'armée et la presse audiovisuelle israéliennes. Une crise est née. Une crise qui s'est soldée, depuis mardi, par un ordre de l'armée d'interdire tout accès des journalistes au terrain. Une interdiction catégorique que le porte-parole de l'armée a justifiée par le fait qu'il est «inconcevable que nous assurions leur sécurité, que nous les imposions aux commandants de brigade, et qu'ensuite ils nous crachent au visage». Relatée par le quotidien Le Monde, la scène qui a provoqué la colère de Tsahal est d'une dureté incroyable. Un officier ordonne à des soldats d'entrer dans une maison en défonçant la porte. Si cela ne suffit pas, l'utilisation d'une charge explosive pourrait faire l'affaire. Aussitôt dit, aussitôt fait. La porte est arrachée, l'entrée dévastée. La mère de famille est alors mortellement blessée, ses enfants traumatisés. Le père demande de faire venir une ambulance. En vain. La caméra insiste sur les larmes retenues de la fillette palestinienne. Dans une autre scène, une jeune femme supplie les soldats de ne pas abattre le mur de la maison. Impossible de les faire reculer. Il s'agit d'une habitude que les militaires israéliens ont prise pour passer d'une habitation à l'autre, tout en se protégeant d'éventuels tirs. Un autre plan, livré également sans commentaire, montre tous les membres de la famille rassemblés dans une pièce. Un homme pose une question aux soldats. Une voix lui intime l'ordre de se taire. Ce qui a le plus bouleversé l'opinion publique israélienne, c'est la réaction d'un jeune soldat. «Je ne sais pas ce que nous faisons ici. Purification. A ce qu'il paraît, c'est sale ici. Je ne comprends pas bien ce qu'un soldat hébreu fait si loin de chez lui». Un ton désemparé qui n'a pas manqué d'avoir un terrible effet sur les téléspectateurs. «Le moral des troupes, c'est très important aux yeux du public israélien», commente un bon connaisseur des médias israéliens et de ce que l'armée elle-même appelle la «propagande». Le système de censure israélien est connu pour sa grande efficacité. En «état de guerre», l'armée s'en sert depuis longtemps pour ne laisser filtrer que ce qui «doit l'être». Des voyages de presse organisés aidant, elle déploie tous ses moyens, à l'image de toutes les armées en guerre du monde, pour ne passer que les images susceptibles de servir ses intérêts. Les journalistes étrangers sont régulièrement conviés à des visites encadrées sur le terrain. Les correspondants militaires de la presse israélienne peuvent suivre les soldats en opération, à condition de soumettre leurs images à la censure de Tsahal.