Drame de la jalousie. Les voisins parlent du «comportement» de l'épouse de Mohamed. Une médisance et des ragots qui torturent tellement le mari qu'il en vient à égorger comme un mouton, la mère de son unique enfant de huit mois. Mohamed est un maçon jouissant d'une bonne réputation. Et pourtant, en ce jour du mois de mars, il est hors de lui, hurlant, proférant des phrases incompréhensibles. Il est saisi de convulsions. On dirait un épileptique en pleine crise. Le policier qui se tient devant son bureau au commissariat provincial de la Police Judiciaire de Fès tente en vain de le calmer. Le policier est perplexe. il ne sait pas comment se comporter avec cette personne qui lui semble hystérique. Seulement pour un policier, comme pour un psychiatre, nul ne délire sans raison. Mohamed ne peut plus tenir sa langue, bien que son interlocuteur et un chauffeur de taxi tentent de le calmer. La cause de sa nervosité est très futile : au moment où il a hélé à un petit taxi, un autre second jeune homme y monte. Mohamed demande au taximan de l'emmener vers une adresse. Le second voyageur en fait de même. Auquel des deux devait répondre le taxi-driver? À Mohamed ou à l'autre? À celui qui l'a hélé en premier où à celui qui est monté le premier dans son véhicule? «Est-ce qu'on va rassembler l'ONU pour résoudre ce problème ?», lui dit le policier, essayant de dédramatiser. Mais Mohamed n'a pas l'intention de se taire, il crie, menaçant : «Je vais l'égorger comme j'ai tué ma femme!». Cette phrase éveille les soupçons du policier, qui appelle son chef, installé dans un autre bureau. Il lui chuchote quelques mots à l'oreille. Entre-temps, Mohamed n'est plus le même homme que celui qui vociférait quelques minutes plus tôt. Il s'est soudainement calmé, comme s'il était allégé d'un grand poids. Le policier et son chef demandent au chauffeur de taxi et à son client d'attendre dehors et gardent Mohamed. «Qu'as-tu donc au juste ?», lui demande le chef. «Je regrette ce que j'ai commis…oui je le regrette vraiment…Je ne sais pas pourquoi j'en suis arrivé là…», balbutie Mohamed en essuyant ses larmes. Le policier place le premier feuillet d'un procès-verbal vierge dans la machine à écrire et commence à recueillir les déclarations de Mohamed. «…Je me suis marié tard…à trente-huit ans…», dit-il au policier. Il a épousé Meriem, une jeune fille de dix-sept ans. Leur relation remonte à deux ou trois ans. Il ne se souvient pas précisément, parce que cette relation ne se base pas sur un grand et vrai amour. Si c'en était vraiment un, il connaîtrait le nombre de jours, sinon les minutes et les secondes de leur relation. Ce qui importait pour eux deux, c'était de fonder un foyer, de faire des enfants. Effectivement, ils en sont arrivés là et ont occupé une chambre au quartier Al Wifak. En quelques mois, les habitants de ce quartier commencent à s'intéresser à elle. Nul ne sait pourquoi. Mais ce qui est sûr, c'est qu'ils parlent d'elle. Quelques-uns disent qu'elle trompe son mari avec d'autres jeunes de son âge. Par l'intermédiaire du bouche à oreille, Mohamed est mis « au courant ». S'agit-il d'une vérité ou de simple médisance ? Personne n'a été en tout cas capable de le dire à la police lors de l'enquête. Les soupçons transforment la vie du couple en enfer. Et pourtant ils ont eu un petit enfant, âgé maintenant de huit mois. Les jours passent et les doutes empoisonnent la relation de Mohamed et Meriem. L'arrivée du petit n'y change rien, finalement. Un jour, vers midi, Mohamed entre chez lui. «Tu ne sors pas quand je ne suis pas là» lui demande-t-il. «Pourquoi ? je ne vais pourtant que chez ma mère ?» «Je ne veux plus entendre le moindre mot sur toi !» «Je me f… de ce que peuvent dire les gens. Je vais sortir... je n'ai rien à faire à la maison…». Ces mots font sortir Mohamed de ses gonds. Il la tient par le bras droit, la gifle violemment. Elle crie au secours. Il lui assène des coups de poing et de pieds. Leur petit enfant qui est à côté sanglote. Aucun voisin n'ose intervenir. Comme possédé, Mohamed se saisit d'un couteau, fait tomber Meriem à terre et l'égorge comme un mouton. Il sort, laissant son petit garçon à côté du cadavre de sa mère. Il ne sait pas où aller. Il hèle un petit taxi au boulevard principal du quartier Ben Souda. Le taxi s'arrête et un second client monte à bord du véhicule...