Refroidissement ou «Bourouda», maléfice ou mauvais sort «Tkaf» et fatalité ou «Mektoub» sont quelques termes qui désigent de façon pudique la problématique non déclarée par l'homme marocain : l'impuissance sexuelle ou dysfonction érectile. Y'a-t-il du nouveau dans cette autre page des sujets encore tabous chez nous. «Les dysfonctions érectiles, actualités thérapeutiques, attentes du médecin et du patient» est l'intitulé d'une importante conférence de formation médicale continue que vient de donner à Rabat, le professeur Ahmed Lakrissa, chef du service d'urologie « B » du centre hospitalier Ibn Sina de Rabat. Pour ce médecin universitaire, spécialistes en urologie (chirurgie des maladies liées à l'appareil urinaire), une dysfonction érectile est l'incapacité permanente pour l'homme d'obtenir et de maintenir une érection de qualité et de durée suffisante pour pouvoir réaliser des rapports sexuels satisfaisants pour les deux partenaires. A l‘adresse des médecins qui sont confrontés à des patients souffrant de cette pathologie, le professeur A. Lakrissa insiste sur le fait qu'il ne faut surtout pas parler avec ces malades d'impuissance sexuelle, car c'est un terme péjoratif qui met en cause la virilité de l'homme et sa « puissance » et ne pas confondre la libido ou désir sexuel et érection. Par ailleurs, il rappelle que les dysfonctions érectiles de l'homme ont des incidences psychologiques et sociales sur le couple Mais, depuis l'avènement, il y'a quelques années du traitement oral des dysfonctions érectiles, tous les spécialistes s'accordent que la santé sexuelle de l'homme marocain a été améliorée, d'autant plus qu'aujourd'hui au Maroc, l'arsenal thérapeutique s'est enrichi d'un deuxième produit contre les dysfonctions érectiles et bientôt d'un troisième. Lors de cette conférence d'actualités thérapeutiques sur les dysfonctions érectiles, à laquelle ont assisté des médecins généralistes, une approche socio-culturelle a été présentée et les tabous qui entourent les questions sexuelles dans un pays comme le Maroc ont été soulevés par tous les participants. Ainsi on a parlé de refroidissement ou «Bourouda», de maléfice ou mauvais sort «Tkaf» ou enfin de fatalité ou de «Mektoub». Ce qui a distingué cette rencontre est le fait que ce professeur universitaire en urologie, ait passé en revue les différents traitements populaires qui prévalent dans la société marocaine : la chouafa, le fkih, les marabouts, l'encens (Bkhour), l'amulette (Hjab) ou les recettes dites"explosives" de la belle-mère tels, Ras el hanout, Maajoun ou Lamsakhin. Dans son exposé, le professeur Lakrissa a dressé une vue panoramique sur l'histoire des différentes approches culturelles à travers le monde concernant l'impuissance sexuelle. Depuis l'approche sexiste, dominée par l'égoïsme masculin avec une ignorance totale du désir sexuel et du plaisir de la partenaire, jusqu'à l'approche féministe actuelle dominée par l'évolution des mœurs, la libération de la femme liée à l'instruction et à la contraception, mais surtout en rapport avec les exigences sexuelles de la femme qui mieux exprimées et même revendiquées. Ce qui devient une source d'angoisse pour l'homme, qui devient dans l'obligation de satisfaire sa campagne. Sur le plan épidémiologie, les dysfonctions érectiles complètes touchent 10 % des hommes, avec une nette influence du facteur âge, car plus on avance dans l'âge, plus les problèmes d'érection sont fréquents. Ainsi, après l'âge de 40 ans, entre 40 à 50% des hommes souffrent, à des degrés différents de dysfonction érectile. Cela est d'autant plus accentué en cas de présence de facteurs à risques : le stress, la dépression nerveuse source d'une baisse de la libido, l'anxiété de performance dont l'exemple le plus frappant est celle de la nuit de noces. Mais un handicap majeur devant le développement d'un épanouissement sexuel des couples est l'ignorance et le manque d'informations sur les questions et les problèmes liés à la sexualité Quant aux autres causes des dysfonctions érectiles, on a les étiologies organiques liées aux maladies du système nerveux dont les plus importantes sont les accidents vasculaires cérébraux, la sclérose en plaque, la maladie de Parkinson ou les traumatismes de la moelle épinière. Les lésions nerveuses, certaines maladies métaboliques et cardio-vasculaires comme le diabète, l'hypertension artérielle ou les désordres lipidiques peuvent être des causes favorisants pour l'installation d'une dysfonction érectile. D'où la nécessité d'un diagnostic précoce de ces maladies et surtout une prise en charge thérapeutique correcte, afin de prévenir les éventuelles complications. Par contre : il y a des causes évitables des dysfonctions érectiles se sont les causes toxiques dont les chefs de fil sont l'alcool, le tabac et les drogues, sans escamoter certains causes médicamenteuses tel l'abus des anxiolytiques ou des tranquillisants. Tout traitement des dysfonctions érectiles doit permettre une vie sexuelle normale, être efficace, facile à prendre, à effet réversible, à action rapide, d'une durée suffisante et proche de la nature, bien toléré, non toxique et avec peu d'effets secondaires, n'altérant pas le désir et surtout d'un coût acceptable. Enfin, tous les spécialistes des dysfonctions érectiles insistent sur l'accompagnement du traitement médicamenteux par une psychothérapie individuelle et souvent du couple. Faire en sorte, conclut le professeur Lakrissa qu'avec une thérapeutique efficace, vous n'éviterez pas votre partenaire mais au contraire vous l'inviterez. • Par Dr Anwar Cherkaoui