Comptes bancaires, contrats, dépôts, comptabilité, toutes les activités des notaires seront désormais vérifiées, inspectées par les procureurs. En gros, les bureaux de notaires sont dorénavant sous la loupe du parquet général. En effet, le ministère de la justice et des libertés vient d'adresser une lettre à tous les procureurs généraux du Roi près les Cours d'appel du pays sur le sujet. Concrètement, le ministère de tutelle demande l'activation du mécanisme de contrôle prévu par la loi régissant la profession. Bientôt donc, des contrôles et des visites inopinés seront effectués par le ministère public directement dans les bureaux de notaires. «Vous n'êtes pas sans savoir que le contrôle continu et efficace des bureaux de notariat joue un rôle important dans la moralisation de la profession et l'amélioration du sentiment de responsabilité chez messieurs les notaires ainsi que le renforcement de la confiance des clients dans le métier du notariat», lit-on dans la lettre adressée par le ministre de la justice et des libertés, Mustapha Ramid. Et de poursuivre : «C'est pour cette raison que le législateur a prévu dans les articles 65 à 71 de la loi 32.09 règlementant la profession du notariat un double contrôle exercé par le procureur général du Roi ou son représentant ainsi que le ministère des finances en présence du président du Conseil régional des notaires». La loi en question donne également aux conseils régionaux des notaires d'exercer à leur tour des contrôles similaires dans le but d'intensifier les procédures d'inspection. Mais le législateur a donné au parquet des prérogatives élargies pour contrôler. Dans ce sens, les procureurs sont chargés de vérifier tous les registres des notaires, notamment ceux de comptabilité qui doivent être par la suite visés par les procureurs et portés la date de la vérification. Ce n'est pas tout. Le parquet vérifie également les caisses des notaires ainsi que l'état des dépôts et ce, au moins une fois par an. La loi en vigueur privilégie les contrôles inopinés. Les prérogatives du ministère public lui permettent ainsi de vérifier et d'inspecter tous les contrats, les valeurs, les fonds en espèce, les comptes bancaires et postaux ainsi que les fiches de comptabilité. «Dans le but de rendre le contrôle un outil efficace pour relever le niveau de rendement professionnel des notaires et améliorer la qualité des prestations ainsi que la consolidation des principes de la confiance et de la probité chez les professionnels, nous vous demandons d'établir un calendrier des opérations d'inspection que vous allez effectuer selon un programme annuel réservé aux bureaux de notariat relevant de vos circonscriptions», ajoute la même source. Le ministère de tutelle a demandé aux procureurs de lui communiquer dans l'immédiat les résultats de leurs inspections. Reste à savoir quelle sera la réaction des notaires à travers le pays. Une chose est sûre en tout cas, la profession devra se soumettre aux contrôles prévus par une loi déjà en vigueur. Controverse Les relations entre le ministère de la justice et les représentants de la profession de notaire ont quelquefois été tendues. Et pour cause, certaines dispositions de la loi règlementant la profession nécessitaient des décrets d'application dont l'élaboration et la promulgation restent du ressort du ministère de tutelle. Si quelques décrets n'ont pas suscité beaucoup de bruit, d'autres ont cependant créé une controverse entre les deux parties. Pour rappel, les notaires avaient été interdits de se déplacer directement chez leurs clients pour conclure des contrats. Les notaires avaient au début refusé arguant que leurs déplacements chez les clients permettaient d'accélérer les procédures. Autre sujet de polémique, celui qui concernait le dépôt des fonds des clients dans des comptes spéciaux à la CDG (Caisse de dépôt et de gestion). Les notaires craignaient que cette nouvelle mesure ne vienne alourdir encore la procédure. Les craintes portaient également sur les difficultés techniques pour la mise en œuvre du dispositif. Ce que dit la loi La loi 32.09 régissant la profession de notariat au Maroc a accordé une grande importance au contrôle et à la discipline. Plusieurs articles, notamment ceux de 65 à 71, détaillent les mécanismes de contrôle des notaires dans l'exercice quotidien de leur profession. L'article 65 dispose par exemple que «les notaires sont soumis, tant en ce qui concerne leur comptabilité, les fonds et valeurs dont ils sont dépositaires ou comptables qu'au regard de la régularité de leurs actes et de leurs opérations et le respect de la loi régissant la profession, au double contrôle du procureur général du Roi près la Cour d'appel dans le ressort de laquelle se situent leurs études, ou son représentant, et du ministère chargé des finances conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur». Pour sa part, l'article 67 stipule que «le procureur général du Roi près la Cour d'appel ou son substitut a le droit de contrôler et viser les archives, les registres réglementaires et les registres de comptabilité en y indiquant la date du contrôle». Et en vertu de l'article 68, le procureur général du Roi près la Cour d'appel procède au moins une fois par an au contrôle des caisses et de la situation des dépôts des notaires.