Aziz Ajbilou, directeur du Centre d'études et de recherches démographiques (Cered), explique les raisons de la baisse du taux de fécondité au Maroc et ses conséquences sur la structure par âge de la société. Ajbilou place le niveau d'éducation en tête des facteurs qui expliquent la baisse de cet indicateur. Entretien. ALM : Quelles sont, selon vous, les raisons de la baisse du taux de fécondité au Maroc ? Aziz Ajbilou : Effectivement, le taux de fécondité aconitine à baisser, et ce depuis le début des années 70. Aujourd'hui, ce taux est de l'ordre de trois enfants par femme ayant atteint l'âge de procréer. Pour ce qui est des raisons, je peux tout de suite vous dire qu'elles sont multiples. Cela dit, nous en citerons les plus importantes. Celle qui vient en tête, à mon avis, c'est le niveau d'éducation. Il joue un rôle extrêmement important en matière de changement des comportements des individus dans une société donnée. En effet, les femmes sont de plus en plus alphabétisées et cette instruction influence de manière directe sur leurs habitudes. Elles se marient de plus en plus tardivement. Ce recul de l'âge du mariage est une conséquence directe de l'accroissement de leur niveau d'éducation. En outre, l'effet indirect est celui qui consiste, pour les ménages, à privilégier la qualité plutôt que la quantité. Les parents préfèrent par exemple offrir la meilleure éducation possible à leur progéniture. Qu'en est-il des autres raisons qui expliquent cette baisse du taux de fécondité ? Je citerai, d'abord, le travail des femmes. Leur activité professionnelle est un facteur de baisse incontestable. De manière générale, la modernisation des modes de vie ainsi que l'urbanisation sont également des aspects à prendre en considération. Enfin, il ne faut pas occulter le niveau économique des ménages. Le manque de moyens financiers fait que ces derniers se contentent d'un nombre réduit d'enfants. Quelle lecture faites-vous de cette baisse de la fécondité ? En effet, la baisse des taux de fécondité et de mortalité infantile auront une influence importante sur la structure par âge de la société. En d'autres termes, la pyramide des âges est en train de changer au Maroc. La base de cette pyramide était assez large lors des années 60. Aujourd'hui, elle se rétrécit de plus en plus. Le rétrécissement de la tranche d'âge de moins de 15 ans s'est effectué au profit de la tranche d'âge de 16 à 59 ans, et dans une moindre mesure pour la tranche d'âge des plus de 60 ans. Cela veut-il dire que la société marocaine est menacée de vieillissement ? Effectivement, le problème du vieillissement se posera dans quelques années. Mais pas dans les court et moyen termes. Car actuellement, la tranche d'âge des plus de 60 ans ne représente que 7% de la population nationale. En outre, l'espérance de vie devrait, elle aussi, enregistrer une hausse sensible. Il n'y a donc pas de raisons de s'alarmer. Ce qui est important à signaler, en revanche, c'est que la tranche d'âge de 16 ans à 59 ans est la plus importante. C'est le moteur de développement de notre société, sur lequel les autorités doivent porter toute leur attention. Un dernier mot sur le Cered ? Le Cered relève du haut commissariat au Plan. Le Centre effectue régulièrement un nombre considérable de recherches en matière démographique, notamment sur la question de la femme, des enfants, de la pauvreté, l'immigration, la mortalité, etc. A ce titre, le Centre compte à son actif plus d'une cinquantaine d'ouvrages. En plus de cela, le Cered se charge du secrétariat technique de la Commission supérieure de la population, présidée par le haut commissaire au Plan.