Rendu public devant le Congrès de la commission d'enquête sur les attentats du 11 septembre 2001, l'ouvrage de Richard Clarke, ancien chef du contre-terrorisme, pointe du doigt l'Administration Bush. Cette dernière n'aurait pas pris au sérieux les menaces d'attentats qui planaient sur les USA, bien avant la catastrophe de New York. Le bras de fer entre la Maison Blanche et l'un de ses anciens «serviteurs» ne semble pas trouver de fin. Les attaques lancées par Richard Clarke, ex-responsable de l'anti terrorisme, qui pointe du doigt l'Administration Bush, continuent. L'ancien responsable accuse cette dernière d'avoir minimisé le risque d'attentats à l'intérieur du territoire américain dans les mois qui ont suivi son arrivée au pouvoir en janvier 2001. C'était bien avant les attentats du 11 septembre qui avaient fait quelque 3000 morts, dont le président américain est désormais «coupable» de ne pas avoir protégé. Dans un livre présenté lundi et mercredi lors d'une audition publique devant le Congrès de la commission d'enquête sur les attentats du 11 septembre 2001, Clarke a accusé ouvertement Bush de ne pas avoir écouté ses avertissements sur l'imminence d'attentats terroristes aux Etats-Unis. Richard Clarke, à l'époque chef du contre-terrorisme, a dit n'avoir pas réussi à obtenir la convocation d'une réunion de haut niveau sur le sujet. Il a alors écrit à la conseillère à la Sécurité nationale Condoleezza Rice en lui demandant d'imaginer comment elle réagirait à la mort de centaines d'Américains dans un attentat. La lettre est datée du 4 septembre 2001. Clarke, qui a servi sous quatre gouvernements différents, accuse W.George Bush d'avoir également monté en épingle le dossier irakien tout de suite après les attentats. Depuis le début, l'Administration Bush se montre d'ailleurs nerveuse à l'égard du travail de ces enquêteurs qu'elle ne peut ouvertement critiquer, étant donné qu'ils ont le soutien de familles des victimes du 11 septembre. George W. Bush lui-même a d'abord convenu de ne répondre aux questions de la commission que pendant une heure, et seulement à celles de son président Thomas Kean, ancien gouverneur républicain du New Jersey, et de son vice-président Lee Hamilton. Quand son adversaire démocrate à la présidence John Kerry a critiqué cette décision, la Maison-Blanche a fait savoir que Bush accorderait plus de temps si nécessaire. Le rapport de la commission est attendu le 26 juillet, jour de la convention démocrate à Boston. En attendant les responsables de la Maison-Blanche s'emploient depuis trois jours de démonter ces accusations. La Maison-Blanche a tenté cette semaine de discréditer Richard Clarke en le présentant comme un employé peu informé ou en suggérant qu'il déformait les faits pour les besoins de promotion de son livre. Pour leur défense, ces responsables, interrogés par la commission, ont déclaré qu'ils avaient passé plusieurs mois à élaborer une stratégie globale contre le réseau Al Qaïda d'Oussama ben Laden qui n'a été achevée que juste avant les attentats de New York et Washington. Ces deux journées d'audience ont également montré que les responsables de l'Administration Bush n'avaient pas, durant l'été 2001, répondu de manière appropriée à une somme d'informations convergentes sur l'imminence d'un attentat de grande ampleur. Ce constat, qui ressort des interrogatoires rigoureux des plus hauts responsables des gouvernements Clinton et Bush, risque fort d'embarrasser le président républicain qui brigue sa réélection en novembre en se dépeignant comme le « garant d'une Amérique sûre ». Le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, a lu mercredi des extraits d'un entretien accordé en août 2002 à des journalistes sous le couvert de l'anonymat par Richard Clarke. Selon McClellan, ces déclarations contredisent celles qu'a faites récemment M. Clarke. Dans cet entretien, Clarke affirmait notamment qu'«en janvier 2001, la nouvelle Administration Bush a été informée de la stratégie suivie (...) et a décidé de la poursuivre vigoureusement y compris pour les opérations clandestines visant à éliminer», les terroristes. Devant la même commission, le directeur de la CIA, George Tenet a nié que la CIA ait alors formé Ben Laden dans le cadre de l'assistance américaine à la résistance afghane. Il a cependant reconnu qu'une meilleure utilisation des données disponibles aurait pu permettre de déjouer les attentats du 11 septembre 2001. Toujours est-il que d'autres témoignages des hauts responsables qui se sont succédé mardi et mercredi permettent de conclure qu'il existait dès l'été 2001 une somme d'informations claires sur l'imminence d'un attentat très meurtrier, des éléments à « faire se dresser les cheveux sur la tête », selon un membre de la commission. Nommé en 1998 par Bill Clinton coordonnateur de la lutte antiterroriste à la Maison-Blanche, Richard Clarke avait continué à s'occuper de ce dossier après l'arrivée du républicain George W. Bush en janvier 2001. Chargé de la lutte contre le « cyberterrorisme » à partir de 2002, il avait démissionné en février 2003.