Le président algérien sortant se croit suffisamment populaire pour se passer du soutien de l'armée. Celle-ci qui mise sur son rival Ali Benflis, n'a pas encore dit son dernier mot. Qui de Abdelaziz Bouteflika ou de Ali Benflis va obtenir la confiance des Algériens le 8 avril prochain ? Difficile de donner des pronostics tant la lutte entre ces deux principaux candidats est serrée. Ouverte le 18 mars, la campagne électorale n'a pas montré le favori des citoyens- électeurs. Or, c'est un secret de polichinelle, en Algérie c'est l'armée qui gouverne le pays, tire les ficelles de la politique nationale et fait ou défait les présidents. Président sortant, Abdelaziz Bouteflika semble avoir oublié cette réalité. L'intéressé caresse fortement l'ambition de décrocher un second mandat et ce contre la volonté de la junte militaire qui semble lui préférer l'ex-Premier ministre Ali Benflis. Ce qui est interprété comme un lâchage de celui que les généraux avaient aidé à être élu en 1991 en sa qualité de candidat de l'armée. La donne a apparemment changé depuis. Abdelaziz Bouteflika a cherché à s'émanciper de la tutelle de ses anciens protecteurs auxquels il tient tête aujourd'hui. Ne s'est-il pas vanté récemment à la Télévision algérienne d'avoir fait éviter à l'armée “d'être jugée (pour crimes contre l'humanité) devant le tribunal pénal international“ ? Si ce n'est pas une déclaration de guerre, cela y ressemble beaucoup. Abdelaziz Bouteflika, qui a eu droit en l'espace de quelques mois à deux livres au vitriol peuplé de sous-entendus sur sa vie privée ( l'un du journaliste Mohamed Benchikou et l'autre signé par le général Khaled Nezzar), a choisi un terrain dangereux où il a toutes les chances de perdre. Se sachant ni candidat des citoyens ni celui de l'armée, il a décidé de jouer solo quitte à provoquer les représailles de ses anciens maîtres. L'Histoire de ce pays est pourtant riche en enseignements. Les présidents qui se sont succédé à la tête de l'État furent victimes de putschs ou assassinés. Paradoxe dans un pays dominé par plusieurs décennies de socialisme et d'industrie industrialisante, l'Algérie se découvre à la faveur de cette campagne électorale décisive un patronat incarné par le Forum des chefs d'entreprises (FCE). La plupart des membres de cette jeune organisation ont décidé, à l'instar de la puissante Union générale des travailleurs algériens (UGTA), d'apporter leur soutien au président sortant. Ces appuis font croire à M. Bouteflika qu'il est populaire, n'en déplaise à l'armée des généraux qu'il peut se permettre de narguer. Cependant, certains journaux le soupçonnent de vouloir truquer les élections en mettant à contribution les walis des régions. La population, elle, est indifférente aux manœuvres des uns et aux joutes des autres. Entre le marteau de l'insécurité et l'enclume du dénuement social, rien n'a changé dans son quotidien difficile.