«En dépit des progrès de la médecine, la responsabilité des médecins en cas d'erreur médicale est toujours régie par le code des obligations des contrats datant d'un siècle». Les propos émanent de Mustapha Ramid, ministre de la justice et des libertés, qui était l'invité d'un colloque sur la responsabilité civile des médecins en cas d'erreurs médicales. Les organisateurs de l'événement qui vient de se tenir à Casablanca ont voulu ainsi lancer la réflexion sur une future loi qui doit combler le vide juridique concernant les erreurs médicales d'autant plus que de nombreuses personnes s'estimant être victimes d'une erreur ont recours à la justice. Les statistiques officielles sur le nombre des erreurs médicales sont tout simplement inexistantes au Maroc. Les estimations qui existent concluent à une hausse relative des erreurs commises par les professionnels vu la complexité des interventions médicales ces dernières décennies. Cela dit, en cas de problème et une fois l'affaire portée devant les tribunaux, les familles mais également les médecins doivent faire face au vide législatif et juridique. Et forcément, les verdicts sont souvent considérés comment étant en deçà des attentes, voire en déphasage avec la réalité. Le ministre de la justice a, lui-même, pointé du doigt cette dure réalité. «Il est devenu nécessaire de mettre en place un cadre référentiel pour fixer les bases de la valeur de l'indemnisation pour le préjudice, de sorte à éviter les différences flagrantes concernant certains jugements rendus par nos tribunaux pour les indemnisations suite à des erreurs médicales», a dit Mustapha Ramid. Le débat a également porté sur la possibilité de mettre en place une assurance. «Dans la perspective d'examiner la possibilité de mettre en place une assurance concernant les erreurs médicales potentielles en prenant en compte la nature et la particularité de la profession de la médecine, il est encore une fois nécessaire d'élaborer une loi répondant à toutes les attentes», a ajouté le ministre qui a tout de même reconnu qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant qu'une loi régissant le dossier ne voie enfin le jour. En tout cas, une prise de conscience semble s'installer chez les professionnels. Une bonne partie du corps des médecins est déterminée à pousser vers l'adoption d'une loi. D'ailleurs, le colloque a été organisé par le rassemblement syndical des médecins spécialistes. Outre la participation du ministère de la justice et des libertés et celui de la santé, les organisateurs ont associé à l'événement des magistrats, des avocats ainsi que de nombreuses associations de médecins. Si tant de monde était invité à ce colloque national, c'est que les procédures en cas d'erreur médicale sont très lourdes et compliquées nécessitant l'implication de plusieurs intervenants. La situation est d'autant plus grave que les textes juridiques sont non seulement dépassés mais ont également un caractère générique et éparpillé. Les juges se réfèrent dans ce genre de dossiers notamment au code des obligations et des contrats, élaboré il y a un siècle. Dans certains cas, il est également tout simplement fait recours au code pénal. C'est dire qu'il y a urgence aujourd'hui à sortir une loi spécifique pour préserver les droits et établir les responsabilités de chacune des parties.
Responsabilité civile et pénale La loi marocaine fait la distinction entre deux types de fautes qui peuvent donner lieu à deux procédures différentes. Il y a tout d'abord la faute dite civile et la faute pénale. La faute pénale donne lieu à une poursuite sur la base du code pénal en particulier les articles 432 et 433 relatifs à l'homicide et aux blessures involontaires. Les peines prévues pour l'homicide involontaire varient de 3 mois à 5 ans d'emprisonnement et une amende. Les blessures involontaires sont, elles, sanctionnées par une peine d'emprisonnement d'un à deux mois et une amende. S'agissant de la responsabilité civile, les magistrats peuvent s'appuyer sur le dahir sur les obligations et les contrats, en l'occurrence les articles 77 et 78. Le plaignant peut demander des dommages et intérêts pour la réparation des préjudices subis. Cela dit, les victimes doivent prouver d'abord qu'elles sont victimes d'une erreur médicale. C'est un processus long et difficile qui est alors engagé. A noter enfin que les médecins incriminés peuvent être également sanctionnés par l'Ordre des médecins. Société civile Si certaines affaires d'erreurs médicales font l'objet d'un suivi médiatique important, d'autres ne sont jamais connues du grand public. Et les familles sont livrées à elles-mêmes. C'est la raison pour laquelle une association a vu le jour en 2011 pour défendre, aider, éclairer et soutenir les victimes ou leurs ayants droit à faire prévaloir leurs droits. L'initiative a été prise par une trentaine de personnes qui sont toutes des victimes ou proches de victimes d'erreurs médicales. Ce genre d'associations peut jouer un rôle important. Il est vrai que les poursuites ne débouchent pas sur des sanctions ou des réparations mais l'association peut au moins apporter un soutien moral aux victimes ou leurs familles. Les conseils apportés sont également importants d'autant plus que les procédures sont longues, onéreuses et compliquées. La grande complication concerne essentiellement les preuves qu'une erreur a été véritablement commise. L'établissement ou non des preuves est déterminant pour la suite du procès.