Le ministre de la santé a été très ferme, mardi à Rabat, sur sa politique globale de gestion ainsi que sur la pertinence des mesures prises récemment en matière de baisse des médicaments, qu'il a qualifiées d'élément catalyseur de l'accès du plus grand nombre aux soins. Invité par la MAP dans le cadre du forum que celle-ci organise chaque mois, Lhoussaine Louardi a déclaré que le projet d'arrêté instituant la baisse d'une nouvelle série de 800 médicaments adopté par le Conseil de gouvernement vendredi dernier est la résultante de 15 mois de concertations avec tous les opérateurs du secteur «qui ont dit leur mot et signé». Le ministre a fait cette déclaration au cours d'un exposé introductif centré sur «la politique des médicaments et l'ouverture du capital des cliniques» aux non-médecins dans lequel sa critique des critiques du projet de baisse a constitué l'un des principaux sujets. Quoi qu'il en soit, a-t-il considéré, il fallait entrer dans la réalité des faits après 15 mois de discussions. De surcroît, celles-ci peuvent être continuées devant le Parlement. Le ministre qui a donné un aperçu général de la situation sanitaire au Maroc a déclaré que les dysfonctionnements des systèmes de santé sont chose la mieux partagée au monde et qu'aucun pays n'en est exempt. Le ministre a eu cette phrase choc : «Le système marocain souffre de maux conjoncturels dont on ne guérira qu'à moyen terme, quelle que soit par ailleurs la nature des remèdes prescrits». Il a estimé que relever les défis qui se posent en matière de santé exige une politique intégrée et dont l'audace implique celle de s'imposer à tous quand bien même elle dérangerait. Estimant que la politique des grands chantiers initiés par le gouvernement ne va donner ses fruits que dans quelques années tant les failles sont profondes, il a évoqué les obstacles qui les contrarient en remettant en mémoire la levée de boucliers qui a accueilli l'interdiction faite aux praticiens du secteur privé d'exercer dans le privé. C'est pourtant l'une des conditions favorisantes et de réussite du Ramed, a-t-il ajouté. L'un des grands défis actuels est que le médicament est très cher au Maroc. «Et cela ce n'est pas seulement l'avis du ministère, mais de l'OMS, du Parlement, du Conseil de la concurrence, du CESE…». A titre d'exemple, a dit le ministre : le médicament représente 46% des remboursements de la CNOPS ou de la CNSS alors même que l'usage du générique, élément de la solution, est encore hésitant. Il a laissé entendre que cette situation explique qu'aujourd'hui 53,6% des frais d'hospitalisation sont supportés par les ménages et que 40% de cette dépense sont imputables aux médicaments. Les autres failles du système ont noms urgences, médecine psychiatrique et gestion des ressources humaines, a ajouté Lhoussaine Louardi qui a mis l'accent sur le fait que ces domaines sont pour lui des priorités. Ainsi en ce qui concerne la GRH, 753 MDH y sont alloués dans le cadre d'un plan de refonte instituant une meilleure répartition des personnels et des méthodes de leur responsabilisation. Le ministre qui a pris appui sur les derniers chiffres marquant l'évolution des réalisations, a appelé à un partenariat plus affirmé en secteurs public et privé de la santé. C'est une nécessité, a-t-il ajouté, quand on sait que le patient marocain n'a de possibilité de subir un examen au scanner qu'une fois tous les 2 ans et que nous ne réalisons que 100 lits additionnels par an. Le ministre qui s'est étonné de ce que l'ouverture du capital des cliniques aux non-médecins fasse autant de remous, a estimé que c'est en vérité un faux débat. La loi 10-94 ne fait pas de la qualité de médecin un préalable à l'autorisation de créer une clinique, a-t-il précisé. Au demeurant, a-t-il ajouté, le dahir des obligations et contrats (DOC) les autorise en tant que sociétés civiles professionnelles, ce qui exclut la plupart des établissements actuels qui se sont constitués en sociétés commerciales : SA ou SARL actuellement. La moitié des cliniques existantes est dirigée par des non-médecins, où est le problème ? s'est écrié Lhoussaine Louardi. D'autant plus, a-t-il considéré, que l'ouverture du capital des cliniques induira plus d'attractivité, des investissements additionnels en infrastructure, des gains en pratique médicale et en gestion. Le ministre qui a réaffirmé que de toute manière l'administration ne peut pas intervenir dans le domaine médical dans ces cliniques et que leur directeur est impérativement un médecin, a laissé entendre que la décision d'ouverture du capital des cliniques est prise en vertu du fait que la «décision politique appartient au ministère». Le ministre a par ailleurs considéré qu'en 2 ans d'exercice, il n'a réalisé que le tiers du chemin qu'il s'est fixé. Répondant à une question d'ALM sur son bilan provisoire, Lhoussaine Louardi a estimé qu'il n'a traduit dans les faits que 33% de ses objectifs initiaux. Il a également rétorqué que l'ouverture du capital des cliniques ne peut en aucune façon concurrencer les praticiens marocains puisque les étrangers n'ont droit d'exercer au Maroc que dans le cadre de vacations ne dépassant pas un mois.