Le bras de fer se poursuit entre les pharmaciens et le ministre de la santé. Le Syndicat national des pharmaciens du Maroc a adressé, le 28 novembre dernier, une lettre au secrétaire général du gouvernement dans laquelle il s'oppose fermement au projet de décret sur la fixation des prix des médicaments. Le syndicat conteste plusieurs points, à commencer par leur marginalisation dans l'élaboration de ce projet. «Il est consternant de constater que le ministre de la santé a ignoré notre formation syndicale, malgré notre grand dynamisme sur le terrain et nos sollicitations multiples pour participer ensemble à l'œuvre d'édification de la politique du médicament pour notre pays», peut-on lire dans la lettre. Le syndicat déplore que le ministre n'ait pas avisé l'Ordre des pharmaciens alors que les articles 2 et 32 du dahir de 1976 stipulent clairement l'examen obligatoire par l'Ordre des questions relatives à la pharmacie et l'émission d'un avis sur tout projet de loi et règlement se rapportant à la profession. Contacté à plusieurs reprises par ALM, le ministre de la santé Lhoussaine Louardi est resté injoignable. Pour le syndicat, le projet de décret «argumente sans retenue» la cherté du médicament au Maroc en se basant sur le rapport «erroné» et «réfuté» de la Commission parlementaire de 2009. En tenant compte de la définition du médicament cher selon l'OMS, le syndicat signale qu'il s'agit de tout médicament dont le prix est supérieur à 250 DH. Or, une étude réalisée par l'AMIP (Association marocaine de l'industrie pharmaceutique) avait montré que 90% des médicaments ont un prix qui ne dépasse pas les 250 DH. Le syndicat estime que la règle de fixation des prix doit faire appel à des pays de benchmark économiquement similaires au Maroc, alors que le projet de décret utilise le benchmark avec des pays économiquement très évolués. En optant pour le prix minimum des pays de benchmark, le syndicat note que le nouveau système de fixation des prix des médicaments va booster l'importation au détriment de la production locale. Ce qui aura de graves répercussions sur le secteur: aggravation du déficit de la balance commerciale extérieure, disparition des médicaments à petits prix au profit des plus chers qui sont pour la plupart importés, ralentissement des investissements. Le syndicat national est contre le choix du prix minimum. Il demande que la règle de fixation des prix fabricants hors taxe des médicaments princeps (aussi bien pour les médicaments circulants que ceux nouvellement mis sur le marché) se fasse sur la base de la moyenne ou la médiane des prix des pays de comparaisons et retiendra le prix qui préserve l'équilibre financier de l'officine et la pérennité du produit sur le marché marocain. Quant à la fixation des prix des génériques, elle doit se faire par décrochage rationnel à partir des prix des princeps. «La nouvelle règle doit absolument épargner la niche économique vitale de l'officine, c'est-à-dire les médicaments à petit prix, les médicaments conseils, les produits conforts, les produits non remboursables et généralement, tout produit courant en pharmacie», souligne le syndicat. Statistiquement, cette niche ne constitue que 20% de la gamme des médicaments autorisés, mais, représente en pratique 80% du chiffre d'affaires des officines en milieu périurbain et en milieu rural. Les pharmaciens relèvent qu'elle sera sans effet sur les équilibres financiers de l'AMO (Assurance maladie obligatoire). S'agissant de la marge bénéficiaire du pharmacien, le syndicat national opte pour une marge bénéficiaire de solidarité avec le malade et avec les organismes de gestion de l'AMO pour les médicaments inaccessibles et coûteux. Par contre, la marge sur les produits courants doit être revue à la hausse pour maintenir la stabilité économique de la pharmacie.