Les avocats se sont adonnés vendredi devant le Parlement à un exercice de style nouveau dans leur profession : ils ont plaidé leur cause avec leurs pieds. Ils ont été, en effet, des centaines, certains disent un millier, d'autres deux milliers – les évaluations diffèrent suivant les observateurs – à battre le pavé devant le siège de la représentation nationale pour dire leur opposition à la politique de leur ministre de tutelle. Une manifestation monstre, qui a eu lieu à l'appel de l'Association des barreaux du Maroc (ABAM), sans égale de par le nombre des participants et socialement très significative du fait du ralliement des greffiers. Ces derniers, bien que peu nombreux et qu'ayant pris le train en marche, n'ont pas été moins critiques à l'égard de Mustapha Ramid. Leur principal syndicat, émanation de l'Organisation démocratique du travail (ODT), est l'un des plus farouches opposants à l'action du ministre pjdiste depuis qu'il est à la tête du ministère de la justice. Cette opposition, les greffiers l'ont de nouveau affirmée vendredi au cours de la marche des avocats. «Nous sommes ici pour affirmer qu'avocats et greffiers livrent le même combat contre l'autoritarisme qui engendre l'exclusion ainsi que l'absence de vision et de dialogue». Profession de foi sur laquelle un des avocats a renchéri en faisant remarquer que «la politique de Ramid a mis tout le monde contre elle : les avocats, les juges et les greffiers. N'est-ce-pas la preuve qu'elle ne vaut rien ?». Enclenchée en continuation d'un sit-in devant le ministère dans la première semaine du mois de novembre, «la marche des robes noires», comme l'ont surnommée des journalistes, a pour but «d'affirmer haut et fort que les revendications de la profession non seulement n'ont pas été prises en compte mais encore pas même entendues». Par-delà les appels à la moralisation des professions judiciaires, celle des juges en particulier, les avocats demandent en effet l'établissement d'un système de justice transparent et équitable, assurant à la défense des moyens qui lui permettent de faire jeu égal avec la partie adverse et partant, lui donnant les moyens de faire valoir les droits et les intérêts des justiciables. Les avocats demandent également l'aménagement des conditions propres à assurer l'indépendance de la défense en la mettant à l'abri des pressions, des «détournements des procédures» et des lectures tendancieuses des règles de droit. Au demeurant, «toutes choses qui peuvent se résumer à l'opposition à la réforme du système judiciaire, telle et comme la promeut Mustapha Ramid». Outre le contenu de cette réforme, l'Association des barreaux des avocats présidée par Abdellatif Wahbi, par ailleurs membre de la commission parlementaire chargée de l'examen du projet, considère que le ministre ne prend pas l'avis des corps de métier intéressés par les nouveaux aménagements du cadre judiciaire et en particulier qu'il exclut les avocats des débats. Outre ces revendications judiciaires, les avocats ont aussi formulé des demandes plus corporatistes. C'est ainsi que les marcheurs ont revendiqué une amélioration de leur statut dans le sens d'une plus grande conformité à la spécificité de «leur sacerdoce». Ils ont également demandé une couverture sociale appropriée et une fiscalisation adaptée à la nature de leur métier. Depuis la mise en œuvre des mesures de rétorsion au moyen des défalcations des jours de grève sur le salaire mensuel, les avocats sont la seule partie à l'acte judiciaire encore capable de descendre en masse dans la rue pour dire son opposition au plan Ramid. Face à la menace des retenues sur salaires, juges et greffiers sont moins enclins à entreprendre des marches de protestation. Fait remarquable : comme en ce qu'il en est des manifestations de protestation des juges et des greffiers, il n'a été qu'incidemment question des droits et des intérêts du justiciable au cours de la marche des avocats du vendredi.