Nous y voilà ! Au terme de trois longs mois de tractations, spéculations, de va-et-vient, le nouveau gouvernement est formé. Et déjà les cérémonies de passations dans certains ministères se sont déroulées jeudi même après les nominations des nouveaux ministres par le Souverain. Premier constat : le chef de file de la nouvelle majorité, en l'occurrence le PJD, et le nouvel entrant, le RNI, auront finalement réussi à couper la poire en deux en faisant chacun de son côté des concessions. Ainsi, si on ne peut pas parler d'un changement radical ou de profondeur, on ne peut pas nier qu'il y a eu tout de même une nette modification de l'architecture avec la création de nouveaux départements et le reprofilage d'autres. De même, si le PJD est arrivé à maintenir à son poste son ministre en charge du budget, Idriss Azami, on remarquera aussi que les amis de Salaheddine Mezouar ont réussi finalement à imposer leur première condition, à savoir prendre en charge un grand pôle de ministères à vocation économique. S'il faut retenir d'autres constats pour cette nouvelle formation, on parlera essentiellement de deux : l'entrée de gros calibres, essentiellement sous les couleurs du RNI, pour gérer des portefeuilles stratégiques à vocation économique et d'un autre côté la nette amélioration de la représentativité féminine. Les gros calibres Deux noms ont particulièrement retenu l'attention: Moulay Hafid Elalamy, nouveau ministre de l'industrie et du commerce, et Mohamed Boussaid, ministre de l'économie et des finances, qui arrivent tous les deux sous les couleurs du RNI.
Moulay Hafid Elalamy Pour le premier, il s'agit d'une expérience inédite à un poste de ce genre. Moulay Hafid Elalamy n'est plus à présenter : figure connue de la communauté des affaires, l'homme s'est d'abord illustré comme un redoutable businessman puisqu'en l'espace de quelques années seulement il a pu mettre sur pied le mastodonte Saham, un des groupes les plus en vue, notamment dans les métiers de l'assurance, de la finance, les centres d'appels, l'offshoring, en plus d'activités connexes dans d'autres métiers très diversifiés comme les franchises, l'immobilier ou l'hôtellerie. Pour rappel, son pôle assurance, en plus de la compagnie CNIA Saada, compte 35 compagnies dans 19 pays à travers l'Afrique et le Moyen-Orient. Moulay Hafid Elalamy est aussi connu pour avoir fait un passage remarqué, entre 2006 et 2009, à la tête de la CGEM. Un mandat de trois années durant lequel Moulay Hafid a réussi à changer nettement les méthodes de travail de la Confédération. Sa nomination au Commerce et à l'Industrie devrait potentiellement apporter des points positifs à ce ministère chargé de piloter les stratégies sectorielles importantes pour l'économie du pays. Il sera également chargé du Commerce numérique. Son expérience dans l'offshoring pourra lui être utile dans la gestion de ce portefeuille nouvellement créé.
Mohamed Boussaïd L'autre gros calibre qui fait son entrée dans la nouvelle formation de Benkirane, Mohamed Boussaïd, désormais aux commandes des Finances. Contrairement à son collègue de l'industrie et du commerce, M. Boussaïd, même s'il n'est pas un pur produit de l'administration publique, est parfaitement rodé aux rouages du public. Ses premiers pas dans l'administration, cet ingénieur des Ponts et Chaussées les a faits dans le cabinet du ministre de l'équipement Feu Meziane Belefquih, à la fin des années 90. A partir de là, Mohamed Boussaïd va vite grimper les échelons de la fonction jusqu'à devenir en 2001 directeur des entreprises publiques et de la privatisation (DEPP). Ce premier gros poste ne sera d'ailleurs que le début d'une belle ascension. Repéré par Driss Jettou, le jeune directeur se voit confier d'abord le ministère de la fonction publique en 2004, sous les couleurs du RNI, avant de rempiler en 2007 pour le tourisme et l'artisanat. En 2010, avec la fin du mandat du cabinet Jettou, Mohamed Boussaïd fait un nouveau virage puisqu'il est nommé wali de la région du Souss-Massa-Drâa. Il y restera 2 ans avant de se voir confier la gestion de Casablanca en mai 2012. Quoi que rapide, son passage à Casablanca n'est pas passé inaperçu puisqu'il a fait le forcing pour faire sortir et avancer la majorité des gros projets de la métropole qui étaient en souffrance…
Salaheddine Mezouar Certes, le RNI a mis le paquet pour prendre en charge le pôle économique avec pour objectif de faire redémarrer rapidement la machine. Pour autant, d'autres gros calibres du parti se sont vus confier des missions tout aussi stratégiques. A commencer par le patron du parti lui-même, Salaheddine Mezouar, qui visiblement, et comme à son habitude d'homme de terrain, a tenu à être lui-même sur le pont en prenant en charge la lourde tâche des Affaires étrangères. Connaissant le profil de l'homme, lui aussi issu du monde de l'entreprise, on peut s'attendre à la dimension économique qui manquait cruellement à notre diplomatie.
Anis Birou Anis Birou, lui aussi rompu aux rouages de l'administration pour avoir été tour à tour ministre de l'alphabétisation puis de l'artisanat, se voit désormais confier un dossier encore tout chaud : la migration. Mohamed Hassad On notera enfin cette autre surprise qu'est l'entrée d'un gros calibre à l'intérieur en la personne de Mohamed Hassad. Ce dernier non plus n'est plus à présenter et connaît parfaitement le public vu le nombre de fois qu'il a eu à y occuper des postes importants. Ce double diplômé des Ponts et Chaussées et de Polytechnique a été ministre des travaux publics entre 1993 et 1995 avant de devenir patron de la RAM puis wali tour à tour de Marrakech-Tensift et Tanger-Tétouan avant de prendre tout récemment les rênes de TMSA. Cette nomination d'un pur technocrate à l'Intérieur rappelle vaguement celle de Chakib Benmoussa aujourd'hui ambassadeur du Maroc à Paris. L'autre fait saillant du gouvernement Benkirane dans sa nouvelle formule, le retour en force des femmes puisque cinq de ces dames viendront s'ajouter à la Pjdiste Bassima Hakkaoui. Ce n'est que justice rendue, diront certainement les défenseurs de la parité…