Dans la pénombre de ma chambre, une lumière verte irise subitement l'écran de mon ordinateur. Un halo illumine mon bureau. Un bourdonnement sourd accompagne l'étrange phénomène. Serait-ce un dysfonctionnement de ma machine ? L'écran s'obscurcit. Les applications se referment. Il est mis fin à mon travail ! Des lettres apparaissent au milieu de l'écran, les unes après les autres, formant des mots, puis des phrases. Quelqu'un a pris possession de mon ordinateur et s'est mis à m'écrire. Je suis troublé. Un silence épais emplit la maison déserte. Il ajoute à mon effarement. Je déchiffre le message : – Que le salut soit avec toi, terrien. Puis plus rien. Comme si l'écran, ou le mystérieux correspondant, attendait ma réaction. J'avance mes mains vers le clavier, et me mets à pianoter lentement sur les touches : – Qui êtes-vous… – Je vous contacte d'une autre planète. Cela doit être une plaisanterie. Un hacker a pris contrôle de ma machine et s'amuse à mes dépens. Mon sentiment ne dure pas longtemps. Mon sang se glace soudain dans mes veines. Mon interlocuteur est un extraterrestre ! Le surréalisme du phénomène ne peut relever de l'humain ! J'ose demander : – Quelle planète ? – Cyclotréide. Galaxie Constellarius X25. Ne cherchez pas, l'état de votre science ne vous permet pas de nous localiser. – Que me voulez-vous ? demandé-je, passablement secoué. – Echanger avec vous. Cela fait un moment que nous vous observons. Mon cœur bat la chamade. La réalité a dépassé les films de science-fiction dont je me suis abreuvé. – Et que savez-vous de nous ? tapé-je sur le clavier. – Votre planète est l'une des plus belles de l'Univers. Riche, généreuse, fascinante. Je souris, ravi par le témoignage. – Votre espèce est douée. Vos connaissances ont fait de grands progrès ces derniers temps. Mais il vous est impossible d'atteindre notre niveau. – Et qu'allez-vous faire de votre puissance, conquérir notre planète ? osé-je demander. – Ah, conquérir ! Votre obsession ! Vous conquérir les uns les autres. Si ce ne sont pas des terres, alors ce sont des biens, sinon des titres. Vous êtes obnubilés par le souci de posséder et d'accumuler. Cela fait de vous une espèce non intelligente. Vous ne pensez pas à vivre dans l'équilibre, par la modération et le partage. Vous avez résolu le problème du superflu pour un petit nombre, et vous vous débattez encore dans la satisfaction de l'indispensable pour l'écrasante majorité d'entre vous. Le message occupe la totalité de l'écran. Puis les caractères s'évanouissent, cédant la place à d'autres : – Depuis le temps que nous observons la terre, nous avons été frappés par les relations d'équilibre tissées par les créatures et les composants qui la peuplent. Végétaux, insectes, animaux, éléments chimiques, ressources naturelles, atmosphère, soleil, par leur vie ou par leur mort, ces éléments interagissent dans une parfaite symbiose, chacun concourant à l'évolution harmonieuse de l'ensemble. Je souris, incrédule. Le message disparaît à nouveau. L'écran s'illumine avec un autre : – Ça été vrai jusqu'à l'arrivée de votre espèce. Votre apparition fut un accident. Elle a opéré des ruptures avec les équilibres élaborés. Vous n'avez rien appris des êtres qui vous entourent. De tous temps, vos systèmes politiques ne profitent guère aux peuples. Vous consommez de façon effrénée, sans finalité. Vous exploitez sans régénérer. Vous faites peu de cas de la planète qui vous nourrit. Vous êtes en train de la mener vers l'extinction. Voilà ce que j'avais à vous dire. Que le salut soit avec toi, terrien. La lumière verte disparaît. Le halo s'évanouit. Le bourdonnement cesse. Mes applications reprennent leur place sur l'écran. … À qui pourrais-je raconter ce qui vient de m'arriver… sans passer pour un doux zinzin ?