La célèbre actrice Hind Rostom est décédée, lundi soir au Caire, à l'âge de 82 ans des suites d'une crise cardiaque, a-t-on annoncé dans la capitale égyptienne. Pendant une carrière de 30 ans, Hind Rostom s'est taillée un portrait d'actrice de séduction à la Marilyne Monroe. Hind Rostom s'est retirée de la scène artistique en 1979 ne laissant dans la mémoire de son public que des moments de gloire. Lèvres charnues et regard de feu, Hind Rostom, une des plus grandes stars de l'âge d'or du cinéma égyptien, possédait un magnétisme érotique presque animal d'une intensité peu commune. Souvent comparée à Marilyn Monroe, qui triomphait à la même époque sur les écrans américains, la star égyptienne détenait pourtant une personnalité cinématographique différente, plus vénéneuse et beaucoup moins fragile que la star américaine, ainsi qu'une sensualité plus « brut de décoffrage » qui la rapproche plutôt des stars italiennes comme Sophia Loren. Si les cinéphiles du monde entier se souviennent de son incandescente présence dans Gare centrale, le chef d'œuvre de Youssef Chahine, la blonde vedette a paru dans pas moins de 134 films en Egypte. Née à Alexandrie en 1931, Hind Rostom a vécu une enfance malheureuse auprès d'un papa agent de police (d'origine turque) très autoritaire et d'une belle mère qui la battait. Elle s'évade de son quotidien en admirant au cinéma des actrices comme Shadia ou Magda sans oublier des stars américaines telles que Rita Hayworth et Lana Turner. Très jeune, elle quitte la cellule familiale et tente sa chance dans les studios de cinéma, où l'on rémunère pour quelques sous ses prestations de figurante. Le célèbre réalisateur Hassan Al imam la remarque lors d'un casting et lui propose un rôle de femme frivole dans le drame social « les filles de joie » en 1955 qui va la rendre célèbre. A la même époque, elle épouse le réalisateur Hassan Raza, dont elle aura une fille. Une union malheureuse (Raza mettra même en doute la paternité de leur enfant) qu'elle va essayer de compenser en se dévouant toute entière à son métier de comédienne. Hind Rostom est engagée dans les productions les plus prestigieuses du moment : dans la comédie musicale c'est toi mon amour de Youssef Chahine (1957), elle se paie même le luxe d'éclipser les célébrissimes Farid el Atrache et Shadia, dans une scène où elle danse sensuellement dans un train subjuguant tous les passagers. Sans être une vraie pro de la danse orientale (même si elle a participé à ses débuts à de nombreux concours de danse), l'actrice n'a aucun mal à convaincre grâce à sa sensualité débordante et ses formes ondulantes. On la retrouve au générique des Nuits sans sommeil (1957) ,de Salah Abou Serf , film à gros budget et en couleurs qui cherche à dupliquer les mélos flamboyants d'Hollywood, mais ne risque pas de faire de l'ombre aux œuvres de Douglas Sirk. Beaucoup d'invraisemblances et de longueurs viennent handicaper un film qui présentait pourtant beaucoup d'originalité (en proie au complexe d'Oedipe, l'héroïne Faten Hamama séduit un homme qui pourrait être son père). La prestation d'Hind Rostom, en femme vénale, respirant la vulgarité est hélas peut être la plus mauvais du film. Elle en rajoute tant à son personnage de garce qu'elle n'est plus crédible. En revanche, on ne peut que saluer sa prestation dans le magnifique Gare centrale (1958). Dans le rôle de la plantureuse vendeuse de limonades, qui suscite le désir et la passion autour d'elle, Hind crève l'écran. Très loin des romans photos filmés qui pullulaient sur les écrans arabes, ce film néo-réaliste d'une grande intensité dramatique aborde avec une étonnante franchise la misère humaine et sexuelle. Il est en outre remarquablement mis en scène par Youssef Chahine. Le film connaîtra une carrière internationale inespérée pour un film égyptien. Applaudie au festival de Berlin pour sa prestation, la star égyptienne préféra pourtant prudemment refuser les offres des studios allemands, préférant le ciel d'Egypte à la grisaille européenne. Doit-on préciser que Gare centrale fut par contre un four en Egypte, tant ce film social dénotait par rapport aux aspirations des spectateurs arabes qui recherchaient avant tout à s'évader de la réalité quotidienne. Là bas, c'est Conflit sur le Nil (1959) qui lui vaut un triomphe : et pourtant ce film est vraiment inférieur en tous points au film de Chahine. Mais Hindi y révèle une sensualité égale, dans le rôle d'une véritable Messaline qui séduit tour à tour deux cousins ( Omar Sharif et Rushdy Abaza). Tel un serpent sorti de son panier d'osier, elle ensorcelle les hommes en ondulant et en dansant pour les séduire : elle sera lourdement punie pour ses forfaits : au cours d'une rixe, elle meurt d'un coup de hache dans le crâne! Ces différents rôles de séductrices effrontées vaudront à Hind Rostom le surnom de « reine de la séduction », que la vedette a toujours jugé très réducteur. Après tout n'a-t-elle pas aussi incarné çà l'écran aussi bien les mamans que les épouses modèles, les filles de la campagne que les artistes adulées? Aux dires de Hassan Al-Imam, « bien plus que ses atouts physiques, c'était son dynamisme intérieur qui charmait, une opulence rafraîchissante, sa ferveur juvénile ». La presse l'a beaucoup comparée à Marilyn (peut être pour sa blondeur et les tenues moulantes qu‘elle portait notamment dans Nuit sans sommeil), alors que finalement les deux stars avaient peu de choses en commun : Hind a d'ailleurs reconnu avoir été davantage influencée par Rita Hayworth tout en admirant par-dessus tout les qualités de comédienne d'Ingrid Bergman. La séduction triomphante d'Hind Rostom, sa force (du moins à l'écran) et son anticonformisme évoquent pour moi encore davantage Ava Gardner. Pour beaucoup de spectateurs égyptiens, son meilleur rôle demeure celui de Shafiqa la copte, biographie romancée d'une des pionnières de la danse orientale, qui ouvrit au début du 20ème siècle plusieurs cabarets et devint la maîtresse d'un premier Ministre avant de sombrer dans la drogue. Dans les années 60, Hind paraît dans des mélodrames aux situations extrêmes tels que les affectionne le public arabe (demain sera un autre jour (1961) une femme en marge de la vie (1961)), des comédies sociales (la perle des filles en 1961) ou musicales (chassé du paradis avec Farid el Atrache). , On passera rapidement sur le remake de l'Ange bleu, la revue de la nuit (1971), mélo médiocre et démodé à tout point de vue y compris chorégraphique. Même la prestation d'Hind ne sera pas épargnée par la critique qui la juge très mauvaise. Parole d'honneur (1972) de Hassan el seify qui raconte les malheurs d'un prisonnier est en revanche un très bon film à l'atmosphère lourde et à la réalisation soignée ; on est surpris par certains mouvements de caméras assez audacieux et pas fréquents dans le cinéma arabe de l'époque. Dans le rôle de l'épouse modèle, Hind. à 1000 lieux de la vamp aguichante des années 50, est excellente. En 1979, Hind Rostom va s'éloigner des écrans pour se consacrer à sa fille et ses petits enfants et laisser aux spectateurs le souvenir d'une actrice toujours belle. Elle s'est rendue à Paris en 1987 dans le cadre d'un festival sur le cinéma arabe. Si elle a longtemps refusé de vendre ses souvenirs à une télévision égyptienne qui voulait en faire une série, l'actrice a publié dernièrement une autobiographie. On a également longtemps évoqué un possible retour à la télévision, mais les producteurs n'ont pu s'aligner sur ses exigences salariales. Hind Rostom continue de se rendre aux soirées et premières aux bras de son second mari le docteur Fayad. Attentive à l'évolution du cinéma et de la chanson orientale, elle déclare beaucoup apprécier la chanteuse Nancy Ajram, artiste qui lui est souvent comparée…