Les grandes lignes du projet de la Constitution suscitent déjà un satisfecit auprès de la classe politique, nonobstant que la mouture finale n'est pas encore prête. Les premiers sons de cloche affichent des changements en profondeur, si ce n'est pas une rupture avec la Constitution précédente. Ainsi, le Maroc aura droit à un chef de gouvernement apte à désigner les gouverneurs, les directeurs d'établissements et les ambassadeurs… quant au Parlement, clé de la voûte de toute démocratie participative, ses prérogatives vont porter sur le droit de décréter la grâce générale, la moralisation de la vie parlementaire, et aussi le contrôle de l'action gouvernementale, entre autres. Abdelkrim Benatik, secrétaire général du Parti travailliste, estime que les grandes lignes exposées devant les partis politiques constituent un prélude pour le renforcement de l'Etat démocratique. «On est en train d'instaurer une nouvelle architecture constitutionnelle, refondant tous les mécanismes de pouvoir», juge-t-il. «Il ne s'agit point d'une réforme, mais plutôt d'un changement constitutionnel», ajoute Benatik. Le chef du parti travailliste considère que chaque institution aura des prérogatives claires, y compris la monarchie. Il s'agit pour lui d'une distribution claire des pouvoirs. L'avis de Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD ne diffère guère de celui de son précédent. Le chef du parti islamiste est allé même jusqu'à déclarer à certains organes de presse que les grandes lignes de la mouture de la nouvelle Constitution dépassent largement les revendications de la rue. Contacté par le journal Al Bayane, Benkirane déclare que les grands axes de ce projet ont tenu compte des propositions émises par les différents acteurs et partis politiques. Pour lui, cela constitue un pas en avant. Cependant, le chef du parti islamiste affiche quelques réserves relatives aux prérogatives du chef du gouvernement, notamment en matière de dissolution du parlement. «Cela relève de l'illogique», martèle-t-il. Pour le numéro un du PDJ, «le tryptique : souveraineté, arbitrage et Imamat devrait relever du domaine réservé royal». Côté identité marocaine, Benkirane souligne : «Nous saluons la constitutionnalisation de l'amazighité en tant que langue officielle, mais les grandes lignes n'en disent rien sur le renforcement de la langue arabe». Par ailleurs, Abdellatif Ouâmmou, membre du Bureau politique du PPS, note que les prémisses du nouveau projet encore en gestation poussent à l'optimisme. Et de souligner que «l'important est d'élaborer un document dont l'objectif est de renforcer les structures de l'Etat et consolider le principe de la souveraineté populaire à travers les urnes». Dans le même ordre d'idées, le membre du BP du PPS met l'accent sur la distinction entre réformes constitutionnelles et réformes politiques. Autrement dit, les réformes politiques exigent un encadrement des citoyens et la consécration de la culture de la citoyenneté. «Une condition sine qua non pour la concrétisation des réformes constitutionnelles», affirme notre interlocuteur. Rappelons que depuis le discours du 9mars, tous les débats ont été focalisés sur une seule question : celle de la monarchie parlementaire. Abderrahmane Benyahya, professeur du droit constitutionnel à la faculté de droit de Casablanca, considère que la concrétisation d'un tel concept dépend du degré d'indépendance du pouvoir réglementaire exercé par le Premier ministre. Ainsi, il précise «si le futur chef du gouvernement arrive à exercer ses fonctions sans qu'il soit soumis aux prérogatives du Conseil des ministres, on peut parler là-dessus d'un grand pas en avant vers une monarchie parlementaire au lieu d'une monarchie exécutive… une révolution constitutionnelle».