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Nabil Ben Abdellah : Consacrer l'unité politique du parti autour d'une orientation avant-gardiste
Publié dans Albayane le 28 - 05 - 2010

Nabil Ben Abdellah, membre du Bureau politique du PPS, dans l'entretien qui suit, aborde les principales questions, notamment politique, qui seront analysées au 8e Congrès. Propos.
Question : Le Maroc vit depuis 1998 une nouvelle période politique amorcée par l'expérience d'alternance consensuelle. C'est pour quand la fin de la transition démocratique et l'entrée à l'ère de normalité démocratique ?
Nabil Ben Abdellah : Nous considérons au sein du Parti du progrès et du socialisme (PPS), que le Maroc est dans un processus démocratique depuis 1974. Ce même processus démocratique, initié à la faveur de la récupération de ses territoires du sud alors sous occupation, a permis de consacrer un certain nombre d'acquis démocratiques qui ont, à leur tour, permis au début des années 90 et après la constitution de la Koutla démocratique, d'initier un certain nombre de réformes, à commencer par les réformes constitutionnelles en 1992 puis en 1996 et a ouvert ainsi la voie à ce que nous appelons au PPS, la solution de compromis historique. Ce compromis historique s'est concrétisé par l'expérience d'alternance consensuelle en 1998. Depuis lors, le processus de réformes s'est accéléré pour la construction d'un Maroc de démocratie, de progrès et de justice sociale.
Le document politique qui sera présenté au 8ème congrès national, permet d'analyser cette période qui débute en 1999 et d'en faire ressortir les points positifs et les points négatifs. De prime à bord, le PPS considère dans ce document, qu'il a fait le bon choix lorsqu'il a ardemment défendu cette option, car elle a permis au Maroc d'évoluer sur plusieurs fronts : démocratique, économique et social. Et en même temps, nous considérons que le Maroc n'est pas pour autant rentré dans une étape de normalité démocratique d'autant plus qu'il demeure un certain nombre de points négatifs, de carences, voire d'échecs.
Le document s'arrête sur ces questions pour signaler qu'à côté de bonds importants réalisés par le Maroc, force est de signaler que sur le plan politique, et notamment depuis les élections de 2007, puis la période 2007-2009, à savoir les élections communales, puis la période qui a suivi les élections de 2009, que cela a fait émerger des interrogations sérieuses sur l'état du politique dans notre pays. Qu'il s'agisse de la dépréciation de l'action politique, des pratiques électorales malsaines qui présentent avec force, d'alliances obscures et contre nature, voire de la volonté de façonner par le haut une nouvelle carte politique.
Sur le plan économique, le document s'arrête, toujours après avoir signalé le formidable développement qu' a connu le pays grâce notamment à un rôle central de l'Etat, un effort énorme d'investissements publics qui a été déployé et à la politique des grands chantiers, ce qui n'empêche pas la persistance d'un certain nombre de carences liées à la nécessité d'instaurer un véritable Etat de droit sur le plan économique, à la nécessité de combattre la persistance de l'économie de rente, à la nécessité de coordonner et d'homogénéiser les différentes stratégies sectorielles de développement et enfin à la nécessité d'améliorer la gouvernance sur le plan économique, notamment en combattant l'impact néfaste de la corruption et en renforçant la transparence et en consacrant l'indépendance de la justice et sa célérité, ainsi que l'efficience de notre appareil administratif.
Sur le plan social, bien que désormais l'aspect social et humain est consacré comme axe et objectif du développement, il y a lieu de s'interroger sur l'échec de notre système éducatif, sur le rôle et la place de l'école publique, en tant qu'espace devant consacrer l'égalité des chances, sur la situation de la santé, sur la persistance d'indice de développement humain qui n'est pas encore au niveau de notre aspiration et sur, malgré l'amélioration globale du niveau de vie, la persistance de disparités sociales et spatiales extrêmement graves. Enfin, sur le plan culturel, malgré les avancées réalisées sur la question de l'amazighité et les efforts déployés au niveau des divers champs culturels, la question culturelle demeure lancinante et pose des interrogations sérieuses, quant au substrat et aux valeurs qui traversent la société marocaine et qui doivent constituer le socle de tout projet développementaliste.
Question : Doit-on comprendre de votre réponse que la solution de compromis historique ou d'alternance consensuelle est reportée jusqu'à nouvel ordre, c'est à dire jusqu'à la conjonction de conditions favorables à une normalité démocratique?
Nabil Ben Abdellah : Pas du tout. Notre position est beaucoup plus nuancée et profonde. Il s'agit pour nous, comme d'ailleurs le consacre le rapport du cinquantenaire, de consacrer l'idée selon laquelle le pays a besoin, à travers ses acteurs politiques, de se mettre d'accord sur un certain nombre d'objectifs majeurs qui consacrent la démocratie et le respect des droits de l'Homme, qui assure au pays un rythme de développement économique, rapide et soutenu, qui garantit une répartition équitable des fruits de la croissance pour une meilleure justice sociale et qui améliore le niveau culturel global de notre société, à travers notamment la capacité pour notre pays de disposer d'un système éducatif performant et de gérer au mieux ses ressources humaines dans le cadre d'une appropriation des éléments constitutifs de l'économie du savoir et de la connaissance. Pour ce faire, un consensus sur ces objectifs est nécessaire. Et ce consensus au sein duquel, l'institution monarchique continue de jouer un rôle d'initiation, d'orientation, de régulation, d'arbitrage ; tout en garantissant la libre concurrence entre les divers acteurs politiques, ce consensus n'empêche absolument pas que les partis politiques puissent présenter et se soumettre aux choix populaires et au verdict des urnes, à condition, il va de soi, que les processus électoraux soient assainis de toute pratique malsaine, que ces partis politiques se soumettent au verdict des urnes, et qu'une majorité se dégage dans le cadre d'alliances naturelles et objectives pour gérer la chose publique dans le cadre d'un système démocratique où l'opposition également joue son rôle de critique et de proposition.
C'est ce que nous avions appelé, en 2007, un nouveau contrat politique, c'est ce que nous appelons aujourd'hui, une nouvelle génération de réformes pour le Maroc de la démocratie, pour éviter toute interprétation selon laquelle il s'agirait de perpétuer une sorte d'accord historique entre la monarchie et certains acteurs politiques. Je le répète, la monarchie est au dessus de nous, à partir du moment où de grands consensus sont opérés sur les choix du développement.
C'est à travers ce biais là, que nous pourrons alors parler de la possibilité de l'entrée dans la normalité démocratique.
Il va de soi, que cela ne passe pas nécessairement par le fait de se mettre autour d'une table et de signer un quelconque document consacrant une sorte de contrat politique, il s'agit pour nous beaucoup plus qu'une sorte de contrat social d'engagement des principaux acteurs politiques de la nation.
Question : Si on se projette à l'avenir, peut on dire par exemple qu'on pourrait accéder à cette normalité après les élections de 2012 ?
Nabil Ben Abdellah : Cela nécessite d'après le PPS, d'initier cette nouvelle génération de réformes sur le champ constitutionnel et politique, sur le champ économique et social et sur le champ culturel.
Question : Quelles sont alors les principales nouvelles réformes que vous prônez ?
Nabil Ben Abdellah : Ces principales réformes portent, au niveau constitutionnel, sur la nécessité d'une meilleure définition des pouvoirs et prérogatives des principales institutions, notamment à travers le renforcement des prérogatives du gouvernement et du premier ministre, ainsi que celle de contrôle exercé par l'institution législative, ce qui passe par un meilleur agencement des deux chambres du parlement et également, à travers la consécration des rôles du Conseil supérieur de la magistrature de manière à assurer une meilleure indépendance de la justice. Cela passe également par la consécration du caractère universel des droits de l'Homme et de la suprématie des conventions internationales en la matière. Ce qui nécessite la mise à niveau de notre législation nationale en la matière, d'ailleurs cela va dans le sens, des recommandations de l'IER (Instance équité et réconciliation), et enfin, cette réforme constitutionnelle pourrait porter sur la constitutionnalisation de la culture et de la langue amazighes en tant que composantes essentielles de notre culture nationale.
Sur le plan politique, et pour lutter efficacement contre la dépréciation actuelle de l'action politique, nous estimons qu'il y a lieu de revoir profondément notre code électoral de manière à permettre un rôle accru des partis politiques et de leurs compétences, et de revoir aussi la loi sur les partis politiques en trouvant des solutions adéquates à cette pratique qui mine le champ politique, à savoir celle de la transhumance.
Question : Concrètement, quelles sont vos propositions de révision du code électoral ?
Nabil Ben Abdellah : Nous avons des propositions précises qui pourraient tenir compte des propositions des différentes forces politiques, et également de la nature de notre société, à travers l'instauration d'un mode de scrutin intelligent qui consacrerait le panachage entre un système de liste et un système uninominal. Bien sûr, il y a lieu de tenir compte des positions d'autres forces politiques. Nous devons ensemble avoir pour objectif de réhabiliter l'action politique et partisane.
Question : Et qu'en est il pour les autres réformes ?
Nabil Ben Abdellah : Sur le plan économique, nous considérons qu'il y a lieu de consacrer le rôle de l'Etat en tant qu'acteur majeur de développement, et de renforcer encore plus le rôle de l'investissement public, à travers une stratégie de développement économique globale qui se base sur des stratégies sectorielles homogènes et complémentaires.
Et nous considérons enfin, qu'il y a lieu de consacrer l'Etat de droit économique, à travers la lutte contre l'économie de rente, la consécration de la transparence et de la libre concurrence dans le respect de la loi, l'amélioration de la gouvernance, ce qui passe nécessairement par une lutte accrue contre la corruption et l'amélioration du rôle de la justice et de l'administration marocaine.
Enfin, il y a lieu également de passer à un stade encore plus important de la politique des grands chantiers, et d'accompagner cette politique par des grands chantiers communautaires qui pourraient contribuer à combattre les disparités régionales et spatiales, notamment dans les zones montagneuses et déshéritées.
Sur le plan social, ces réformes auraient pour but de consacrer le développement humain, de lutter contre toutes les formes d'inégalités sociales, de permettre une répartition équitable des fruits de la croissance en vue d'une meilleure justice sociale, ce qui passe à notre avis, par un système éducatif réformé et performant dans lequel l'école publique joue un rôle central, un système de santé qui permette aux couches les plus défavorisées d'avoir accès aux soins et à la couverture sociale. Cela passe également par l'amélioration de l'Initiative nationale pour le développement humain, de manière à mettre à niveau le monde rural et à réhabiliter les périphéries des villes. Il s'agit, enfin, de lutter efficacement contre les disparités régionales et sociales.
Sur le plan culturel, il s'agit d'initier une politique culturelle audacieuse qui contribue à élever le niveau général de conscience et de culture de notre société et de ses différentes couches sociales.
Question : Le PPS contribue depuis 1998 à la gestion des affaires publiques. Brièvement quelle a été sa valeur ajoutée et que diriez-vous demain à certains et certaines congressistes qui jugent de manière négative cette participation et qui, éventuellement, appelleraient à un retrait du gouvernement ?
Nabil Ben Abdellah : Nous leur dirons d'abord que le PPS a contribué de manière importante à ce que cette période d'alternance consensuelle soit initiée, dans la mesure où il était précurseur au sein des forces démocratiques et progressistes pour prôner cette voie. Nous leur dirons ensuite, que nous n'avons pas à rougir, loin de là, de la contribution de notre parti au gouvernement depuis 1998, qu'il s'agit de l'éducation nationale, de la recherche scientifique, de l'agriculture, de la question de la femme et du développement social, notamment pour ce qui est de certaines couches déshéritées ou personnes à besoins spécifiques. Qu'il s'agisse aussi du domaine de la communication et des médias, car à tous ces niveaux, nous avons pu engranger des acquis indéniables dans le cadre d'une orientation gouvernementale globale au sein de laquelle notre participation s'est caractérisée par une capacité propositionnelle importante et un rôle non moins important, dans la stabilisation des alliances et des équilibres gouvernementaux, ainsi que l'expression permanente de la sensibilité démocratique et sociale qui caractérise le PPS.
Question : Entre les 7ème et 8ème congrès nationaux du parti, quelles ont été, selon vous, les grandes réalisations et les grandes insuffisances ?
Nabil Ben Abdellah : Si nous devons juger brièvement, nous dirons que le PPS a réussi, malgré tout, à disposer d'une force électorale appréciable, à améliorer son réseau au sein de la société. Il est devenu une force visible ce qui n'empêche pas l'existence des carences majeures qui font que nos performances électorales demeurent en dessous de nos espérances et de notre potentiel. Nos structures organisationnelles ont besoin d'améliorer leurs performances, d'être plus ouvertes, plus démocratiques, plus en phase avec l'air du temps. Nos organisations parallèles ont besoin de donner une impulsion plus importante à leurs actions. Enfin, il y a encore beaucoup de grains à moudre par rapport à l'amélioration de nos modes d'action.
J'espère sincèrement que le 8ème congrès du parti, uni autour d'une orientation politique qui fait l'unanimité, pourra contribuer à y arriver.
Question : Un journaliste s'est interrogé cette semaine si le PPS au terme de son 8ème congrès, allait avoir un souffle nouveau ou uniquement changer de secrétaire général ? Que lui répondriez-vous ?
Nabil Ben Abdellah : Je ne crois pas que l'objectif principal du congrès soit celui d'élire un nouveau secrétaire général. Son objectif principal, c'est de consacrer l'unité politique du parti autour d'une orientation avant-gardiste, autour d'une analyse politique audacieuse et autour de ce qui a toujours caractérisé le PPS, à savoir sa capacité propositionnelle et son rôle conceptuel pour l'avenir de notre pays. Le congrès aura également pour tâche, de se doter d'une direction collective, comité central, Bureau Politique et Secrétaire général, qui soit capable de mettre en œuvre cette vision. C'est cela l'objectif principal du congrès et je pense que la majorité écrasante, voire l'unanimité des congressistes, saura s'y consacrer.
Question : Concernant l'élection du futur secrétaire général du parti, est-ce que vous serez pour un consensus sur une personne donnée ou êtes-vous favorable à ouvrir la voie à la compétition entre les divers candidats postulants comme c'était le cas pour de nombreux partis ?
Nabil Ben Abdellah : Si le consensus est possible, tant mieux. Le Bureau politique s'y attelle, mais s'il n y arrive pas, la libre compétition n'est pas de nature, à mon avis, à apporter atteinte en dernier ressort, à l'unité du parti.
Le Parti du progrès et du socialisme, saura choisir les personnes, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, qui constitueront la direction collective du parti et au sein de cette direction collective, ils sauront porter au secrétariat général, le profil idoine pour coordonner, impulser, améliorer et renforcer l'action collective, politique et organisationnelle du parti.


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