Quatre mois après la légalisation de l'Interruption volontaire de grossesse (IVG) en Espagne, les militants anti-avortement, souvent issus des milieux catholiques, ne désarment pas et réclament des aides publiques pour «aider les femmes à ne pas avorter». Il y a deux semaines, les participants d'un rassemblement international de professionnels de l'avortement ont essuyé «toutes sortes de vexations et d'insultes» de la part de groupes «pro-vie», rapporte une source médicale. Les 600 participants à ce congrès de la Fédération internationale des professionnels de l'avortement et de la contraception (Fiapac) ont été accueillis aux cris de «assassins» et «putains» et la police a dû les protéger, selon l'Association espagnole des cliniques pratiquant l'IVG (Acai). Une loi, approuvée par le Parlement espagnol en février et en vigueur depuis juillet, a établi pour la première fois en Espagne la notion d'IVG alors qu'avant l'avortement n'était autorisé qu'en cas de viol, malformation ou danger pour la mère. Avec cette nouvelle loi élaborée par le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, qui se veut à la pointe en matière de défense des droits de la femme, les femmes peuvent avorter librement jusqu'à 14 semaines de grossesse et jusqu'à 22 semaines en cas de «risque pour la santé» de la mère et/ou «de graves anomalies du foetus». L'ancienne loi ne dépénalisait l'avortement qu'en cas de viol (jusqu'à 12 semaines de grossesse), de malformations du foetus (22 semaines) ou de «danger pour la santé physique ou psychique de la mère» (sans limitation de temps). Les conservateurs du Parti populaire (PP), principale force d'opposition, et l'Eglise catholique se sont vigoureusement opposés à la nouvelle loi qualifiée «d'insensée» par le Vatican. Elle a été à nouveau implicitement critiquée dimanche par le pape Benoît XVI lors de sa visite à Barcelone (nord-est). Après des manifestations hostiles en 2009 durant la préparation du texte, l'activisme contre la nouvelle législation ne faiblit pas dans ce pays qui se dit catholique à 73%. «Les aides dont peuvent bénéficier les femmes quand elles ont une grossesse non souhaitée n'ont pas été mises en avant», dénonce Esperanza Puente, porte-parole de Fondation Red Madre (Réseau Mère) qui vient en aide à ces femmes. «Si l'Etat dépense de l'argent dans les avortements, pourquoi ne le fait-il pas pour aider les femmes à ne pas avorter», critique-t-elle, s'indignant que «les services sociaux n'aident pas la femme enceinte et l'envoient avorter». La nouvelle loi, qui pose pourtant des bases légales claires à l'IVG, n'a pas mis les professionnels de santé à l'abri des pressions. Quelques jours avant la venue du pape, l'assemblée des évêques espagnols a dénoncé le «grand nombre» d'avortements à la suite d'un diagnostic de trisomie. «Nous savons que le nombre de ces personnes (trisomiques) a diminué en particulier parce qu'un grand nombre d'entre elles sont éliminées avant la naissance», a déclaré le porte-parole de la Conférence épiscopale. A Madrid, où l'autorité régionale est dirigée par les conservateurs du PP, la commission spécialisée qui examine les avortements exceptionnels hors délai pour malformation très grave du foetus, «a rejeté» systématiquement les demandes depuis juillet, selon la porte-parole du clinique privée Isadora, spécialiste des IVG. Celle-ci ajoute craindre un retour en arrière, à l'époque où les Espagnoles «devaient aller en France, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis» pour avorter.