Ecrivain syro-libanais, Adonis est considéré comme le plus grand poète arabe. Autodidacte et iconoclaste, son œuvre révèle plusieurs thèmes : injustice, dictature, guerre, misère, etc Adonis est le pseudonyme d'Ali Ahmed Saïd Esber, un poète et critique littéraire syro-libanais d'expression arabe et française né le 1er janvier 1930. Son pseudonyme se réfère au dieu d'origine phénicienne, symbole du renouveau cyclique. Ali Ahmad Saïd naît à Qassabine près de Lattaquié au nord de la Syrie le 1er janvier 1930. Il commence jeune à travailler dans les champs, mais son père l'incite aussi à apprendre la poésie. En 1947, contre l'avis de ses parents, il se rend à la ville voisine où il trouve le président syrien Choukri al-Kouwatli. Saïd, alors âgé de douze ans seulement, veut se joindre à l'assemblée des poètes locaux pour honorer le président, mais on l'écarte. En insistant il capte l'attention de ce dernier, qui demande à l'entendre. Il proclame sa prose et subjugue toute la foule. Le président décide alors de lui payer sa bourse. Il part à l'école, au lycée français de Tartous en 1942, puis à Lattaquié où il obtient son baccalauréat en 1949. C'est également à cette époque qu'il prend le pseudonyme d'Adonis lors de la publication de quelques poèmes. Il entre ensuite à l'université syrienne de Damas qu'il quitte en 1954 avec une licence de philosophie. En 1955, il est emprisonné six mois pour appartenance au Parti nationaliste syrien, qui préconise une grande nation syrienne au Moyen-Orient. Après sa libération en 1956, il s'enfuit pour Beyrouth au Liban où il fonde avec le poète syro-libanais Youssouf al-Khal dans les années 1960, la revue Chi'r (ou Chiir qui signifie «Poésie») : le manifeste d'une libération inconditionnelle de la tradition et d'un élan vers l'internationalisation de la poésie. Il obtient la nationalité libanaise en 1962. Adonis se consacre aussi plus principalement à ses activités littéraires qu'à ses activités politiques. En 1968, il fonde la revue Mawâkif («Positions») – aussitôt interdite dans le monde arabe – qui s'avère un espace de liberté en même temps qu'un laboratoire de rénovation « destructurante » de la poésie. C'est là qu'il traduit en arabe Baudelaire, Henri Michaux, Saint-John Perse et en français Aboul Ala El-Maari. Adonis cherche le renouvellement de la poésie arabe contemporaine en s'appuyant sur son passé glorieux mais aussi en regardant la richesse de la poésie occidentale. Suite à la guerre civile libanaise, il fuit le Liban en 1980 pour se réfugier à Paris à partir de 1985. Il est le représentant de la Ligue arabe à l'UNESCO. Il est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands poètes arabes vivants. Il est un autodidacte influent, voire iconoclaste, quant à la réévaluation critique de la tradition poétique arabe vis-à-vis des pressions intellectuelles, politiques et religieuses du monde arabe actuel, l'exemple le plus frappant étant La Prière et l'Epée. Son œuvre révèle plusieurs thèmes : injustice, dictature, guerre, misère... Il se saisit des évènements contemporains pour en faire des mythes, sans pourtant devenir un «poète engagé». Le Temps des villes démontre une connaissance exacerbée des grandes métropoles du monde arabe moderne. Il a pris position dans Al-Hayat contre le port du voile. Ce grand poète qui ébranle le monde arabe Les essais d'Adonis sont loin de rencontrer le même consensus dans le monde arabe que sa poésie. Et pour cause. Ce géant des lettres – il est régulièrement cité pour le prix Nobel – porte depuis longtemps un regard critique sur la place de la religion dans les sociétés de la région. Sa dernière charge en date, Al-Kitab, Al-Khitab wal Hijab («Le livre, le discours et le voile»), paru il y a plus d'un an et demi, n'en finit pas de susciter la controverse dans la presse du Moyen-Orient. À 80 ans, Adonis dénonce ce qu'il considère comme une « culture de l'esquive», dans laquelle religieux, philosophes, politiques, artistes et scientifiques évitent systématiquement d'aborder les sujets épineux, de peur d'être accusés d'apostasie. « L'homme ne peut réfléchir, interroger ou écrire que dans les limites autorisées, c'est-à-dire une infime partie de la réalité du monde», écrit le poète syro-libanais. Il s'attaque aussi à la «tolérance» telle qu'elle est prônée dans les rencontres interreligieuses et autres dialogues interculturels institutionnalisés, en lui opposant la notion d'égalité. Car l'idée de tolérance, soutient Adonis, sous-entend qu'il existe un «juste» et un «fautif», et que le premier pardonne l'erreur du second, que le plus puissant «tolère» le plus faible, établissant une inégalité contraire au principe démocratique. «Il est étonnant, trois siècles après Voltaire, que nous ayons besoin de réaffirmer le sens de la tolérance», constate l'écrivain jordanien Mohamed Barhouma dans le quotidien arabophone de Londres Al-Hayat. Mais si cette thèse d'Adonis suscite l'intérêt de Barhouma, elle irrite nombre de commentateurs, qui jugent le livre trop imprégné d'idées occidentales. Certains s'insurgent, à l'instar d'une journaliste libanaise d'Al-Akhbar, réputée proche du Hezbollah, contre les «attaques constantes [d'Adonis] visant la culture musulmane». D'autres reprochent surtout à l'écrivain de débarquer dans un vieux débat. «Adonis nous rappelle ce que l'on sait déjà sur le problème de la pensée arabe contemporaine dominée par la religion», écrit Hassan Ajami dans le quotidien libanais Al-Mustaqbal, estimant que «le rôle d'un poète innovant est d'apporter du nouveau, c'est-à-dire ce que l'on n'a pas entendu avant».