Malgré les dénégations de l'exécutif français L'exécutif peinait mercredi à convaincre de l'absence de crise politique malgré le profond malaise dans la majorité macroniste, la démission d'un ministre et les divisions générées par l'adoption d'une loi controversée sur l'immigration avec les voix du Rassemblement national. « Il n'y a pas de crise dans la majorité », a assuré Elisabeth Borne sur France Inter au lendemain de l'adoption du texte, soutenu à la dernière minute par l'extrême droite et dont une partie de la majorité s'est détournée. Mais à l'issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a confirmé que ce texte, finalement adopté après 18 mois de revirements et rebondissements, avait eu une conséquence politique majeure: la démission du ministre de la Santé Aurélien Rousseau. « Il n'y a pas de mouvement de fronde ministérielle », a néanmoins assuré Olivier Véran après plusieurs heures de flou sur la situation du ministre, ancien directeur de cabinet d'Elisabeth Borne. « Un non-sujet », avait même jugé la cheffe du gouvernement en début de matinée. La veille, au vu du texte très nettement marqué à droite et alors que Marine Le Pen annonçait que son groupe RN le voterait, plusieurs ministres avaient pourtant mis leur démission dans la balance. L'adoption s'est finalement faite dans la douleur, des dizaines de voix de la majorité manquant à l'appel, tandis que celles de LR, premier interlocuteur du gouvernement lors des dernières tractations, compensaient ces pertes. L'attitude des ministres marqués à gauche, comme Clément Beaune, était particulièrement scrutée. Le ministre des Transports s'est fait interpeller par la gauche dénonçant une « trahison » lors d'une séance du Conseil régional d'Ile-de-France. Il a simplement indiqué qu'il aurait « l'occasion de parler ». La ministre de la Culture Rima Abdul Malak a pour sa part assuré qu'elle n'avait « pas envisagé de démissionner du gouvernement ». Le revirement de dernière minute du Rassemblement national, opposé au texte jusqu'à mardi après-midi mais y revendiquant une « victoire idéologique » sur une de ses antiennes historiques, la préférence nationale, a été qualifié de « véritable escroquerie intellectuelle » par Olivier Véran. Devant ses ministres, Emmanuel Macron a déclaré, selon un participant, qu'il y a dans le texte « des choses que je n'aime pas mais qui ne sont pas contre nos valeurs ». « Il n'y a pas de mesures de préférence nationale » dans le texte, ont martelé Elisabeth Borne et Olivier Véran. Face aux critiques virulentes de la gauche, des associations et d'une partie de sa majorité, Emmanuel Macron doit s'exprimer mercredi soir dans l'émission « C à vous » sur France5. Dans l'immédiat, il a saisi, conformément à son engagement avant l'adoption de la loi, le Conseil constitutionnel pour qu'il puisse « statuer sur la conformité de tout ou partie de cette loi ». Conformité que la Première ministre a elle-même reconnu fragile. Le texte « sera amené à évoluer », a-t-elle expliqué, n'excluant pas de « revenir » sur certaines dispositions comme les aides personnalisées au logement, qui ont cristallisé les derniers débats. « Le travail qu'ils n'ont pas fait eux-mêmes, ils demandent au Conseil constitutionnel de le faire. Je n'ai jamais vu ça (…) Le Conseil constitutionnel n'est pas la lessiveuse des consciences », a réagi le patron du PS Olivier Faure. Mme Borne a aussi assuré que l'Aide médicale d'Etat (AME) pour les étrangers sans papiers ne serait « pas supprimée », après s'être engagée pourtant auprès de la droite à la réformer début 2024. Des déclarations qui jettent un doute sur la détermination du chef de l'Etat à appliquer le texte voté mardi, estime le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, à la manoeuvre depuis plusieurs semaines pour faire pencher le texte à droite. Plusieurs figures de la majorité ne cachaient pas mercredi matin leur gêne, accentuée par le ralliement de Marine Le Pen à ce texte qui a pour but de faciliter les expulsions de migrants illégaux et rendre moins attractif pour les étrangers le système de protection sociale français. Le président de la commission des Lois Sacha Houlié, qui a voté contre le texte, a dit sur RTL avoir « un peu la gueule de bois ». « Il est absolument nécessaire de remettre d'aplomb la majorité, ses idées, et le gouvernement », a jugé sur France 2 le patron du MoDem François Bayrou, allié historique d'Emmanuel Macron. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a admis qu'elle « n'aurait pas rédigé 100% du texte » et que « la majorité vivait un moment plutôt douloureux ». « J'ai pensé voter contre car le texte (…) ouvre une porte à la préférence nationale et comporte des dispositions inacceptables qui vont ajouter de la misère à la misère en discriminant les immigrés. Au final j'ai voté ce texte par solidarité avec un gouvernement et un Président en difficulté », a expliqué sur X le député de l'aile gauche de Renaissance Benoît Bordat. Des départements dirigés par la gauche, comme la Seine-Saint-Denis, le Lot, le Lot-et-Garonne et la Gironde, ont annoncé qu'ils n'appliqueraient pas le durcissement des conditions de versement aux étrangers de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).