Une convention avec les Archives du Maroc Le Collectif international de soutien aux familles d'origine marocaines expulsées d'Algérie (CiMEA75), qui regroupe surtout leurs descendants qui refusent d'oublier, a organisé, lundi à Rabat au siège des « Archives du Maroc » et en collaboration avec d'autres institutions de défense des droits humains un séminaire autour du thème de la « Préservation de la mémoire des Marocains d'Algérie ». Dans une déclaration à la presse, le président de ce collectif Mohammed Cherfaoui a estimé que cette rencontre et la convention avec Les Archives du Maroc marquent le début du processus de préservation de cette mémoire. Selon lui, il faut lutter contre l'amnésie, à travers la collecte et l'archivage des documents disponibles et la poursuite du plaidoyer de cette cause auprès de toutes les parties intéressées au niveau national et international, car il est anormal et impardonnable que rien ne se passe 48 ans après que 45.000 familles d'origine marocaine soient déportées par l'Algérie où elles ont vécu des décennies. En les déchargeant, le matin de la journée de l'Aid Al Adha correspondant au 13 décembre 1975, comme du bétail au poste frontière Zouj Bghal à la périphérie d'Oujda, entre l'Algérie et le Maroc, les autorités militaires algériennes avaient commis une tragédie humaine indescriptible à l'encontre de ces Marocains qui avaient « tout donné à ce pays y compris durant la guerre de libération jusqu'à ce jour », selon le président du CiMEA75. Et ce pour la simple raison qu'ils portaient la nationalité marocaine, a-t-il précisé, avant de qualifier cette réaction haineuse de Houari Boumediene de « Marche noire » par opposition à la Marche Verte, lancée le 6 Novembre 1975 à l'initiative de feu Sa Majesté le Roi Hassan II, épopée qui avait permis au Royaume de récupérer ses provinces du sud. Pour le directeur des Archives du Maroc Jamaa Beida, cette déportation massive est une autre Nekba, qui rappelle à bien des égards celle que les Palestiniens avaient subie en 1948 de la part des sionistes. Ce qui confère à la comparaison pertinente du Pr Beida toute sa justesse, c'est que les opérations de déportation et de déplacement forcé des Marocains d'Algérie et des Palestiniens de Gaza sont fondées sur le même sentiment de haine et de vengeance de l'attaque de Hamas du 7 octobre dernier pour les sionistes d'Israël et de la Marche verte pour la junte de Boumediene. Elles ont servi également et utilisent toujours comme ingrédients pour se justifier aux yeux de leur opinion publique respective des mensonges invraisemblables et des mythes de toute sorte. La seule différence entre les deux déportations, c'est que la guerre sioniste sur Gaza est largement couverte par les médias malgré tous les efforts de désinformation et de camouflage, alors que le drame des Marocains expulsés sans raison aucune d'Algérie n'a jamais bénéficié de l'intérêt requis de la part des médias et des organisations des droits humains, ont souligné tous les intervenants au cours de ce débat. Et pourtant, il s'agit bel et bien d'un problème de droits humains par excellence devant être pris en charge par le Conseil national des droits de l'Homme, ont noté aussi tous les intervenants. Tout ce qu'il faut pour le moment c'est de monter un dossier solide que le CNDH est disposé à défendre a indiqué pour sa part Jamal Belhrach, qui intervenait au nom du Conseil. Depuis leur expulsion en 1975, ces familles marocaines installées de longue date en Algérie, pour la plupart d'entre elles, avaient perdu non seulement tous leurs biens, mais également leur dignité, leur stabilité, leur voisinage, leurs activités et leur savoir vivre. Arrivés au Maroc, nombreux étaient ces Marocains d'Algérie, qui avaient bénéficié du soutien nécessaire, mais nombreux aussi étaient ceux qui avaient trouvé beaucoup de difficultés pour refaire leur vie et recommencer à zéro. Car ils devaient tous recommencer à zéro, alors que nombreux sont les Marocains qui étaient établis en Algérie il y a plus d'un siècle et demi, selon Pr Mimoun Aziza. Selon lui, les Marocains d'Algérie étaient au nombre de 350.000 personnes en 1963 et environ 200.000 en 1984, dix ans après « la Marche noire ». C'était essentiellement des migrants issus des régions du Rif et de l'Oriental, a-t-il dit. En marge de ce séminaire, une convention a été signée entre Les Archives du Maroc et le CiMEA75, aux termes de laquelle le président du Collectif a remis au directeur des Archives du Maroc une boite symbolique des milliers d'archives de toutes sortes sur le drame de déportations des Marocains d'Algérie, presque un demi-siècle après sa survenue pour lutter contre l'amnésie et assurer la préservation de la mémoire. En recevant cette boite symbolique, Pr Beida a promis d'en prendre soin pour faciliter à tous ceux le désirent d'accéder à de telles archives pour dévoiler et établir la vérité et la responsabilité de l'Etat algérien vis-à-vis de cette population, profondément meurtrie par un geste de haine qui n'a pas lieu d'être dans le cadre des relations de bon voisinage entre Etats et peuples. Un tel drame humain est imprescriptible. L'Etat algérien, qui en est l'unique responsable, doit en rendre compte devant les instances internationales compétentes, a expliqué pour sa part le président du CCME (Conseil de la Communauté marocaine à l'étranger), Driss El Yazami. De tels crimes sont imprescriptibles et les Marocains d'Algérie méritent amplement des excuses de la part de l'Etat algérien et pourquoi pas la réparation pour tout ce qu'ils avaient subi, a-t-il ajouté. Après avoir rappelé que le CiMEA75 n'est pas une association de victimes de ce déplacement forcé, mais un collectif de personnes solidaires avec les Marocains d'Algérie, issus essentiellement des générations actuelles de ces familles marocaines, Mohammed Cherfaoui, lui-même fils d'une famille victime a souligné qu'il est incompréhensible et inadmissible pour lui que rien ne se passe en réaction à cet acte odieux, perpétré il y a 48 ans par l'Etat algérien. Mais le pire c'est que le pouvoir algérien refuse de reconnaitre sa responsabilité dans cet acte inhumain, aidé en cela par l'inexistence ou l'existence de documents et d'archives pertinentes non identifiés ou disséminés quelque part. C'est pour ce faire que le Collectif a signé aujourd'hui cette convention avec les Archives du Maroc, a-t-il dit, tout en exhortant tous ceux qui détiennent des documents audiovisuels, écrits, ou autres à les remettre aux Archives du Maroc pour permettre de monter un dossier suffisamment solide pour plaider avec succès cette cause auprès des instances et juridictions internationales compétentes. C'est dans ce cadre que le collectif a déjà remis un mémorandum aux parlementaires marocains tout en les invitant à mettre en place une commission parlementaire d'enquête pour se joindre aux organisations de portage de ce dossier des Marocains d'Algérie, victimes d'une action de déportation qui montre le vrai visage « polpotien » du pouvoir algérien.