Dans la perspective du 11ème congrès du PPS Entretien avec Abdelouahed Souhaïl, membre du BP du PPS Propos recueillis par Najib Amrani et Khalid Darfaf Dans cet entretien, Abdelouahed Souhaïl, membre du Bureau politique du Parti du progrès et du socialisme (PPS), souligne que le XI e Congrès national du Parti sera une occasion pour se livrer à l'exercice d'une autocritique constructive dans le dessin de relever les nouveaux défis qui s'imposent aussi bien à notre pays qu'à l'ensemble des forces politiques. Pour le responsable du PPS : « notre responsabilité en tant militants progressistes est de faire de ce Congrès, qui a pris comme slogan : « L'alternative démocratique et progressiste », une étape orientée un peu plus vers l'avenir, tout en interagissant davantage avec notre environnement», a-t-il martelé. Al Bayane : Quels sont les grands enjeux du 11 e Congrès national du Parti du PPS, qui sera tenu les 11, 12, 13 novembre courant ? Abdelouahed Souhaïl : Il faut dire que le XI e Congrès national du PPS se tient dans une conjoncture particulière aussi bien pour notre pays que pour notre Parti. En termes plus clairs, cette étape organisationnelle si importante dans l'histoire de notre Parti, aura lieu après que notre parti aie pris le la décision et ce pour des considérations parfaitement objectives, de quitter, de son plein gré, le gouvernement de Saad Dine El Otmani bien avant les échéances électorales de 2021. Il faut rappeler que notre Parti, en s'acquittant de son devoir national, a contribué, de par sa position, à la consolidation du processus démocratique, par la mise en place du train de réformes, initiées par feu SM le Roi Hassan II, et poursuivies avec beaucoup de perspicacité par SM le Roi Mohammed VI. Je fais allusion, à titre exemple, à la Constitution 2011 qui est d'ailleurs synonyme d'un progrès considérable aussi bien au niveau de renforcement des institutions que des libertés individuelles et collectives. Sur un autre registre, je dois souligner qu'en dépit des efforts économiques, force est de constater que les attentes des Marocains, devenues de plus en en plus croissantes, sont loin d'être satisfaites par ce gouvernement. Une telle situation interpelle l'Exécutif, à plus d'un titre, sur la concrétisation du nouveau modèle de développement (NMD) qui a été élaboré sur l'instigation du Souverain. Signifiez-vous que l'actuel gouvernement a failli à ses responsabilités ? Ce qu'il faut souligner c'est que ce NMD tarde encore à être mis en œuvre. Evidemment, cela est dû à plusieurs facteurs, qui sont à la fois endogènes qu'exogènes, à commencer par le mode d'action du gouvernement qui laisse à désirer, ou encore la nature de son alliance, sans omettre également la variable de la conjecture internationale qui a compliqué davantage la situation. Partant de tous ces considérations, notre Parti est invité à se livrer à l'exercice d'une autocritique constructive dans le dessin de relever des nouveaux défis qui s'imposent aussi bien à notre pays que l'ensemble des forces politiques. Nous sommes dans un monde en pleine mutation et où les revendications pour le progrès, la justice sociale et économique s'intensifient. Notre responsabilité en tant que militants du Parti du Livre est de faire de ce Congrès, qui a pris comme slogan : « L'alternative démocratique et progressiste », une étape orientée un peu plus vers l'avenir, en interagissant davantage avec notre environnement. Qui est plus, notre Parti est appelé à aborder dans ce Congrès des questions qui se rapportent à son mode de travail, ses rapports avec les masses populaires, son interaction avec la société civile et les différents acteurs du champ politique, économique et culturel de notre pays. Voulez-vous dire des réformes organisationnelles ? Je pense que notre Parti est appelé à s'adapter au Maroc d'aujourd'hui. Un Maroc où la population urbaine est largement majoritaire, le mode de vie des Marocains et leurs besoins ont changé, la problématique agraire se pose dans nouvelles conditions, entre autres, En tant que Parti progressiste, ces problématiques nous incitent à décupler les efforts et travailler davantage mieux, et ce de manière plus profonde. L'objectif escompté est celui d'ancrer davantage notre Parti dans le tissu social pour qu'il soit plus présent dans tout le pays et dans tous les combats, doté d'une gouvernance qui correspond à la réalité tout en s'ingéniant à mettre en place des entités de direction au niveau national, sectoriel que régional. Des entités qui ont la capacité d'accompagner pleinement les changements et les mutations que connait la société. Ce congrès se tient dans un contexte international extrêmement instable et des conditions très difficiles pour l'économie nationale. Que propose le PPS pour gérer cette crise ? Il faut dire que le PPS est un Parti politique de principe, qui a un référentiel idéologique clair et un programme économique, comme c'était toujours le cas d'ailleurs. Notre Parti estime que notre pays devra, plus ou moins, changer de logiciel pour résoudre les problèmes économiques et sociaux du pays. Je pense que le moment est plus que jamais de passer à l'action, en procédant à la concrétisation des propositions et objectifs contenus dans le rapport du NMD, établi conformément à une démarche participative. Malheureusement, on ne voit pas qui pilote ces objectifs. En tout cas, ce n'est pas le gouvernement actuel. Notre Parti qui a été partie prenante de ce projet revendique plus de progrès économique et social et plus de participation populaire. Autrement dit, nous aspirons en tant que Parti ayant un référentiel socialiste, à bâtir une économie, solide, diversifiée, voire innovante qui assoit la souveraineté et l'indépendance de notre économie nationale. Qui plus est, nous aspirons à bâtir une économie ouverte sur nos différents partenaires afin que notre Royaume joue le rôle qui sied à son histoire et sa place géopolitique... Sur ce plan là, les documents qui ont été élaborés par notre Parti abordent les questions économiques avec beaucoup de lucidité et de courage. Le PPS juge que l'Etat a un rôle à remplir dans notre économie nationale, qui n'est pas moins important que celui du secteur privé. L'Etat es aussi appelé à jouer un rôle considérable dans l'établissement des partenariats public-privé, ou encore entre les travailleurs et les détenteurs des capitaux. Je dois également mettre l'accent sur le fait qu'il y a aujourd'hui urgence d'une planification stratégique assortie des objectifs SMART. Pour le moment, il est question de généraliser la couverture sociale, ce qui est d'ailleurs une bonne chose. Cependant, Il est à souligner que cette couverture sociale devrait s'accompagner de l'élargissement de l'infrastructure de la base sanitaire qui doit la supporter afin de pouvoir réussir ce chantier national. Grosso modo, nous avons besoin d'une économie qui sert les intérêts du Maroc d'aujourd'hui et de demain. Qu'est ce vous reprochez exactement à l'Exécutif actuel en matière de gestion économique ? Première constatation, c'est que ce gouvernement contrairement aux autres, est issu dans sa majorité d'une partie de l'ancienne opposition et d'un parti qui a miraculeusement fait partie de toute les combinaisons politiques depuis la fin des années soixante-dix. Donc, la particularité de ce gouvernement c'est qu'il est doté de pouvoirs constitutionnels, mais le paradoxe c'est qu'on constate, depuis son installation, qu'il a failli à ses prérogatives inscrites dans la loi suprême de la nation. En fait, on ne voit pas comment il exerce ses prérogatives aussi bien en matière de prise de décision que d'élaboration des programmes. C'est aussi un gouvernement qui continue à briller par son absence communicationnelle. En fait, une simple analyse du projet de loi des finances nous montre qu'il s'agit d'un document qui contient des mesures de replâtrage, sans grande portée. En plus de cela, la situation socioéconomique s'est aggravée à cause de plusieurs facteurs qui sont exogènes. Je cite dans ce sens l'impact négatif de la pandémie sur notre économique nationale ou encore le conflit guerre russo-ukrainien qui a attisé les prix des matières premières, notamment le pétrole et le gaz ou encore les prix du transport, ce qui a assombri, par conséquent, les perspectives de l'économie mondiale. A cela s'ajoute la sécheresse qui a aggravé davantage la situation de notre économie nationale. Cela interpelle nos politiques sur les réformes qui devraient être entamées il y a des décennies en vue de parer à la crise actuelle. Aujourd'hui, le débat sur le stresse hydrique refait surface, alors que le problème de l'eau est un problème récurrent. Idem pour la question de l'investissement, sachant qu'on a procédé à l'amendement des Codes d'investissement presque tous les cinq ans. Or la question qui se pose avec acuité : pourquoi ces Codes n'ont pas eu les résultats escomptés ? Il est vrai qu'on a réussi à développer certains secteurs, tels l'automobile, l'aéronautique, ou celui du tourisme qui suit son chemin cahin-caha, mais en parallèle qu'est ce qu'on a fait pour développer l'agriculture ? Il faut reconnaitre qu'on a abandonné l'agriculture destinée au marché national tout en favorisant des cultures très consommatrice en eau destinées à l'export. La problématique de l'eau se posait depuis l'ère du feu Hassan II qui a fait des efforts énormes pour mobiliser les ressources en eau. Mais, il faut rappeler qu'à l'époque, c'était une population assez réduite. Aujourd'hui, les besoins augmentent et les moyens manquent. On est face à des problèmes anciens qui étaient prévisibles auparavant. Ces problèmes ont pris de l'ampleur. Il appert, en outre, qu'il n'y ait pas une vision globale chez le gouvernement concernant le pilotage du NMD. Autrement dit, qui a la responsabilité de concrétiser les objectifs contenus dans ce document ? Il s'agit d'une question fondamentale à laquelle il va falloir y répondre en urgence. Je pense que cela fait partie des responsabilités de l'Exécutif qui doit inscrire son action dans le temps long dont le Souverain est le garant. On ne peut pas gouverner un pays avec l'horizon de cinq ans. Ainsi, le gouvernement est appelé à retrousser les manches et assumer ses responsabilités dans le cadre d'une planification stratégique. Evidemment il ne s'agit point d'une planification rigide, d'où la nécessité de tout faire preuve d'habilité et de capacité anticipatrice. Parmi les reproches qui ont été formulé par l'opposition Parlementaire, notamment le Groupe du PPS, à l'égard du gouvernement c'est d'avoir rester prisonnier de la logique des équilibres macro-économiques, tout en négligeant les équilibres sociaux. Qu'en pensez vous ? En principe, il faut ramener chaque problématique dans son cadre. Evidemment, les équilibres macroéconomiques ne sont pas quelque chose de statique. Certes, les équilibres monétaires sont importants parce qu'ils permettent aux pays d'avoir une indépendance par rapport à l'ensemble des instituions financières internationales. Mais, il faut dire que le devoir de l'Etat consiste à créer les richesses, et de veiller à les répartir équitablement pour que l'on puisse parler de l'Etat social, dont sa finalité est d'assoir plus d'équité et plus de justice sociale. Sur le plan fiscal, il faudrait qu'une partie de la société qui dispose des moyens financiers, de contribuer aux efforts consentis par l'Etat en vue d'améliorer la situation des parties les plus vulnérables de la société. Sur le plan des politiques publiques, il faut hiérarchiser les dépenses selon les priorités et ce en donnant l'importance au secteur de l'enseignement, l'investissement social, etc... qui sont les véritables indicateurs de développement. Le père de la pensé économique classique, Adam Smith, a dit « Il n'est de richesse que d'hommes». L'Etat social, c'est également l'amélioration et le renforcement de l'offre sanitaire en faveur des citoyens, la préservation des libertés et le développement de la démocratie dans toutes ses formes, entre autres. Cela étant, l'Etat social est la mise en commun des moyens en faveur de tous les citoyens. Ce serait aberrant de dire que le profit est le principal moteur de développement. Le 11 e Congrès national du Parti du Progrès et du socialisme (PPS) sera tenu sous le mot d'ordre : « L'alternative démocratique et progressiste ». Concrètement, comment se décline cette alternative sur le plan économique ? Le PPS en tant que Parti ayant un référentiel socialiste a toujours défendu l'idée celle du rôle crucial de l'Etat dans le développement économique. Le Parti du Progrès et du Socialisme affirme avec force son adhésion à un développement autocentré afin d'assurer notre souveraineté nationale dans des domaines stratégiques et vitaux. Evidemment, nous ne voulons pas nationaliser l'économie, mais nous défendons le principe d'un Etat qui place le citoyen au cœur de tout processus de développement économique. Nous défendons haut et fort l'idée d'un Etat planificateur et régulateur qui veille sur la transparence du champ économique. Un Etat qui consacre la justice fiscale. Or, comment se fait-il qu'un salarié dont son revenu est imposable à 35% alors de l'autre côté, quelqu'un qui gagne N fois de plus puisse échapper à l'impôt ou bénéficie d'un taux d'imposition nettement bas. La raison recommande la consécration de l'Etat de droit dans le champ économique. Il s'agit d'une condition sine qua non pour aller de l'avant. A cela s'ajoute l'amélioration du climat des affaires concurrence loyale, le renforcement des mesures de la bonne gouvernance et la mise en place des politiques publiques intégrées basée sur la convergence.