Nabil Bousaadi Pour pouvoir remporter les élections de mi-mandat dites « midterms » qui sont, souvent, très compliquées pour le président en exercice et à l'occasion desquelles les démocrates et républicains ont coutume de sortir leur artillerie lourde, Joe Biden tente, tant bien que mal, de courtiser l'électorat de gauche et du centre en axant sa campagne sur l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) désormais interdite dans 16 Etats. C'est ainsi que, ce mardi, à trois semaines de l'échéance, en misant sur l'indignation qui avait été déclenchée, le 24 Juin dernier, par le revirement spectaculaire effectué par la Cour Suprême américaine en matière d'avortement lorsque la plus haute juridiction américaine avait révoqué l'arrêt dit « Roe vs Wade » qui, depuis 1973, accordait aux américaines le droit d'avorter sur l'ensemble du territoire national, alors qu'il avait promis qu'en cas de victoire, il inscrira, dès janvier, le droit à l'avortement dans la loi fédérale, Joe Biden, mésestimant le fait que le mécontentement croissant des américains face à l'inflation hypothèque grandement les chances de succès des démocrates, semble vouloir tout miser sur l'indignation à laquelle avait donné lieu la révocation par la Cour Suprême du fameux arrêt « Roe vs Wade ». Pour en revenir à l'origine de cet arrêt, il faut remonter à l'année 1969 quand une jeune américaine de 22 ans, Norma McCorvey, dont le pseudonyme restera « Jane Roe » pour la postérité, enceinte pour la troisième fois, avait souhaité mettre un terme à sa grossesse. Mais, à cette époque, chaque Etat américain était libre d'interdire ou d'autoriser l'avortement et au Texas, où vivait l'intéressée, l'IVG n'était autorisée que lorsque la vie de la mère était en danger. Deux avocates, Linda Coffee et Sarah Weddington, qui remettaient en cause la législation sur l'avortement au Texas, voleront alors au secours de la jeune femme enceinte et introduiront une procédure juridique contre Henry Wade, le procureur du district de Dallas où vivait leur cliente. En soulevant, dans leur plaidoirie, la question de la constitutionnalité des lois du Texas sur l'IVG, les deux avocates avaient affirmé que cette législation empiète sur le droit au respect de la vie privée qui est protégé par la Constitution. C'est alors qu'avait commencé cette bien longue procédure juridique qui ne prendra fin que le 22 Janvier 1973 lorsque, par 7 voix contre 2, les juges de la Cour Suprême américaine avaient donné raison à Norma McCorvey au motif que «le droit au respect de la vie privée, présent dans le 14ème amendement de la Constitution [...] est suffisamment vaste pour s'appliquer à la décision d'une femme de mettre fin ou non à sa grossesse ». La révocation de cet arrêt par la Cour Suprême américaine en Juin dernier n'étant pas pour plaire à de nombreux américains, Joe Biden qui l'avait immédiatement dénoncé en l'assimilant à « une erreur tragique met(tant) la santé et la vie des femmes en danger » avait appelé ses compatriotes à le soutenir à l'occasion des élections de mi-mandat en défendant le droit à l'avortement car bien qu'une proposition de loi protégeant le droit à l'avortement ait déjà été adoptée par la Chambre des représentants, le texte y afférent « patine » encore dans les travées du Sénat alors que son adoption nécessite une majorité qualifiée de 60% du fait d'un mécanisme procédural appelé « filibuster » censé encourager le compromis entre les deux grands partis américains. Mais, en s'accrochant à la nécessaire « remise en selle » de l'arrêt « Roe vs Wade », le président américain semble faire fausse route dès lors que, selon une enquête publiée cette semaine par l'Institut « Siena » avec le New York Times, l'avortement n'est plus la priorité des américains puisque 26% d'entre eux se disent préoccupés par l'économie et 18% par l'inflation bien loin devant les 5% qui lorgnent encore vers l'IVG. Est-ce à dire que pour retrouver la confiance des américains, le président Joe Biden devra impérativement changer son fusil d'épaule ? C'est à croire mais attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI