Nabil EL BOUSAADI La guerre d'Ukraine a tellement retenu l'attention des chancelleries du monde entier que l'élection présidentielle à laquelle ont été conviés ce dimanche, au Costa Rica, les quelques 3,5 millions d'électeurs de ce petit pays d'Amérique centrale, est passée quasiment inaperçue et s'est déroulée dans le calme puisqu'elle n'a été « perturbée » que par le décès d'un électeur septuagénaire, officiellement victime « d'un infarctus » au moment même où il accomplissait son devoir électoral dans un bureau de vote de la capitale. Ainsi, après le dépouillement de 89% des bulletins de vote, le Tribunal Suprême Electoral (TSE) a annoncé que le candidat conservateur, l'économiste Rodrigo Chavez qui, tout au long de sa campagne électorale, avait promis de combattre la pauvreté, le chômage et les scandales de corruption qui gangrènent le secteur public, a recueilli 52,9% des voix contre 47,1% pour son rival, le candidat centriste et ancien président du Costa Rica de 1994 à 1998, Jose Maria Figueres, qui a, immédiatement, reconnu sa défaite et félicité le vainqueur en lui souhaitant « le meilleur ». De son côté, Rodrigo Chavez, a déclaré avoir reçu « avec la plus profonde humilité cette décision sacrée du peuple costaricien » quand bien même « ce résultat n'est [pour lui] ni une médaille, ni un trophée mais une énorme responsabilité ». Pour rappel, économiste âgé de 60 ans, Rodrigo Chavez, qui avait claqué la porte du ministère des Finances du gouvernement sortant après l'avoir dirigé pendant 6 mois, a suivi une trajectoire fulgurante durant la campagne électorale puisqu'il avait crée la surprise en raflant 16% des voix lors du premier tour, le 6 février dernier, alors même qu'au début de la campagne il n'était crédité que de 5% des intentions de vote. Après avoir séduit les électeurs déçus par les huit années de pouvoir du Parti d'Action, Citoyenne (PAC, Centre gauche) qui, au premier tour du scrutin, n'était parvenu à obtenir aucun des 57 sièges de l'Assemblée, Rodrigo Chavez prendra la tête du tout nouveau Parti Progrès Social Démocratique (PPSD) et grimpera bien vite et bien haut dans les sondages lors de l'entre-deux tours. Se posant comme pourfendeur de la corruption de l'élite politique qu'incarne, à ses yeux, son adversaire Jose Maria Figueres, Rodrigo Chavez met donc fin à quarante années du bipartisme exercé sur le Costa-Rica par les deux formations de Centre-droit que sont le Parti de la Libération Nationale (PLN) et le Parti de l'Unité Sociale-Chrétienne (PUSC). Son rival politique, qui n'est autre que Jose Maria Figueres, puisque le président Carlos Alvarado ne pouvait pas se représenter pour un second mandat consécutif selon les termes de la Constitution, avait déjà présidé aux destinées du Costa Rica entre 1994 et 1998 et s'était volontairement exilé en Europe pour ne point répondre aux convocations de la justice après avoir été visé par une enquête pour « corruption ». Soupçonné d'avoir perçu, en 2004, près de 900.000 dollars de la part de l'entreprise française Alcatel au titre de l'octroi de marchés publics, Jose Maria Figueres n'est retourné au pays qu'en 2011 après que cette affaire ait été prescrite. Mais s'il avait déclaré, lors de son dernier meeting de campagne, que « le 3 Avril va être une véritable révolution dans l'histoire du pays », Rodrigo Chavez, le nouveau chef d'Etat que se sont choisis les costaricains n'a pas les coudées franches puisqu'en ne disposant pas d'une majorité au Parlement, il se verra contraint de nouer des alliances surtout en ce moment où le tourisme, qui est l'un des principaux moteurs de l'économie du pays, a été durement frappé par la pandémie du coronavirus et que le chômage est en très forte progression. Rodrigo Chavez va-t-il parvenir à relancer la machine économique du Costa Rica qui, selon le dernier rapport mondial sur le bonheur, reste, néanmoins, le pays le « plus heureux » d'Amérique latine ? Attendons pour voir...