Jusqu'ici accaparé par ses fonctions de président, Emmanuel Macron accélère sa campagne en présentant son programme jeudi avec l'objectif d'imposer ses thèmes à ses adversaires à trois semaines du premier tour de la présidentielle. Depuis qu'il s'est déclaré début mars, le président-candidat n'a fait qu'une seule rencontre publique avec des Français, le 7 mars à Poissy, alors que ses adversaires multiplient les meetings. Dans une campagne complètement à part, percutée d'abord par la crise du Covid, puis la guerre en Ukraine, le chef de l'Etat donne la priorité à ses efforts diplomatiques. Au point que son camp doit mener « presque une campagne sans candidat », alors que les oppositions l'accusent d'esquiver le débat. A partir de 15H00, Emmanuel Macron, largement en tête dans tous les sondages avec 30% d'intentions de vote, entame son sprint final vers le premier tour lors d'une conférence de presse aux Docks de Paris, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Par un propos liminaire d'une heure, il va exposer une trentaine de mesures phare, avant de répondre aux questions des 320 journalistes accrédités, dont plusieurs dizaines de médias internationaux. Le corps de son programme, soit une centaine de mesures, sera ensuite détaillé dans un fascicule de 24 pages qui sera envoyé par courrier à quelque 6 millions de foyers ce week-end. « Emmanuel Macron aura à coeur de montrer que l'ADN du macronisme est toujours là. Il y aura donc des surprises à la fois sur le ton et sur les mesures », promet un cadre de la majorité. Ces derniers jours, par ses déclarations ou des fuites dans la presse, une vingtaine de propositions ont filtré, comme le report de l'âge du départ en retraite à 65 ans. Le Figaro a révélé mercredi soir celle d'une baisse des droits de succession via notamment une augmentation de l'abattement sur les successions en ligne directe à 150.000 euros contre 100.000 euros actuellement, et un élargissement du régime des héritiers en ligne directe aux enfants des conjoints. Le président-candidat avait dévoilé la semaine dernière d'autres propositions comme l'instauration de 30 minutes de sport quotidiennes à l'école primaire, la suppression de la redevance télé ou la possibilité pour les foyers modestes d'acquérir en leasing une voiture électrique. Jeudi, il devrait également présenter des mesures de lutte contre les déserts médicaux, des initiatives pour la transition écologique mais aussi pour renforcer la souveraineté française et européenne en matière de recherche ou d'industrialisation. Sans oublier des expérimentations pour l'autonomie des établissements scolaires, déjà esquissées à Marseille en février. « Sur l'éducation ce sera un grand chamboule-tout qui va surprendre. Il y a par exemple l'idée que le projet pédagogique ne soit pas le même à Paris et dans les quartiers nord de Marseille », assure un proche. Le président LREM de l'Assemblée nationale Richard Ferrand a aussi affirmé lundi qu'un versement automatique des prestations sociales sur le modèle du prélèvement à la source « sera mis en oeuvre » en cas de deuxième mandat. « L'idée est d'aller vers un versement unique à travers un revenu universel d'activité, accompagné de devoirs », précise un proche, par exemple des heures d'activité ou de formation. Ces propositions posées dans le débat suffiront-elles pour faire taire les critiques des concurrents d'Emmanuel Macron lui reprochant de le fuir ? Après cette conférence de presse, « chacun pourra comparer » avec les idées des autres candidats, a estimé le premier secrétaire du PS Olivier Faure jeudi matin sur Radio J. Florence Portelli, porte-parole de la candidate LR Valérie Pécresse, « n'appelle pas ça un débat: il va faire ce qu'il a l'habitude de faire, c'est-à-dire dérouler un discours », a-t-elle reproché sur franceinfo. Le président LR du Sénat Gérard Larcher avait mis en garde mardi: « s'il n'y a pas de campagne, la question de la légitimité du gagnant se posera ». Le candidat écologiste Yannick Jadot, qui a dévoilé mercredi une proposition choc de réduction de la durée des vacances scolaires et de révision de l'obligation de service des enseignants, a insisté jeudi sur BFMTV et RMC: « si on n'arrive pas à purger par la politique » et le débat « les tensions de la société », celles-ci ne trouveront « pas de débouché politique » et la démocratie sera « en danger ». Emmanuel Macron, vendredi en déplacement de campagne à Pau, devrait ensuite continuer à se faire rare, avec pour l'instant un seul meeting en vue, le 2 avril à Paris. Celui de Nice la semaine prochaine se déroulera sans lui.