Le conflit russo-ukrainien jette une ombre sur le secteur agricole en Amérique du sud qui est dépendant des fertilisants importés de Russie, de Biélorussie et d'Ukraine. Les économies des principaux pays d'Amérique du sud (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), qui sont adossées essentiellement au secteur agricole et à l'élevage de bœuf, craignent une pénurie des fertilisants en provenance d'Europe de l'Est, ce qui aurait des conséquences en cascade sur l'ensemble des circuits économiques de la région et mettrait en péril leur sécurité alimentaire et leurs performances à l'export. Au Brésil, le débat sur une éventuelle pénurie des engrais à cause du conflit en Ukraine a fait irruption dans la précampagne pour les présidentielle d'octobre prochain. Le niveau de crispation face à cette éventualité a atteint un niveau tel que l'ex-président Lula Da Silva a imputé la responsabilité de cette « pénurie » qui se profile à l'horizon au gouvernement actuel du président Jair Bolsonaro et à celui de son prédécesseur, Michel Temer. Le déclencheur de ce début de panique a été une décision du ministère russe du commerce qui avait recommandé, vendredi dernier, aux producteurs russes d'engrais de suspendre temporairement les exportations jusqu'à ce que la situation du marché se normalise. La ministre brésilienne d'Agriculture, Tereza Cristina, a tenté de calmer les esprits en affirmant qu'il était encore « trop tôt pour dire si ce sera le chaos ou non », suite à la suspension des importations de fertilisants des pays concernés par la crise en Europe de l'Est. La presse locale souligne que le géant sud-américain dispose d'un stock d'engrais suffisant pour trois mois uniquement. Des analystes avaient déclaré à Reuters que les exportations agricoles brésiliennes pourraient perdre leur avantage concurrentiel en raison de la hausse des prix de ces fertilisants dont 85% sont importés, notamment de Russie. En Uruguay, une réunion d'urgence de haut niveau a été tenue sous la houlette du président Luis Lacalle Pou, afin d'analyser les retombées de la hausse des prix internationaux des engrais sur le secteur vital de l'agro-export dans la pays. Le ministre d'Agriculture, Fernando Mattos, a affirmé qu'étant donné que la Russie et l'Ukraine sont de gros exportateurs et fabricants de produits agrochimiques et d'engrais, l'Uruguay sera sans doute affecté par le conflit. Selon la même source, l'Uruguay va tenter de maîtriser ses stocks et trouver de nouveaux fournisseurs d'engrais afin de remédier à la crise qui pointe. En 2021, le flux commercial de l'Uruguay avec la Russie a cumulé 100 millions de dollars portant principalement sur des produits d'agriculture et d'élevage. Moins dépendante des engrais russes, l'Argentine importe principalement de l'urée et des phosphates de Russie. Ce pays couvre 7% des besoins en fertilisants d'Argentine, ce qui fait craindre un impact sur la prochaine campagne que les gros producteurs s'apprêtent à lancer en ce début d'automne austral. Selon la Chambre d'agriculture de Rosario, la plus puissante du pays, une éventuelle baisse dans l'utilisation des fertilisants en agriculture se traduirait par un manque à gagner de 3,3 à 4,5 milliards de dollars dans les exportations du maïs et du blé. Au Paraguay, l'Union des professionnels du secteur agricole (UGP) s'est inquiétée des effets que pourrait avoir la hausse des prix des intrants (engrais) sur les performances du secteur agricole. La tendance à la hausse des prix est déjà une réalité dans le pays et l'incertitude a commencé à planer sur la prochaine récolte, a fait savoir le patronat agricole. La même source a fait savoir que le prix de la tonne de fertilisants a grimpé de 600 dollars en 2021 à 1.300 dollars après l'instauration des sanctions contre la Russie.