Bien que l'offensive russe en Ukraine ait plongé la Russie et le monde occidental dans leur plus grave crise depuis la fin de la guerre froide, leurs diplomates sont restés unis à Vienne pour réactiver le « Plan d'action global conjoint » (JCPoA) signé avec l'Iran, en Juillet 2015, par les cinq membres permanent du Conseil de Sécurité et l'Allemagne au titre de l'encadrement du programme nucléaire iranien et à l'issue duquel il avait été convenu que Téhéran limite considérablement ses activités atomiques en échange de la levée d'une partie des sanctions américaines qui asphyxiaient son économie. Mais si, après des mois d'intenses négociations, menées dans le but de faire revenir, dans cet accord, Washington qui l'avait quitté unilatéralement en 2018 et d'obliger Téhéran à respecter les engagements rompus en réaction au rétablissement des sanctions américaines, ce samedi et alors que ces pourparlers étaient sur le point d'aboutir, la Russie a pratiquement « renversé la table », en exigeant des Etats-Unis qu'ils lui fournissent des garanties écrites affirmant que les sanctions occidentales infligées à Moscou au titre de son « offensive » contre l'Ukraine ne vont, en aucune manière, porter atteinte à ses échanges commerciaux, ses investissements et sa coopération militaro-technique avec la république islamique. L'annonce faite par la Russie, qui pourrait « torpiller » des mois de pourparlers indirects intensifs entre Téhéran et Washington, est intervenue peu de temps après que l'Iran ait déclaré « avoir convenu d'une feuille de route de l'organisme de surveillance nucléaire de l'ONU pour résoudre les questions en suspens qui pourraient contribuer à réactiver le pacte nucléaire ». « Les russes ont mis cette demande sur la table, il y a deux jours. Il faut en comprendre qu'en changeant sa position dans les discussions de Vienne, la Russie veut protéger ses intérêts dans d'autres dossiers. Cette décision n'est pas constructive pour les pourparlers de Vienne sur le nucléaire » a déclaré le responsable iranien alors même que du côté américain, on affirme que les sanctions américaines frappant la Russie suite à l'invasion de l'Ukraine ne devraient, en rien, impacter une relance de l'accords de 2015. Ainsi, lors d'une conférence de presse conjointe donnée à Téhéran par Mohamed Eslami, le chef de l'Organisation iranienne de l'Energie Atomique et Rafael Grossi, le chef de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), le responsable iranien a déclaré que Téhéran consent à « fournir à l'AIEA d'ici la fin du mois des documents relatifs aux questions en suspens entre Téhéran et l'AIEA » et qu'il « est important d'avoir cet accord (...) de travailler ensemble, de manière très intensive (car) sans la résolution des questions en suspens, les efforts visant à relancer le JCPoA ne seront peut-être pas possibles ». Pour Rafael Grossi, il est donc difficile d'imaginer que l'accord de Vienne encadrant le programme nucléaire iranien puisse être mis en œuvre si les efforts de l'AIEA pour résoudre les questions en suspens n'aboutissent pas le plus rapidement possible. La principale question restée en suspens a trait aux traces d'uranium découvertes par l'AIEA sur des sites anciens que l'Iran n'avait jamais déclarés ; ce qui indique clairement que l'Iran possède du matériel nucléaire qui n'a jamais été déclaré à l'Organisation internationale et qui requiert, en conséquence, une explication satisfaisante. L'accord de Vienne encadrant le nucléaire iranien va-t-il être réactivé en dépit de la guerre qui oppose la Russie au monde occidental sur la question ukrainienne ? Attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI