Nabil EL BOUSAADI Vingt jours à peine après avoir laissé sa place à Xiomara Castro, l'ancien président du Honduras, Juan Orlando Hernandez, 53 ans, a été rattrapé par son passé puisque la police hondurienne, en coordination avec plusieurs agences américaines dont l'Agence Anti-Drogue (DEA), l'a arrêté, ce mardi, à son domicile, à Tegucigalpa, la capitale, après que la justice américaine qui l'avait accusé de trafic de drogue ait demandé son extradition et emmené, menotté, vers un commissariat spécial des forces de police pour y passer la nuit. Le lendemain matin, l'intéressé fut transféré au siège de la Cour Suprême du Honduras au milieu d'un important déploiement policier soutenu par un hélicoptère et des véhicules blindés pendant que ses partisans qui s'étaient massés devant la Cour Suprême criaient, d'une seule voix, « tu n'es pas seul ! » et que, face à eux, les militants du parti de gauche (désormais, au pouvoir) manifestaient leur joie de voir l'ancien président comparaître devant la justice. Pour rappel, en Mars 2021, et alors même qu'il était encore en exercice, le président Juan Orlando Hernandez avait été cité par un tribunal new-yorkais comme étant un « allié puissant » et un « complice » de son frère Tony Hernandez, condamné, aux Etats-Unis, à la prison à perpétuité pour « trafic de drogue ». Aussi, dès qu'il avait senti le vent tourner, le Parti National, le parti du chef de l'Etat, était prêt à recourir à la fraude pour « remporter » l'élection et avait même, pour cela, durci le ton de sa campagne en taxant de « communiste » la leader du parti de gauche et en vilipendant ses propositions ayant trait à la légalisation de l'avortement et au mariage homosexuel ; des thèmes qu'il est, certes, très difficile de faire passer dans un petit pays catholique éminemment conservateur. Mais, le 28 Novembre dernier, c'est à un autre son de cloche qu'on assisté les honduriens lorsque l'élection de la présidente de gauche Xiomara Castro, est venue mettre un terme à un siècle de domination du Parti National (droite) et du Parti Libéral (Centre-droit) dans un pays gangrené par la corruption, la pauvreté et la violence ; ce qui avait fait, du Honduras, un Etat où le taux d'assassinats politiques par rapport au nombre d'habitants est le plus élevé au monde touchant notamment les militants pour l'environnement et les syndicalistes, celui où 63% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté et, enfin, celui où la violence est non seulement une menace à la stabilité du pays mais, également, une entrave à son développement. Mais, après avoir, dès mercredi, entendu l'ancien président du Honduras, le juge chargé d'examiner les informations transmises par Washington a rejeté la requête en détention domiciliaire présentée par la défense et « ordonné la détention provisoire [de ce dernier] (...) afin de garantir la présence de M. Hernandez » lors de la prochaine audience qui, d'après Melvin Duarte, porte-parole de la Cour Suprême, a été fixée au 16 mars alors que, dans l'attente de la tenue de cette audience, les Etats-Unis devront remettre au juge « les preuves à l'appui de la demande d'extradition (...) et les peines attachées aux charges imputées à M. Hernandez ». D'après un communiqué de l'ambassade des Etats-Unis à Tegucigalpa, l'intéressé qui doit répondre de trois chefs d'accusation – à savoir, « association de malfaiteurs en vue d'importer une substance contrôlée aux Etats-Unis », « utilisation ou port d'armes à feu » et « association de malfaiteurs pour l'utilisation ou le port d'armes à feu (...) dans la poursuite d'un projet d'importation de stupéfiants » aux Etats-Unis» – est accusé, par la justice américaine, d'avoir facilité le passage, par le Honduras, de près de 500 tonnes de cocaïne tout en sachant que cette drogue était destinée aux Etats-Unis et perçu des « millions de dollars » de pots-de-vin de la part de narcotrafiquants pour se mettre en travers de toute enquête, détention ou extradition qui les concernerait. On dit même qu'en 2013, l'année de son élection à la tête du Honduras, Juan Orlando Hernandez aurait reçu un million de dollars de la part du célébrissime trafiquant de drogue mexicain Joaquin Guzman dit « El Chapo ». La nouvelle présidente du Honduras va-t-elle répondre favorablement à la demande d'extradition de son prédécesseur vers les Etats-Unis ? Tout plaide en ce sens mais attendons pour voir...