L'ambiance extrêmement tendue dans laquelle s'est tenue ce lundi, à l'initiative de Washington, la réunion extraordinaire du Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations-Unies sur la question ukrainienne, révèle amplement la complexité de ce dossier car si Washington avait demandé des comptes à Moscou, cette dernière avait fait la sourde-oreille alors que l'Ukraine est restée, de son côté, frustrée face à l'inaction de la communauté internationale. Ayant tout fait pour que cette réunion n'ait pas lieu, la Russie avait demandé un vote de procédure mais le résultat de celui-ci n'a pas permis de faire annuler cette séance. Le droit de véto n'étant pas utilisable dans une telle situation, Moscou n'a donc pas pu le faire jouer et la réunion demandée par Washington a bel et bien eu lieu après que son ordre du jour ait été adopté par 10 voix pour, 2 contre (Chine et Fédération de Russie) et 3 abstentions (Gabon, Inde et Kenya). Ainsi, en rappelant que pour le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, «il n'existe pas d'alternative à la diplomatie et au dialogue pour résoudre [les] questions et perceptions de menaces sécuritaires complexes et de longue date» qui se posent en Ukraine, Rosemary Di Carlo, la Secrétaire Générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a fait part à l'assistance des craintes de l'ONU quant au déploiement des troupes russes près de la frontière avec l'Ukraine. Elle a signalé, par ailleurs, que 100.000 soldats et des armements lourds seraient stationnés le long de la frontière avec l'Ukraine, qu'un grand nombre de militaires auraient été déployées par Moscou en Biélorussie en prévision de manœuvres prévues le long de la frontière avec l'Ukraine, la Pologne et les Etats baltes et, enfin, que l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) qui a placé quelques 8.500 soldats en état d'«alerte maximale», compte en déployer davantage chez ses Etats membres d'Europe orientale. Aussi, en reprochant aux pays occidentaux d'accuser son pays « sans preuves » et aux Etats-Unis de vouloir créer « l'hystérie », l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, a demandé à savoir d'où Washington et ses alliés tiennent-ils les informations leur permettant d'affirmer que plus de 100.000 militaires russes sont déployés aux abords de l'Ukraine et rappelé qu'en 2003, avant l'invasion de l'Irak, la Maison Blanche avait assuré, au monde entier, détenir des preuves quant à la présence d'armes de destruction massives dans ce pays alors qu'une fois sur place, elle n'en avait jamais trouvé aucune. L'ambassadeur russe a, également, accusé ses collègues occidentaux d'avoir été à l'origine de l'exacerbation des tensions entre l'Ukraine et la Russie lorsqu'ils ont ouvertement appuyé le « coup d'Etat » de 2014 ayant permis l'installation, à Kiev, d'un « pouvoir russophobe, raciste et nazi », dénoncé le « lavage des cerveaux » ayant fait que la langue russe « qui est celle d'une grande partie, si ce n'est la majorité des ukrainiens » soit, désormais, interdite dans le pays et signalé que la Russie est contre toute adhésion de l'Ukraine à l'OTAN et contre tout déploiement de troupes étrangères sur le sol ukrainien. A cela, la représentante des Etats-Unis a immédiatement rétorqué que Washington et ses alliés restent « déterminés à réagir » en cas d'invasion de l'Ukraine par la Russie avant de nuancer ses propos en affirmant que «si Moscou s'inquiète de sa sécurité, nous sommes prêts à en discuter» tout en précisant, néanmoins, qu'en cas de refus de la part du Kremlin «le monde saura pertinemment qui est responsable». Volant à la rescousse de Washington, le représentant du Royaume-Uni a tenu à préciser que le déploiement des forces russes dont il est question n'est pas «un exercice de routine» mais «une manœuvre profondément déstabilisatrice» qui constitue « la mobilisation militaire la plus importante en Europe depuis des décennies». Prenant, enfin, la parole au nom des Etats baltes, la Lituanie a rappelé l'appui infaillible de ces derniers à l'indépendance et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine et dénoncé les agissements «agressifs» de la Russie en Ossétie du Sud, en Abkhasie, en Transnistrie et en Crimée. Mais que va donc pouvoir faire la Russie après que l'Ukraine, qui a affirmé qu'elle ne lancera aucune offensive militaire dans le Donbass ou en Crimée, a déclaré qu'elle se réserve, néanmoins, le droit de choisir ses propres arrangements sécuritaires et ses traités d'alliance? Attendons pour voir...