Une première depuis 2011 Le chef de la diplomatie des Emirats arabes unis a rencontré mardi le président syrien Bachar al-Assad lors de la première visite à Damas d'un haut responsable de ce pays depuis le début de la guerre en 2011, un déplacement critiqué par les Etats-Unis. Pays allié des Emirats, les Etats-Unis ont exprimé leur « préoccupation » et déploré tout effort visant à « réhabiliter » M. Assad, accusé d'être « un dictateur brutal », « d'atrocités » et de « priver d'accès à l'aide humanitaire la majeure partie du pays ». Signe d'un réchauffement des relations entre le pouvoir syrien et des Etats arabes du Golfe, le déplacement du ministre émirati signale les efforts régionaux en vue de sortir la Syrie de son isolement après 11 ans de guerre qui ont dévasté son économie. Les Emirats, comme les cinq autres monarchies arabes du Golfe, avaient rompu en février 2012 leurs relations diplomatiques avec la Syrie au moment où la répression sanglante de manifestations prodémocratie se transformait en guerre complexe et dévastatrice. A Damas, M. Assad et le ministre émirati Abdallah ben Zayed Al-Nahyane ont discuté des « relations entre les deux pays frères et des moyens de les développer », selon l'agence syrienne Sana. Le président syrien a salué « les positions objectives des Emirats qui se sont toujours tenus au côté du peuple syrien ». Le ministre émirati a souligné la disposition de son pays à aider à « renforcer la sécurité, la stabilité et l'unité de la Syrie », selon l'agence officielle émiratie WAM. Abou Dhabi a rouvert en décembre 2018 son ambassade à Damas, mais les relations étaient restées froides. La Syrie avait été mise au ban du monde arabe après le début de la guerre et de nombreux pays arabes, dont des monarchies du Golfe, avaient soutenu l'opposition et les rebelles syriens face à M. Assad. Aidées militairement par la Russie, l'Iran et le Hezbollah libanais, les forces de Bachar al-Assad, après de nombreux revers, ont repris à partir de 2015 une large portion du territoire syrien. Au-delà du front diplomatique, le pouvoir syrien cherche à relancer les liens économiques avec les Etats arabes, le pays étant plongé dans une grave crise économique doublée de sanctions occidentales. Sans oublier les destructions colossales et les infrastructures du pays en ruines à cause du conflit qui a fait environ un demi-million de morts et provoqué le déplacement de la moitié de la population. Un rapport de l'ONG World Vision, publié plus tôt cette année, évalue à plus de 1.200 milliards de dollars (un peu plus de 1.000 milliards d'euros) le coût économique du conflit. Les Emirats, riche pays pétrolier, sont le principal partenaire commercial de la Syrie et représentent 14% de son commerce international. Les « Emirats sont la bouée de sauvetage de la Syrie », les sanctions compliquant la reconstruction, estime l'analyste Nicholas Heras. « Damas a besoin des Emirats (…) pour avoir accès à des fonds cruciaux. » Les Emirats ne sont pas les seuls à tendre la main à Damas. En septembre, le roi de Jordanie Abdallah II s'est entretenu par téléphone avec M. Assad pour la première fois depuis 2011. Les deux pays voisins ont depuis rouvert un important passage frontalier. Après Damas, le ministre émirati doit se rendre en Jordanie, selon le journal syrien al-Watan. L'Egypte, où siège la Ligue arabe dont la Syrie a été exclue en 2011, a jugé nécessaire de rétablir à terme les liens avec Damas. « Viendra un jour où la Syrie réintègrera le giron arabe. Mais cela dépendra des politiques qu'adoptera le gouvernement syrien », a affirmé le chef de la diplomatie Sameh Choukri. Ce réchauffement des relations est aussi vu comme une façon de tenter d'éloigner le pouvoir Assad d'une influence exclusive de l'Iran, ce dernier pays ayant renforcé sa présence militaire en Syrie à la faveur de la guerre. Si le régime contrôle la majeure partie du pays, la Syrie reste fragmentée. Les Kurdes contrôlent le Nord-Est, et d'autres zones du Nord sont sous contrôle des jihadistes et des rebelles ou encore des forces turques et de leurs supplétifs syriens. Et le groupe jihadiste Etat islamique continue de perpétrer des attaques meurtrières malgré sa défaite territoriale en 2019.