Hasnaa Elakkani (MAP) Avec l'assouplissement des mesures restrictives de déplacement intervilles et en l'absence de visibilité suffisante quant au voyage à l'étranger, les Marocains continueront sans doute à privilégier les destinations intérieures. Une tendance, observée depuis la levée du confinement, qui est motivée par le souci d'éviter les procédures compliquées et les conditions exigées à l'international, notamment en Europe, mais aussi par une prise de conscience quant à la nécessité de booster le tourisme national et soutenir les professionnels du secteur. «Avec la nouvelle donne géopolitique et le contexte incertain lié à la pandémie, de nombreux Marocains qui avaient l'habitude de partir en Europe vont préférer rester au Maroc et soutenir notre économie dont de nombreux secteurs sont interdépendants», a souligné Hassan Aboutayeb, consultant en tourisme durable dans une interview à la MAP. «Cela va permettre à beaucoup d'entreprises du secteur touristique de sortir la tête de l'eau et ça sera donc un véritable engagement citoyen que de voyager au Maroc», a ajouté M. Aboutayeb. «Nous sommes un peuple connu de par le monde pour son empathie envers les plus vulnérables. La solidarité est l'une des valeurs fondamentales de notre société et nous avons tous remarqué que la crise a renforcé l'entraide», a-t-il fait observer. De son côté, Mohammed Sadik, chercheur-doctorant en tourisme, a relevé que «la levée des restrictions sanitaires aura des retombées positives sur le tourisme national. Le touriste marocain sera amené à choisir le produit marocain afin d'éviter une panoplie de procédures lourdes en matière de voyages selon chaque pays et parfois coûteuses». Il a de même mis l'accent sur les actions menées par le ministère du tourisme et l'Office National Marocain du Tourisme (ONMT) notamment la campagne "Natla9aw Fbladna" qui aura un impact positif sur les acteurs du tourisme national ainsi que sur l'attraction de touristes dont leur destination classique est le Maroc. Offre nationale diversifiée…mais à quel prix ? Pour M. Aboutayeb, plusieurs dynamiques se profilent. Le tourisme sur le littoral marocain va certainement conserver sa place de destination favorite des Marocains. Ainsi, la nouvelle station touristique de Taghazoute à Agadir par exemple va certainement tirer son épingle du jeu de par sa nouveauté et la communication réalisée. «Le segment de clientèle de l'été sera certainement composé de familles, petits groupes d'amis voyageant ensemble. Ils sont généralement issus de la génération Y qui vivent en ville et cherchent des vacances pour renforcer leur contact avec la nature, proposant une offre bien-être, à la fois mentale et physique, et une gastronomie saine», a-t-il estimé. En outre, a-t-il poursuivi, il est fort possible que la tendance qui avait cours l'été dernier s'accentue à savoir que certains Marocains vont privilégier le ressourcement loin des foules à travers des hébergements à taille humaine, des formules locatives dans le monde rural ou sur le littoral où ils peuvent plus facilement pratiquer la distanciation sociale. Dans le même ordre d'idées, il a relevé que les Marocains ont pris le temps de réfléchir à ce qui est important dans leur vie pendant la pandémie et cherchent à vivre de véritables expériences de voyage, par exemple, en participant au développement local des lieux qu'ils visitent. Cependant, «nous sommes encore loin de la normalisation tant attendue car les épargnes des Marocains ne sont pas au même niveau qu'avant la pandémie», a-t-il noté. Quant au rapport qualité/prix, M. Aboutayeb, également fondateur d'un écolodge, a estimé que l'offre s'est beaucoup assouplie afin de pallier la crise et attirer une nouvelle clientèle. «Il me semble que les professionnels de tourisme marocain ont fait autant d'efforts qu'ils le pouvaient», a-t-il dit. Pour M. Sadik, il a relevé que l'offre touristique au Maroc sera importante en conséquence des fermetures récurrentes du territoire national, estimant nécessaire la mise en place d'une stratégie post-covid efficace et un produit adapté aux attentes de la classe moyenne, eu égard aux derniers développements et aux flux touristiques attendus après la décision de reprise des vols. Une bouffée d'oxygène pour les professionnels L'allégement de mesures sanitaires et la prise en considération de certaines facilités pour le déplacement de touristes marocains tels que le pass vaccinal constituent en effet une valeur ajoutée pour les acteurs du tourisme (Hôtellerie, restauration,..), mais surtout un soulagement pour le secteur dans sa globalité afin de se préparer pour un réel redémarrage suivant l'évolution des indicateurs de vaccination, a fait observer M. Sadik. Pour sa part, M. Aboutayeb, a estimé que l'engouement des touristes marocains «ne compensera malheureusement pas les pertes qui s'accumulent depuis 15 mois mais cela permettra de générer un fond de roulement». De plus, à peine 15 à 20% des Marocains qui voyagent séjournent en hébergement marchand, dès lors, la demande est déjà très faible. De plus, la politique du meilleur prix qui est mise en place par la quasi-totalité des opérateurs n'engendre pas de rentabilité, a-t-il précisé. Et de rappeler que «certaines destinations au Maroc comme Marrakech, Fès et Agadir sont plus touchées que d'autres étant donné leur dépendance vis-à-vis du tourisme international». Les préférences des touristes marocains pour cet été vont donc évoluer en fonction des développements de la situation sanitaire dans le Royaume et l'international mais aussi et surtout du degré de satisfaction quant à l'offre touristique qui leur est proposée.