Entretien avec le professeur Ahmed Aziz Bousfiha , expert en immunologie Ouardirhi Abdelaziz Au moment ou le Maroc va démarrer la campagne nationale de vaccination anti Covid-19, plusieurs questions émergent dans la foulée, c'est notamment le cas de l'apparition au Royaume-Uni d'une variante du nouveau coronavirus, présentée comme plus contagieuse que les autres . Les scientifiques sont unanimes pour reconnaitre que la vaccination constitue la meilleure barrière pour freiner la transmission du virus , et que celle – ci permet aussi de l'empêcher de devenir plus dangereux via des mutations. Dans un entretien exclusif à AlBayane , le professeur Ahmed Aziz Bousfiha, expert en immunologie et professeur à la faculté de médecine et de pharmacie à Casablanca , répond a toutes nos questions. Il est vrai que le variant du SARS-CoV-2 se propage à une vitesse élevée, ce dernier a déjà été repéré dans plus d'une cinquantaine de pays. Au Maroc un premier cas de ce variant a été détecté chez un Marocain en provenance d'Irlande le18 Janvier. Les scientifiques nous apprennent que le Covid-19 a subi de nombreuses mutations depuis son apparition en Chine il y a un an. Mais, il faut rappeler que ces mutations sont courantes chez les virus . Si la vaccination de notre population constitue la meilleure barrière pour freiner la transmission du virus, celle – ci permettra aussi de l'empêcher de devenir plus dangereux via des mutations. Dans tous les cas de figure il n'y a pas matière à s'alarmer, ou de s'inquiéter outre mesure, cependant il faut rester prudent, ne pas baisser les bras, respecter les mesures sanitaires et les gestes barrières, un comportement qui restera toujours primordial. Dans un entretien exclusif AlBayane fait le point avec le Professeur Ahmed Aziz Bousfiha, spécialiste en maladies infectieuses et auto-immunes, et professeur à la faculté de médecine et de pharmacie à Casablanca, chef de service des maladies infectieuses à l'Hôpital d'Enfants Abderrahim Harouchi, au CHU Ibn Rochd et Président de l'Association de soutien aux patients atteints de déficits immunitaires primitifs ALBAYANE : Actuellement l'évolution de l'épidémie du covid-19 au Maroc est marquée par une stabilisation du nombre des nouveaux cas de contaminations ? Professeur Ahmed Aziz Bousfiha : Au stade actuel de l'épidémie au Maroc, le plus important paramètre à suivre est le nombre de patients qui sont au niveau des unités de soins intensifs , qui reste inquiétant puisqu'il reste entre 700 et 1.000 patients, et donc on ne donne plus d'importance au nombre total de malades, en matière de confirmation on peut ne pas entreprendre une recherche très active des cas contacts positifs. De tout ça découlé deux notions importantes. Premièrement, il est vrai que le nombre réel a diminué Deuxièmement, le recensement a aussi diminué la recherche active des cas. Mais globalement, il y a une diminution qui n'est pas du qu'à l'épidémie , mais qui est aussi due à la diminution du nombre de tests qui sont réalisés et la recherche active des contacts . Cela ne signifie nullement que ca va continuer, que l'épidémie va se tarir, il faut rester très vigilant, être constamment sur ses gardes, plusieurs expériences dans d'autres pays , avec des niveaux plus bas que les nôtres où il y a eu une rechute très inquiétante. ALBAYANE : Que pouvez-vous nous dire au sujet du nouveau variant du Covid 19, qui a été détectée chez un citoyen arrivé d'Irlande ? C'est un variant, c'est-à-dire un virus qui a plusieurs mutations, et ces mutations atteignent un niveau critique au niveau de la principale protéine Spike, et donc cela peut interférer avec l'immunité, sans grandes conséquences en matière d'ineffectivité ou de gravité, ni même d'échappement au système immunitaire. Les données actuelles concernant cette nouvelle souche au Maroc sont pour moi une occasion pour féliciter le réseau chargé de la détection de ces virus grâce a un séquençage complet du virus et ce réseau démontre qu'il est alerte et a pu réussir ce challenge grâce a toute une stratégie qui commence au niveau des points d'entrées dans notre pays par des tests antigéniques positifs et tout de suite après il faut faire les séquençages pour les personnes positives. Par la suite une vérification des souches et déclaration, donc pour le moment une souche , d'autres qui sont à l'étude , mais ce n'est pas inquiétant . Cette mutation du virus SRASCOV2 est-elle courante ? et a quoi sont dues ces mutations ? Ces mutations sont courantes dans les pays ou elles sont survenues. Vous savez ces souches là sont caractérisées par une contagiosité supérieure , par exemple pour la souche de l'Angleterre c'est plus de 50% a peu près, ca veut dire en pratique qu'une personne malade qui a été en contact avec 100 personnes contamine en principe 10 personnes. Avec cette nouvelle souche, elle contamine 15 personnes parmi les 100 , et donc tout ceci fait que rapidement cette souche deviendra dominante dans les pays ou elle est apparue. Le Maroc entreprend la vaccination de la population dans ce contexte . Est-ce que cette mutation du virus peut affecter l'efficacité du vaccin ? Ces mutations sont dues à des erreurs de copies, en terme scientifique de transcription , c'est-à-dire que quand le virus rentre dans la cellule , dans sa copie d'ARN, il y a des erreurs. Statistiquement il y a des erreurs pour chaque million ou milliard de copies pour certaines mutations, mais c'est le nombre de copies avec la probité d'erreurs qui augmentent ces mutations. Donc les mutations sont des erreurs de transcription de l'ARN du virus, Donc ce nombre de copies augmente avec le nombre de cas. Si le nombre de cas diminue, le nombre de copies, de multiplications va être très réduit, et on espère qu'avec la vaccination de notre population, on pourra arrêter la circulation, et diminuer le nombre de copies et le nombre d'apparitions des mutations. Pour le deuxième volet de votre question, il n'y a aucune donnée scientifique qui témoigne de l'inefficacité du vaccin. nous avons plusieurs indices de l'efficacité du vaccin, car toutes les campagnes, qui ont démarré ou en cours, pour la plupart des personnes vaccinées ou celles qui ont reçu une seule dose, il n'y a aucune infection due à la nouvelle souche. d'autre part les différents laboratoires ont annoncé qu'ils ont testé les anticorps des produits lors des essais chez les volontaires, et ils ont trouvé que ces anticorps développés après la vaccination , il y a 5 ou 6 mois , ces anticorps sont actifs contre cette souche. ce que nous attendons ce sont des études beaucoup plus robustes, qui ne sont pas rapportées par les laboratoires. Dans tous les cas, même si cette souche a une sensibilité moindre au système immunitaire des personnes déjà infectées ou bien des personnes vaccinées , son introduction au Maroc va être progressive vu les contrôles qui sont entrepris aux niveau des frontieres , et dans les 3 ou 4 mois qui vont venir , elle ne dépassera pas 20 % ou 30 %, et qu'en vaccinant la grande majorité de notre population, cette immunité sera efficace dans plus de 70 %. En tous les cas la communauté scientifique internationale et Marocaine est rassurée. Est-ce que le vaccin anti-Covid-19 confère une immunité de longue durée ? Pour cette question, il y a une réponse pratique et une réponse théorique. Sur le plan pratique, les vaccins autorisés et utilisés actuellement, et pour lesquels des études ont commencé en mai et juin 2020, nous sommes entre 6 et 8 mois des premiers vaccinés, et jusqu'à aujourd'hui, il y a des contrôles réguliers chez ces patients, chez ces volontaires, qui sont toujours bien immunisés. Ces personnes vaccinées sont réfractaires au virus, même si une partie n'ont pas d'anticorps, mais ils ont des cellules lymphocytaires TetB mémoires, qui, une fois en contact avec le virus, se multiplient énormément et produisent de nombreux moyens de défenses et ne laissent pas le temps au virus de se diffuser dans le corps. Pour le moment on peut dire que nous avons une immunité de 8 mois en moyenne pour les vaccins que nous avons autorisés au Maroc Sur le plan théorique, je dirai qu'il n'y a aucune raison pour que ce virus-là n'ait pas une immunité à vie comme tous les autres virus comme celui de la rougeole ou de la varicelle, des maladies que l'on contacte une seule fois dans sa vie sauf cas exceptionnel.