Nabil El Bousaadi «C'est la première fois, depuis soixante ans, qu'il y a un passage de témoin d'un président démocratiquement élu vers un autre démocratiquement élu. On est en train d'asseoir une tradition démocratique (...) On ne peut pas avoir des institutions fortes en tripotant les Constitutions, en changeant la règle du jeu en cours de jeu. Je ne peux pas m'engager dans l'aventure d'un troisième mandat. Cela aurait affaibli les institutions que nous sommes en train de construire». Tels sont les termes prononcés par Mahamadou Issoufou, 68 ans, qui, après avoir effectué deux quinquennats consécutifs à la tête du Niger, a choisi de quitter volontairement le pouvoir en assurant ne pas avoir eu à «résister aux sirènes d'un troisième mandat» comme certains de ses pairs africains, qui, contre vents et marées, s'accrochent toujours au pouvoir. L'élection présidentielle du 27 décembre dernier à laquelle il n'a pas participé parce que la Constitution ne le lui permet pas va marquer la première transition démocratique car ce sera la première fois que deux présidents élus se succèderont dans ce pays à l'Histoire jalonnée de coups d'Etat depuis son indépendance en 1960. Le premier tour de cette élection, à laquelle ont été appelés 7,4 millions d'électeurs, a été remporté par Mohamed Bazoum, le dauphin et bras droit du vieux président qui, dit-on, aurait bénéficié de l'appareil d'Etat pour mener sa campagne électorale corroborant, ainsi, les critiques des détracteurs du vieux président qui taxent le Niger de «démocrature» où les interdictions de manifester et les interpellations de militants de la société civile sont très fréquentes. Mais, en balayant ces accusations d'un simple revers de manche, Mahamadou Issoufou rétorque qu'«il n'y a pas de démocratie sans ordre, de la même manière qu'il n'y a pas de démocratie sans liberté». Le vieux président qui se dit «fier d'avoir tenu les promesses faites au peuple nigérien», se veut «optimiste» pour l'avenir du Niger bien que celui-ci soit l'un des pays les plus pauvres du monde, qu'il soit très souvent en proie aux attaques jihadistes et qu'en matière de démographie, il détient le record mondial de fécondité avec 7,6 enfants par femme. Si l'on ajoute à cela, les multiples coups d'Etat qu'a connu, depuis son indépendance, ce pays sahélien de 23 millions d'habitants, on peut dire que les entraves à son développement sont nombreuses. Considérant, par ailleurs, que «si le terrorisme arrive à prendre pied en Afrique, il prendra pied en Europe» Mahamadou Issoufou réclame une «coalition internationale » et se fâche quand on critique la présence des forces étrangères – notamment françaises – au Sahel car, pour lui, «ce ne sont pas des interventions étrangères, ce sont des interventions d'alliés» nécessaires lorsqu'on est «en guerre contre un ennemi commun». Enfin, si au moment de son accession à l'indépendance, le Niger comptait à peine près de 3 millions d'habitants alors qu'aujourd'hui il y a près de 23 millions de nigériens et qu'avec un taux de croissance annuel de la population de 3,9% (un record mondial), le pays comptera 70 millions d'habitants en 2050, le président Mahamadou Issoufou, pour lequel «la croissance démographique mange une bonne partie de la croissance économique» et qui est fier d'être parvenu à faire baisser le taux de fécondité, espère que ses successeurs arriveront «à maîtriser cette croissance exponentielle qui malheureusement rend difficile le progrès rapide du Niger vers l'émergence». Y parviendront-ils ? Attendons pour voir...