Après «Le pays où les pierres parlent» et «finis Gloriae Mundi», Vitriol vient boucler la trilogie, dédiée à l'alchimie. Abdelhak Najib romancier est tout aussi déroutant que Abdelhak Najib poète. Au bout de quatre recueils de poésie, il nous livre un voyage qui se lit comme un récit. D'abord «Le pays où les pierres parlent», avec ses voix oraclesques qui prédisent un monde finissant, juché sur des ruines humaines en devenir. Ensuite le très hermétique «Finis Gloriae Mundi», livré comme un hommage en filigrane à Fulcanelli et ses demeures philosophales, un ensemble d'aphorismes et d'apophtegmes poétiques qui attestent de la fin de la gloire d'un monde et annoncent un nouveau cycle, celui du Spiritus Mundi. Avant de signer son «Vitriol» qui n'a rien à voir avec notre vulgaire acide sulfurique. Au contraire, ce vitriol est le plus grand des voyages, le plus inachevé des pèlerinages vers soi. Visite l'intérieur de la terre et en rectifiant tu trouves la pierre cachée (Visita Interiora Terrae rectificando invenies occultum lapidem), disent les laboureurs du ciel, les alchimistes, avec leur sel de rosée et leur antimoine. Cette formule alchimique est au coeur d'un recueil qui se lit comme un pèlerinage. Un voyage où celui qui marche se pèle et enlève, peau après peau, sans destination aucune, sinon de s'alléger de ce qu'il porte et de ce qu'il est pour laisser la lumière entrer. C'est aussi une quête de soi, un alignement intérieur pour mieux se voir, pour mieux éclairer, pour mieux vivre. C'est une marche qui n'a d'autre raison que d'inventer tous les chemins possibles. Ni bon, ni meilleur, mais juste. C'est pour cela que dans ce recueil, le chemin désiré est celui de la voie du milieu. Avec pour unique viatique, ce coeur palpitant et ce désir de rendre ce qui est verrouillé ouvert, dans un pas sage d'une quête à une autre. Le poète devient un musicien comme dans l'alchimie, cet art de musique où il faut découvrir les gammes de la note et les coupler aux gammes chromatiques du monde pour passer d'un métal à l'autre, du plus vulgaire au plus précieux, le plus près des cieux. Tous ces passages sont colorés par trois couleurs : le noir, avec toutes les décompositions de l'être ; le blanc, où tout est rassemblé pour édifier la voie royale de celui qui n'hésite pas à sillonner tous les inconnus ; enfin le rouge, comme éclat, comme l'apothéose des noces chimiques entre un aigle et un lion. Nous sommes ici au cœur du creuset, avec notre matière première et nous assistons à tous les volcans avant la transmutation de soi. Car, au bout du compte, à l'orée de la rencontre avec son spiritus, le but n'est pas de faire de l'or, mais de transmuter, de changer, de s'aligner, pour laisser la lumière du monde entrer et rayonner de l'intérieur. Si tu cherches pour faire de l'or, tu ne trouveras pas. Si tu sais en faire, tu n'en as plus besoin. C'est cela la voie du poète-alchimiste. La rencontre avec sa lumière pour fondre dans l'un.