Les deux dernières soirées du festival Timitar, vendredi et samedi, ont été émaillées par des éminences toutes particulières. On aura vécu, de bout en bout, des moments de haute intensité avec des artistes, si sobres soient-ils, bourrés de prodige et de vista. Tout d'abord, les foules enchanteresses ont eu droit à Zahra Hindi, une révélation qui a crevé l'écran par son talent et son originalité hors pair. Devant une affluence hyper joviale, une panoplie de ministres, notamment Salah Eddine Mezouar des finances, Aziz Akhnouch de l'agriculture et de la pêche maritime, d'Yassir Znagui du tourisme, en compagnie de Mohamed Boussaid, Wali de la région Souss Massa Drâa, cette nouvelle diva conquit rapidement le théâtre de verdure archicomble. Empoignant à merveille la musique blues ancestrale, le jazz originel et la sonorité africaine, cette fracassante chanteuse amazighe, basée en France, tonitruait tout cet espace subitement pris par le charme et l'ébahissement. Faisant la part belle aux sons mélodieux de la guitare, enchevêtrés de sensualités des instruments typiquement traditionnels, cette prodigieuse cantatrice à l'allure angélique et à la voix gutturale et somptueuse, si copieusement attachée à ses racines identitaires, créa, au fil des morceaux amorcés, un univers musical métissé et chevaleresque. D'aucuns auront alors apprécié ce retour en force de la notion voix conquérante qui, malheureusement, à tendance à s'émousser aux dépens du boucan instrumentiste, à l'emporte-pièce. Zahra Hindi aura alors replacé la voix authentique, si onctueuse et sensuelle, dans son registre d'avant-garde, mettant ainsi en valeur aussi bien la culture des aïeuls que la musique contemporaine aux dimensions universalistes. «La musique est un art en constante progression qui se nourrit de différents moments de vie», confie-t-elle, seigneuriale et majestueuse, frappant fortement les portes des stars de tous les temps, notamment Dalida ou Edith Piaf. Dans le même registre, on aura ovationné longuement une autre sensation d'une voix fulgurante qui émerge également du lot et qui valorise cette exigence de plus en plus éclipsée au profit des fantasmes rocambolesques. En fait, Ali Campbell, de la légendaire voix du groupe UB 40, a vendu plus de 60 millions d'albums à travers le monde et, toute une génération a grandi en exaltant la voix sidérante du chanteur britannique dans des classiques de toute beauté, avec un indéfectible attachement au reggae innové. La soirée de samedi, clôture du festival, a été surtout marquée par l'entrée en lice, à l'immense esplanade Al Amal, du jeune prodige mauritanien, au maillage pittoresque de la musique traditionnelle maure et de la musique moderne, en côtoiement complice des instruments au rapprochement complexe, tels, d'une part, l'Ardine, la Tidinit.. et, d'autre part, la guitare mauritanienne, la batterie, les percussions… Dotée d'une voix épatante, cette chanteuse aux timbres à la fois feuilletés et jaillissants, harmonise cette musique de portée internationale avec un rayonnement de la musique mauritanienne. On croirait bien faire de mettre la cerise sur le gâteau, en programmant Faudel ou encore Daoudi, mais il se trouve que la redondance et le copier-coller du premier ont encore confirmé ce penchant de stagnation, voire de décadence inéluctable vers lequel le festival s'introduit. Faudel, en dépit des crépitements explosifs qu'il créa chez les jeunes, avides de défoulement, est affreusement consommé et pressé tel un citron acariâtre, avec ses multiples sorties à Agadir, à Timitar et au concert de la Tolérance. On ne cessera pas de le répéter, le festival Timitar a beau se tortiller dans son slogan « Artistes amazighes accueillent la musique du monde», il demeurera un rendez-vous où séduisent des étincelles, certes, mais sans fil conducteur thématique et identitaire qui renvoie à une nostalgie perdue, il y a de cela des décennies, en l'occurrence le festival arabo-africain dont les réminiscences bourdonnent dans les cœurs des soussis, fort attachés à cette trouvaille originelle. A l'époque, c'était bien les compétences d'Agadir qui s'appropriaient ce festival de rêve, sans qu'on n'ait recouru à cette avalanche de personnes qui se rue actuellement sur Timitar, avec tout ce que cela nécessite de frais faramineux et futiles, puisés dans les contribuables locaux. D'aucuns sont scandalisés aujourd'hui de cette invasion collective, avec à leur tête une direction dont la mission n'est pas quand même la mer à boire, aurait pu être confiée à des femmes d'ici, comme à titre d'exemple une certaine Latifa Yacoubi, ayant magistralement fait ses preuves dans bien des cas, entourée d'un staff de la région, au côté du directeur artistique Brahim El Mezned qui, au regard de cet envahissement macabre, constitue le maillon unique dans cette ruade importée. A suivre.