Par Sami Zine La confiance est le carburant à la fois de la démocratie, de la croissance économique et du progrès. Elle s'analyse au triple niveau des institutions et du fonctionnement de la démocratie, de l'élaboration des politiques et de la qualité des services publics. Gagner la confiance des gens (et des entreprises) est un processus long qui se construit sur des principes et des valeurs et qui se nourrit par des actes qui renforcent l'opinion positive des citoyens. Dans cette démarche, les processus suivis pour produire ces actes sont aussi importants que l'acte lui-même et sa finalité. Le respect des principes et des normes de conduite prescrits par les codes et autres règlements est une composante majeure de la confiance. Perdre la confiance des citoyens, par contre, est plus rapide. L'opinion négative qu'ils se font, particulièrement du fonctionnement de la démocratie est difficile à surmonter, surtout que leurs attentes dépassent de loin les performances des acteurs, dont certains font régulièrement étalage de leur versatilité, incompétence ou médiocrité. Les présidents des deux chambres du parlement, sensés se conduire en hommes d'Etat, et d'une manière qui sied à leur qualité de porteurs de la confiance publique, ont usé du pouvoir de nomination qu'ils détiennent es qualité pour porter des proches dans la boue dorée d'une agence de régulation, tournant le dos à leur propre règlement intérieur et aux conditions de sa validité imposées par la cour constitutionnelle. L'exercice du pouvoir que confère les perchoirs aux deux politiciens les a plus facilement exposés à la tentation de déroger à l'éthique et la déontologie qu'ils sont connus pour leur opportunisme. Leur comportement indigne a soulevé la condamnation quasi-générale. Soit. Maintenant, comment traiter la responsabilité de ces titulaires du pouvoir politique en faute d'avoir bafoué le règlement intérieur et privilégié l'intérêt partisan sur l'intérêt national ? Comment faire pour que ce comportement indigne soit corrigé et qu'il ne se répète pas à l'avenir ? Comment remonter la cote de l'estime de la population dans l'institution parlementaire? En démocratie, il n'y a pas de pouvoir sans responsabilité et il n'y a pas de responsabilité sans sanction. Il ne s'agit pas ici de la sanction politique des urnes lors des élections à venir, mais de la sanction immédiate conséquemment à la faute pour que l'épée de Damoclès de la punité serve à prévenir la violation des obligations. Dans le cas de figure actuel, quatre options sont ouvertes : la première est le recours à l'article 42 de la constitution. Cette disposition permet au souverain d'intervenir pour redresser le fonctionnement défectueux d'une institution constitutionnelle, le parlement en l'occurrence. Sur le plan juridique, une telle intervention ne peut se justifier par le maigre motif d'une bêtise commise par des présidents dans le cadre de leur charge personnelle envers une entité non constitutionnelle. La deuxième option est de provoquer une session extraordinaire du parlement en vertu de l'article 66 de la constitution pour discuter du scandale éthique des présidents. La charge politique et symbolique de cet événement, qui serait le premier du genre, permettrait de corriger le sentiment d'impunité ressenti par la majorité de la population, et de redorer le blason terni du parlement. La troisième possibilité est plus modeste : la mise en branle du mécanisme prévu par le règlement intérieur qui réserve au bureau de la chambre la charge de veiller à la bonne exécution des dispositions de la charte éthique. Dans ce cadre, la nomination par les présidents des membres de l'agence peut être soulevée et discutée. Mais, protégés par l'absence d'une procédure de destitution de la fonction, les présidents demeurent maîtres de leur décision sur laquelle ils peuvent revenir ou se suffire de plates excuses. La dernière option est de pousser les élus de la nation à amender le règlement intérieur de leur institution pour créer une commission d'éthique indépendante du bureau pour veiller à l'application des dispositions relatives à l'éthique et la déontologie au sein du parlement, et inclure une disposition sur les modalités de destitution du président en cas de manquement à ses devoirs ou de violation manifeste du règlement intérieur. La restauration partielle de la confiance dans l'institution parlementaire passe par la deuxième et quatrième option, robustes par leurs impacts immédiat et futur. Quant aux actuels présidents, s'ils ne se rétractent pas, il faudra les conduire, comme dirait ma grande mère «avec l'eau et le balai jusqu'à l'abysse».