Mohammed Ennahili, coordinateur national de l'Union des parents d'élèves de l'enseignement privé au Maroc Mohammed Ennahili, coordinateur national de l'Union des parents d'élèves de l'enseignement privé au Maroc, considère que le fait d'exiger aux parents un remboursement total pour un service non rendu, relève de la fraude voire de l'escroquerie. Et d'ajouter que certains patrons d'écoles, quand ils se sont rendus compte qu'ils ne vont pas bénéficier du Fonds Covid-19, ils ont mis en chômage partiel plusieurs salariés dans le dessein de faire pression sur l'Etat. Il s'agit d'un chantage pur jus, insiste-il. Al Bayane : Quelles sont les véritables causes du litige opposant les parents d'élèves aux propriétaires des écoles privées? Mohamed Ennahili : La réponse est simple et on n'a pas besoin d'être expert pour comprendre ce conflit social. En fait, la nature du problème est juridique et porte essentiellement sur l'essence du service rendu par ces entités privées et ce dans le cadre d'une relation contractuelle. Or, ces établissements réclament indûment la totalité des frais de scolarité pour les mois de mars, avril et juin pour un service qui ne figure point parmi les dispositions du contrat. Il s'agit d'une réclamation injuste et qui relève purement d'un esprit de cupidité. Mais, n'estimez-vous pas que les patrons écoles aient droit aux mensualités vu qu'ils ont assuré la continuité pédagogique? Est-ce que le type de service dispensé par ces écoles dans le cadre de ce que l'on désigne de l'apprentissage à distance équivaut à la formation présentielle ? La réponse ne peut être que négative et ce de l'avis même du département de tutelle. Il faut aussi souligner que durant le confinement sanitaire, les écoles ont tourné à mi-régime et même moins, ce qui leur a permis de faire d'énormes économies dans leurs budgets. Aussi, force est de constater qu'il n'y avait aucun respect des normes d'apprentissage en ce qui concerne les matières scientifiques, telles les sciences physiques ou naturelles, dont l'apprentissage exige une didactique spécifique. Là-dessus, il ya une violation des dispositions du contrat. Il faut dire que le fait d'exiger aux parents un remboursement total pour un service non rendu relève de la fraude voire de l'escroquerie. Il faut avoir à l'esprit que le principe qui «A travail égal, salaire égal», s'applique parfaitement sur cas. Pire encore, certaines écoles se sont permis, sans vergogne, de couvrir abusivement les frais de scolarité en ce qui concerne l'apprentissage préscolaire. Je trouve que c'est aberrant. Qu'est-ce que vous proposez exactement? Il faut gérer cette crise de manière commune voire participative tout en prenant en considération les intérêts des familles. Notons dans ce sens que la majorité des parents ont opté pour l'enseignement privé par contrainte faute d'un service public qui garantit un certain confort à nos enfants, notamment leur sécurité. Sans sombrer dans une approche nihiliste, il y a des écoles privées qui offrent un service de qualité, mais cela se fait au détriment des capacités financières des familles. Ainsi, nous sommes prêts à payer 50% des mensualités pour les mois d'avril et mai, soit 30% en contrepartie du service rendu et 20% en guise de solidarité avec les parents qui ont perdu leur emploi ou étaient en cessation temporaire de travail. Qui plus est, il faut que l'Etat intervienne pour réguler les prix ou au moins les maintenir notamment pour la prochaine année scolaire afin que les parents ne soient pas à la merci de ce lobby. Il est à noter qu'environ 1million et 15 mille élèves sont concernés par l'enseignement privé. Nous ne sommes pas des quémandeurs, nous voulons que justice soit rendue aux familles. Il est illogique le fait de déclarer les salariés à la CNSS sous prétexte qu'ils sont en situation d'arrêt de travail tout en voulant s'octroyer la totalité des frais. On est devant un lobby puissant bien implanté dans l'institution législative. Le devoir du Parlement consiste, en fait de défendre, l'intérêt général des citoyens et non les intérêts étroits des «entreprises de l'enseignement». Il est temps de séparer la sphère politique de celle de l'économie. Comment évaluez-vous la gestion du gouvernement de ce dossier? Il s'agit d'une gestion qui relève de l'improvisation et du tâtonnement. Je dois mettre l'accent sur certains patrons d'écoles. Quand ils se sont rendus compte qu'ils ne vont pas bénéficier du Fonds Covid-19, ils ont mis en chômage partiel plusieurs salariés dans le dessein de faire pression sur l'Etat. Il s'agit d'un chantage pur jus. En principe, l'Etat devrait diligenter une enquête ou même recourir à la voie judicaire pour enquêter sur les «fausses déclarations». Et le comble, c'est que ces patrons veulent déclencher une grève, ce qui constitue un cas sans précédent. Certains évoquent même l'existence des listes secrètes comme si nous vivions dans une zone de non-droit ou comme si les parents sont des otages. Il est temps que l'Etat change d'orientation en faisant prévaloir l'école publique en tant qu'acteur incontournable dans la construction de la nation. Et les solutions ne manquent pas, surtout lorsque plusieurs parents sont prêts à contribuer dans le financement de l'enseignement public dans le cadre d'une école citoyenne et participative. Il faut juste entamer des expériences pilotes aux niveaux des collectivités territoriales...