Entretien avec Omar Seghrouchni, président de la CNDP et de la CDAI Le président de la Commission Nationale de contrôle de la Protection des Données à caractère Personnel (CNDP) et de la Commission du droit d'accès à l'information (CDAI), Omar Seghrouchni, explique à la MAP comment ces deux instances se sont mobilisées, dès le début de la crise sanitaire, pour veiller au respect des droits de protection des données à caractère personnel et d'accès à l'information. Quels changements ont été opérés au niveau du champs d'interventions de la CNDP/CDAI? Il n'y a pas eu de changement, mais plutôt une accélération et cela n'est pas le propre de la CNDP ou de la CDAI, mais bien de toutes les institutions de notre pays. Il faut agir de façon pragmatique, rapide et efficace et aussi être agile, c'est-à-dire être à l'écoute, partager et être en mesure de corriger au fur et à mesure. Toutes les institutions se sont mobilisées de la sorte, au service des citoyens. Dans le contexte actuel, quelles sont vos nouvelles priorités en matière de protection des données à caractère personnel et du droit d'accès à l'information ? et quels bouleversements envisagez-vous à l'avenir en la matière? Concernant la protection des données à caractère personnel, notre priorité, par ailleurs confirmée par l'actualité difficile, est de donner la meilleure assise possible à la confiance numérique. C'est ainsi que nous pourrons encourager la digitalisation de la société. Il ne s'agit pas là d'une question technique, mais les droits et devoirs du citoyen doivent être transposés au sein de ce nouvel écosystème. Nous disons souvent que «pour vivre digital, il faut respirer protection des données à caractère personnel». Concernant le droit d'accès à l'information, le travail à faire est énorme. Nous avons beaucoup de choses à mettre en place car la mise en œuvre de ce droit est un des ingrédients majeurs de toute bonne gouvernance. A titre d'exemple, et cela va dans le sens de mon propos précédent, la digitalisation doit contribuer à réduire la fracture sociale et non le contraire. Les citoyens, qu'ils soient digitalisés ou non, doivent être en mesure d'accéder à l'information, comme l'exprime la loi 31-13, en toute égalité. Que pouvez-vous nous dire à propos de l'application de «Contact tracing» et à quel niveau interviendra la CNDP au sujet de sa mise en place? Cette application suscite beaucoup de questions. C'est normal et c'est la preuve que notre société est vivante. La CNDP travaille, avec différents responsables et partenaires, pour asseoir au mieux la confiance numérique qui est un prérequis pour toute digitalisation. Au sujet de cette application, la CNDP donnera son avis, relativement au respect des données à caractère personnel et au respect de la vie privée. Quel avis portez-vous sur le report de l'examen du projet de loi 22.20 relatif à l'utilisation des réseaux sociaux? Quand une décision crée un débat mouvementé, il est toujours utile de prendre le temps du débat. Il faut réfléchir, rééquilibrer, partager, comprendre, échanger et débattre. Simplement, il faut poser les bons termes du débat. La question principale à poser aujourd'hui est comment se prémunir contre ce fléau que constitue les fakes news ? Comment protéger notre société et la démocratie contre les décisions prises sur la base de la colère et de la peur, comme on l'observe au sein des réseaux sociaux. Ou contre celles prises sur la base d'une mauvaise information ou d'une manipulation. Nous devons y réfléchir et trouver la solution adéquate. Nous devons aussi voir comment autour de nous, dans le monde, le problème est traité. Nous ne devons pas oublier que les réseaux sociaux appartiennent à des entreprises privées. cambridge Analytica n'est pas très loin… Et peut-être que d'autres scandales vont voir le jour. Ce n'est pas parce que les réseaux sociaux sont technologiquement modernes, qu'ils sont démocratiquement sains. J'ai eu l'occasion de parler de la «transférite» qui nous a dévasté avant le Covid-19. Saurons-nous vivre sans transférer tout ou n'importe quoi ? Ne devons-nous pas réfléchir à comment «confiner les fakes news» ? Il y a beaucoup à dire. Et nous aurons probablement l'opportunité d'échanger de façon responsable sur le sujet. Il faut préserver nos démocraties.