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«Développement et facteurs non-économiques»
Publié dans Albayane le 27 - 04 - 2020

Al Bayane publie le livre d'Abdel Aziz Belal, éd. SMER, 1980
Pour une rénovation radicale de la démarche globale d'analyse
Poursuivant une réflexion engagée depuis près de vingt-cinq ans sur les problèmes du ‘'sous-développement'' et du développement, nous voudrions, dans cet essai, associer le lecteur à certaines de nos analyses et conclusions à leur stade actuel.
Une quinzaine d'années environ se sont écoulées depuis la mise au point de notre ouvrage intitulé : L'investissement au Maroc (1912-1964) et ses enseignements en matière de développement économique[1].
Dans cet ouvrage, à travers l'étude du cas concret du Maroc, nous avions tenté d'élaborer une théorie de l'investissement et du développement qui puisse être également applicable sous réserve de certaines conditions – à d'autres pays de même structure économique et sociale, et de niveau comparable de croissance des forces productives.
Depuis lors, notre réflexion s'est approfondie et enrichie, à la lumière de l'expérience, de l'évolution des pays dits sous-développés durant la dernière période, et des apports théoriques nouveaux suscités par la problématique du ‘'sous-développement'' et du développement.
Cet approfondissement a confirmé, à nos yeux, la validité de la démarche d'analyse et de la méthodologie générale adoptées dans nos travaux antérieurs, et que nous essayons d'affiner dans le présent essai, en projetant davantage de lumière sur les facteurs non économiques, (notamment les facteurs politiques, idéologiques et culturels), et leur interférence sur les facteurs économiques.
Cinq propositions fondamentales
1. Nous appréhendons le ‘'sous-développement'' comme un processus socio historique surgi à la suite de l'impact violent du capitalisme et de l'impérialisme moderne sur des formations sociales précapitalistes dont la structure et la ligne d'évolution n'avaient pas été semblables à celle des sociétés d'Europe Occidentale considérées à la veille de l'émergence du Mode de Production Capitaliste (entre le 16ème et le 18ème siècle). Pour le comprendre, au lieu de suivre une démarche de type mécaniste et occidento-centriste, il faut au contraire interroger l'Histoire, le mouvement socio-historique réel, pour parvenir à dégager les causes profondes de ‘'l'inhibition'' des formations sous-développées comme conséquence de leur façonnement par la domination des formations capitalistes développées, c'est-à-dire en dernier ressort comme conséquence du jeu des lois de la dynamique du Mode de Production Capitaliste (MPC) au stade impérialiste.
Cette proposition renvoie à plusieurs exigences au niveau de la recherche, de la réflexion et de la relecture de l'Histoire. S'agissant de la période ayant précédé la Révolution Industrielle du 18ème siècle, il est essentiel de mener une réflexion parallèle et comparative sur les deux grandes types de sociétés de l'époque : celles qui donneront naissance au capitalisme par un mouvement endogène c'est-à-dire les sociétés européennes et plus particulièrement d'Europe occidentale (et du Japon) d'un côté, et celle d'autre part qui, en dépit de périodes importantes de créativité et de brillante civilisation, plongeront dans une sorte de léthargie, sinon de régression.
Ces deux lignes d'évolution, différentes déjà dans la phase préindustrielle, sont mieux entrevues à l'heure actuelle au plan de l'analyse historique comparative, mais de larges zones d'ombre persistent encore dans la connaissance des sociétés précapitalistes extra-européennes, malgré la multiplication récente de travaux de recherche sur ce thème[2].
À partir de la Révolution Industrielle du 18ème siècle, et des conditions sociales, politiques et technologiques qui l'ont engendrée, il faut pouvoir maîtriser la connaissance des lois contradictoires de fonctionnement du capitalisme se développant dans un cadre national-autonome, en particulier des facteurs qui le poussent à l'expansion externe (baisse tendancielle du taux de profit, problème des débouchés, notamment). Les débuts de l'expansion impérialiste européenne appellent à l'adoption d'une méthode de réflexion permettant de saisir simultanément les changements de structure des économies d'Europe Occidentale (les premières formes d'industrialisation, le passage au stade monopoliste etc..) et leurs répercussions sur les économies dominées ou en voie de l'être.
Ainsi par exemple, on comprendra mieux le rôle énorme joué par la destruction de l'artisanat textile de l'Inde (une véritable ‘'désindustrialisation'') sous les coups de la concurrence anglaise, dans l'affirmation et le développement de l'industrie britannique déjà entre les années 1820 et 1850. Sans perdre de vue la situation particulière de l'Amérique Indienne et de certaines régions d'Afrique Noire qui ont commencé à être violemment déstructurées dès le 16ème siècle, la première sous les coups de la colonisation ibérique, les secondes sous l'effet de la traite d'esclavagiste.
2. Les formes du ‘'sous-développement' à partir de l'époque de sa naissance, peuvent varier dans le temps et dans l'espace, ce qui exprime à la fois des différences dans les structures antérieures à la pénétration impérialiste, et des modalités diverses d'intégration périphérique au système mondial.
Entre la fin du 19ème siècle, la première moitié du 20ème et la seconde moitié du 20ème siècle, nous avons tout au long d'un trend historique marqué par l'ascension puis le déclin de l'impérialisme classique une période de l'Histoire extrêmement riche et féconde durant laquelle des changements importants ont secoué la planète, notamment les crises du capitalisme, deux guerres mondiales dévastatrices, des révolutions socialistes victorieuses et le formidable mouvement d'émancipation des peuples coloniaux.
L'application des conquêtes de la Révolution scientifique et technologique contemporaine pose de nouveaux problèmes, qui ne peuvent être pleinement maîtrisés que dans des économies réellement planifiées. Le capitalisme monopoliste transnational tente d'utiliser la crise actuelle du système capitaliste comme moyen de régulation en vue de se donner un nouveau souffle, et d'atteindre d'autres sommets dans le processus de concentration-centralisation internationale du capital. Les reconversions en cours impliquent des réajustements dans les formes de la division internationale du travail entre les pays capitalistes industrialisés et les pays du Tiers Monde, réajustements créateurs de nouvelles formes de dépendance.
Les structures des formations sociales des pays du Tiers Monde, antérieures à la pénétration impérialiste, tout en se distinguant nettement par rapport à celle du système féodal européen, n'étaient pas uniformes. Par exemple le processus de différenciation en classes sociales était relativement avancé dans le cas de la plupart des sociétés asiatiques alors qu'il l'était beaucoup moins dans le cas des sociétés d'Afrique Noire, où de fortes structures communautaires se sont perpétuées jusqu'à l'avènement de la colonisation et même après. L'impact du capitalisme étranger, tout en produisant le même effet global de destruction et d'arrimage de la dépendance, n'a pas entraîné des conséquences tout à fait semblables dans les deux cas sur les structures internes.
Les modalités d'intégration périphérique au système capitaliste mondial devaient renforcer les différences. L'antériorité de ‘'l'intégration'' de l'Amérique Latine au système mercantiliste européen, c'est-à-dire dans une phase encore marquée par l'accumulation de capital-argent et la prédominance en Europe de la propriété foncière de type féodal, a maqué de traits particuliers les structures socio-économiques de la plupart des pays latino-américains.
Nous pourrions multiplier les exemples, mais notre propos à ce stade est surtout de tenter de dégager une grille de relecture de l'histoire des rapports entre les sociétés capitalistes et le reste du monde, en vue de mieux préciser les origines et la formation du ‘'sous-développement''.
3. Durant les dernières décennies, le mode de production capitaliste a pénétré les formations sociales dominées, d'abord dans un cadre de rapports ‘'métropoles-satellites''[3], puis après la décolonisation politique, dans un contexte nouveau auquel il tente de s'adapter, tout en poursuivant le processus de transnationalisation.
En tant que projection du capital monopoliste international, le MPC s'est subordonné les modes de production antérieurs (mode de subsistance, mode petit marchand simple, ‘'mode latifundiaire'' etc.) en les défigurant et en les soumettant à sa fonctionnalité propre ; au point qu'à l'heure actuelle, cette combinaison des formes sociales du passé transformées et des formes du présent dominantes constitue, dans sa totalité dialectique, un ensemble social qualitativement différent par rapport à la fois aux formations précapitalistes antérieures et aux formations capitalistes développées[4].
Etant bien précisé que ce sont les formes dominantes (cad. Le capitalisme) qui déterminent le fonctionnement de l'ensemble, alors que les modes subordonnées peuvent conditionner ce fonctionnement, c'est-à-dire lui donner une forme spécifique. La reproduction de la domination impérialiste est rendue possible au moyen d'une articulation – intégration – transformation – des rapports sociaux autochtones[5]. Ce qui nous éloigne de la conception courante et simpliste du ‘'dualisme''.
4. Toute formation sociale dominée constitue une totalité en mouvement au sein de laquelle se tissent, se consolident ou se défont des séries de relations dialectiques entre la base matérielle de la société et sa superstructure. Dégager la nature de ces relations, leur entrelacement, leur rôle dans la maintenance du ‘'sous-développement'' ou au contraire dans la création des forces susceptibles de l'éliminer, constitue à notre avis un problème central auquel jusqu'ici très peu d'auteurs ont prêté attention. Nous sommes pourtant là dans une zone stratégique d'une importance capitale, dès lors que l'on admet que le problème global du développement est, fondamentalement, un problème de changement social.
La base matérielle de la société ou structure économique est constituée par les modes de production existants[6].
La superstructure de la société est constituée par les relations sociales autres que les relations économiques (relations politiques, juridiques etc.), par les institutions qui les organisent et les régissent (l'Etat, les organisations socio-politiques etc.) ainsi que par l'ensemble des idées qui représentent la conscience sociale (ces idées, scientifiques ou non, reflètent la connaissance que la société possède de la nature, d'elle-même, de son histoire etc., les idéologies des différentes classes et groupes sociaux font partie de cette conscience sociale).
Tenter de saisir les relations dialectiques qui se nouent entre la structure économique et la superstructure ne peut se faire qu'à partir d'une démarche d'analyse globale des réalités du ‘'sous-développement'', c'est-à-dire une analyse à la fois socio-économique, socio-culturelle, socio-politique, psychosociologique etc. Seule une telle démarche peut permettre de fonder une stratégie globale du développement intégrant pleinement le jeu complexe des facteurs non-économiques, dans leur aspect dynamisant. Cela signifie une répudiation de l'approche en termes ‘'purement économistes'', telle que celle pratiquée par les disciples contemporains des néo-classiques et de l'école keynésienne.
5. Toute stratégie de développement[7] renvoie à la nature de l'Etat, à la structure de classe de la société, au projet social de la classe (ou de la fraction de classe) dominante. Toujours présentée comme servant ‘'l'intérêt général'', elle est en réalité l'expression d'intérêts de classe déterminés et de visions idéologiques déterminées qui tentent de légitimer ces intérêts.
On peut saisir cette réalité à deux niveaux, celui des options fondamentales et celui des moyens d'action : s'agit-il d'une simple reproduction de la formation sociale existante ou d'une transition réelle vers une nouvelle formation sociale ? A quelles fins est réellement affecté le surplus économique et quel est le degré de participation consciente des producteurs directs à la direction du processus de développement?
D'où l'importance essentielle de la dimension politique et idéologique des problèmes du développement, souvent escamotée ou méprisée par les auteurs d'obédience libérale ou néo-libérale.
Les cinq propositions fondamentales qui fondent notre démarche d'analyse, se présentent également comme une critique explicite ou implicite de la démarche académique qui assimile le ‘'sous-développement'', tantôt à un retard ou à un cercle vicieux de la pauvreté, tantôt à un phénomène provoqué par l'explosion démographique, ou à une situation découlant de facteurs moraux ou psychologiques (fatalisme etc.).
1 Editions Mouton, Paris 1968 (édition épuisée) ; ouvrage a été réédité en 1976 aux Editions Maghrébines, Casablanca, et en 1980.
² Il faudrait citer les travaux publiés par des auteurs d'obédience marxiste à partir du concept de ‘' mode de production asiatique''. Ou de ‘'mode de production tributaire''. Notamment S. Amin ‘'Le développement inégal'' 1ère partie. Ed. de Minuit ; ‘'Sur le mode de production asiatique'' Ed. sociales. L'Afrique Noire, C. Meillassoux : ‘'Femmes, greniers et capitaux'' Ed. Maspero.
3 Voir à ce sujet notamment la première partie de notre ouvrage L'investissement au Maroc (1912-1964) également S. Amin L'Afrique de l'Ouest bloquée. Ed. de Minuit.
4 Sur ce point, nous sommes tout à fait d'accord avec M. Dowidar : Cf. L'économie politique, une science sociale. Ed. Maspero.
5 Cf. Claude Meillassous : Femmes, greniers et capitaux. Ed. Maspero, également la Revue Dialectique N° 21 consacré à Anthropologie tous terrains.
6 Un mode de production en général est défini comme une combinaison spécifique d'un certain niveau de développement des forces productives avec le type de rapports de production correspondant.
7 Nous employons ici l'expression ‘'stratégie de développement'' dans un sens très général, qui couvre même les cas où, en fait il n'y a pas à proprement parler volonté de développement autonome, mais simplement poursuite d'une croissance en termes quantitatifs, sans remise en cause de la dépendance.
Demain: L'échec d'une approche et de sa pratique


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