Les dirigeants mondiaux s'efforcent jeudi de surmonter leurs divisions pour apporter des réponses concertées à la pandémie de Covid-19, dont le bilan devait dépasser les 90.000 morts dans la journée et qui menace la planète d'un crash économique sans précédent. Symbole de la gravité exceptionnelle de la situation, la coalition menée par l'Arabie saoudite et engagée depuis cinq ans dans un conflit impitoyable avec la rébellion des Houtis au Yémen, a annoncé un cessez-le-feu à partir de 09H00 GMT pour prévenir une propagation du coronavirus. Alors que plus de la moitié de l'humanité est placée en quarantaine, des «secteurs entiers» de l'économie mondiale sont à l'arrêt, relève l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et un demi-milliard de personnes risquent de tomber dans la pauvreté, selon l'ONG Oxfam. «Les pauvres n'ont pas de revenus, encore moins d'économies. Mes enfants ne peuvent pas travailler, tout le monde a besoin d'aide», témoigne Maria de Fatima Santos, une habitante de la Cité de Dieu, une favela emblématique de Rio de Janeiro, au Brésil. Les échanges commerciaux pourraient s'effondrer de jusqu'à un tiers cette année, s'alarme l'OMC. Et pas moins de 1,25 milliard de travailleurs risquent d'être directement affectés, selon une estimation de l'Organisation internationale du travail (OIT). Malgré le confinement et un début de normalisation à Wuhan, ville où a débuté la pandémie fin 2019 et dont le bouclage a été levé mercredi, le Covid-19 poursuit sa progression. Notamment aux Etats-Unis, où il a fait près de 2.000 morts en 24 heures, un record. Dans ce contexte, le Conseil de sécurité de l'ONU veut tenter jeudi de surmonter ses divisions, notamment sino-américaines, à l'occasion d'une réunion en visioconférence consacrée au Covid-19. Une première depuis le début de la crise. Selon des diplomates, «les positions évoluent dans le bon sens» et Washington aurait accepté de ne plus insister sur «un virus d'origine chinoise», formulation qui suscitait la fureur de Pékin. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres devra toutefois parvenir à unifier une instance divisée entre membres permanents et membres non-permanents. Il a souligné que ce n'était «pas le moment» des critiques, mais celui de «l'unité» et de la «solidarité pour arrêter ce virus», alors que le président américain Donald Trump a vivement mis en cause l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour sa gestion de la crise. Les pays de l'UE doivent pour leur part tenter une nouvelle fois jeudi de s'entendre sur une réponse concertée à la crise, après l'échec mercredi d'une première réunion marathon. Dans une tribune, la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a appelé les 27 à «être côte à côte» pour répondre à la crise avec des mesures budgétaires. Mais de profondes divisions opposent notamment les pays du Sud du continent à l'Allemagne et aux Pays-Bas, opposés à toute mutualisation des dettes publiques. Confrontés à des cours au plus bas en raison de la pandémie, les principaux pays producteurs de pétrole, Opep et Russie en tête, doivent eux aussi tenter de s'entendre dans la journée sur une réduction de production équivalant à 10% du débit mondial. Des centaines de millions de chrétiens confinés s'apprêtent de leur côté à célébrer Pâques dans des conditions inédites. C'est ainsi sans la présence de fidèles que le pape François célèbrera à 16H00 GMT la messe de la Cène, le dernier repas de Jésus à la veille de sa mort et temps fort de l'année liturgique. Le pontife devra à cette occasion s'abstenir de se livrer au rituel du lavements de pieds, celui-ci ayant été interdit à l'heure du coronavirus qui bannit les contacts rapprochés. Les autorités de plusieurs pays sont sur le qui-vive pour cette fête qui donne traditionnellement lieu à des réunions de famille. Comme en Irlande, où des barrages routiers ont été mis en place pour éviter toute violation des règles de confinement. En Espagne, où les processions retraçant les étapes de la Passion du Christ restent une tradition populaire très vivace, les fidèles vivent au rythme des retransmissions des marches des années précédentes. A Séville, où les célébrations sont particulièrement ferventes, des voisins partagent ce moment en mettant le son de ces marches à plein volume peu après 20H00, après les applaudissements destinés au personnel médical. «Mon fils aîné de 12 ans met le haut-parleur dans la salle de bains et se douche au son des marches de la Semaine Sainte», s'amuse un habitant, Pablo Murillo. De leur côté, un astronaute américain et deux cosmonautes russes ont décollé comme prévu à 08H05 GMT du cosmodrome russe de Baïkonour, au Kazakhstan, en direction de la station orbitale. En raison de la pandémie, les adieux aux familles se sont effectués par visioconférence. L'Italie reste le pays le plus endeuillé avec 17.669 décès, suivie de l'Espagne (plus de 15.000 morts), des Etats-Unis (14.695) et de la France (10.869, dont 541 en 24 heures). En Grande-Bretagne, un nouveau plafond de 938 morts a été recensé en 24 heures, pour plus de 7.000 en tout. La santé du Premier ministre Boris Johnson, en soins intensifs depuis dimanche dans un hôpital londonien après avoir été contaminé au Covid-19, «s'améliore» selon son ministre des Finances. L'OMS a mis en garde contre toute tentation d'assouplir précocement le confinement alors que l'Espagne, l'Italie et la France relèvent une tendance à la baisse de la tension hospitalière. Des pays comme l'Autriche, le Danemark, la Norvège, la Grèce et la République tchèque, jugeant la pandémie sous contrôle sur leurs territoires, ont annoncé la levée prochaine de certaines restrictions.